Le parfum des hommes

Dans les années 2000, plusieurs employés d’une usine Samsung, spécialisée dans les semi-conducteurs, décèdent de leucémie. Parmi eux, Yumi, âgée de 20 ans. C’est son histoire et celle de ses parents qu’a voulu mettre en lumière, le coréen Kim Su-Bak dans son album poignant Le parfum des hommes, publié aux éditions Atrabile. Ce témoignage fort dénonce le géant de la téléphonie, entre pression, argent et mort certaine.

MALADE A 20 ANS

Yumi commence à travailler dans une usine Samsung à l’âge de 18 ans. Deux ans plaus tard, elle découvre qu’elle est atteinte d’une leucémie, qui ne lui laissera que peu de répit et périra en quelques mois, décédant sur la banquette arrière de la voiture de Sang-Ki son père.  Il découvre alors que d’autres employés de la même entreprise sont atteints de la même maladie. Essayant d’alerter les médias et les responsables politiques, il n’arrive pas à réveiller les consciences.

UNE ENQUÊTE SANS CONCESSION

Kim Su-Bak mène une enquête sans concession dans ce récit d’une grande dureté, à la fois sensible et révoltant. Se muant en journaliste d’investigation, l’auteur de Quitter la ville, raconte avec beaucoup de retenue et de pudeur l’histoire de Yumi, jeune fille de 18 ans qui décide de travailler tout de suite après l’obtention de son bac afin d’aider financièrement sa famille très modeste. Il rencontre les parents de la défunte qui vont lui raconter les deux ans de souffrance de leur fille et la suffisance de l’ogre Samsung, recherchant à tout prix le profit, ne se laissant pas impressionner par les victimes ou leurs familles réclamant justice. Pour les familles de victimes comme celle de Yumi, il est quasi impossible de s’attaquer à elle. Toute les personnes de l’entourage les en dissuade, aucun avocat ne prendra le risque de s’y frotter et la classe politique non plus.

UNE PRESSION DE SAMSUNG DE TOUS LES INSTANTS

Pourtant Sang-Ki, le père de la défunte va rapidement découvrir que de nombreux employés sont ou ont été victimes des produits manipulés et ont contracté des leucémies. Il lui sera pratiquement impossible d’avoir une assurance maladie de la part de la firme pour couvrir les frais importants de l’hospitalisation, de faire reconnaître la leucémie comme une maladie professionnelle. Il recevra un petit pécule pour cela en échange de non-poursuites judiciaires. La pression exercée par des dirigeants sera de tous les instants minant la mère de Yumi, sombrant dans une longue dépression.

DE MAUVAISES CONDITIONS DE TRAVAIL

Su-Bak dénonce aussi les conditions de travail de l’usine : les protections étant trop légères lors des manipulations des liquides. D’ailleurs les jeunes employés n’y font pas attention pensant presque qu’ils sont invincibles.

UN RÉCIT QUI IMPOSE UNE RÉFLEXION

Malgré un récit touchant et d’une grande noirceur, il parvient à distiller des séquences plus humaines notamment quand Yumi photographie la nature. Cet album implacable risque de faire des remous en Corée du Sud. Pour nous Français et consommateurs Samsung, cela peut nous faire réfléchir avant d’acheter un mobile de la marque et pourquoi pas se retourner vers un téléphone plus éco-responsable.

Article posté le dimanche 16 novembre 2014 par Damien Canteau

  • Le parfum des hommes
  • Auteur : Kim Su-Bak
  • Editeur : Atrabile
  • Prix : 17€
  • Sortie : 14 novembre 2014

Résumé de l’éditeur : C’est à 18 ans que Yumi commence à travailler dans une usine Samsung spécialisée dans les semi-conducteurs. Deux ans plus tard, elle se plaint de douleurs. Le diagnostic tombe alors, comme un couperet: elle est atteinte de leucémie. L’état de la jeune fille va rapidement s’empirer, et elle décédera finalement sur la banquette arrière du taxi conduit par son propre père, Sang-ki Hwang, alors qu’il la conduit à l’hôpital. M. Hwang se rendra vite compte que sa fille n’est pas la seule ouvrière à être tombée malade. Et si c’était son travail, en l’exposant à des matières hautement toxiques, qui l’avait tuée? Afin de rendre publique cette situation et d’honorer ainsi la mémoire de Yumi, Sang-ki rencontre des responsables de partis politiques et des médias.  La réponse est trop souvent identique: personne n’ose défier le géant Samsung. Depuis, Sang-ki ne cesse d’entreprendre des démarches avec d’autres victimes de Samsung.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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