Reckless 04

Sur les hauteurs d’Hollywood, certaines vieilles demeures sont entourées d’un voile de mystère. Mais quand il s’épaissit au point de prendre des allures de meurtres, il faut bien que quelqu’un se dévoue pour enquêter. Avec le quatrième opus des aventures de Reckless, Ed Brubaker et Sean Phillips nous livrent un polar passionnant dont ils ont le secret.

Reckless : « Croyez-vous aux fantômes, Anna ? ».

En novembre 1989, Ethan Reckless est absent pour quelques temps. C’est pourtant à ce moment-là que Lorna Valentine pousse la porte du cinéma El Ricardo. Elle a beau être une ancienne vedette de films d’horreur à petit budget, ce n’est pas pour le 7e art qu’elle a fait le déplacement. En effet, celle qu’on connaissait 20 ans auparavant sous le nom Evilina a depuis longtemps cessé de pousser son célèbre cri d’épouvante. Le titre de « scream queen » est désormais bien loin, tout comme le monde du cinéma.

Non, ce jour-là, si elle a poussé la porte du cinéma, c’est parce qu’on lui a légué une demeure sur Hollywood, et pas n’importe laquelle. Il s’agit du manoir Lamour, une des plus célèbres « maisons maudites » de Los Angeles.

Ce fantôme en toi.

Lorsqu’Ethan n’est pas là, c’est Anna qui est en charge des affaires courantes. Et la jeune femme aux cheveux roses le sait, cette affaire est une chance unique de découvrir le sulfureux manoir. Construit par la star du cinéma muet, Laszlo Lamour, il devait être l’écrin d’un amour sublime. En réalité, il ne fut que le tombeau de tous ses malheureux occupants. On raconte même que le fantôme de Lamour y rôde encore et porte la mort sur l’imprudent qui oserait en franchir le seuil.

« J’ai récemment hérité d’une vieille maison. Et j’ai… Il faut que quelqu’un me dise si elle est hantée ou pas. »

Fascinée par tout cet univers, il faut à peine quelques secondes à Anna pour accepter le contrat. Et qui plus est, Gremlin, le chien de Lorna a disparu depuis qu’elle emménagé dans le manoir… Alors si on ne peut même plus rendre service à ses idoles de jeunesse, sérieusement, où va-t-on ?

Reckless sans Ethan.

En trois albums (01, 02, 03), Ed Brubaker et Sean Phillips ont fait de Reckless un incontournable. Des intrigues efficaces, un rythme endiablé et des références cinématographiques… Telle est la recette de cette série de polars noirs qui entraine le lecteur dans un univers désabusé et passionnant.

Mais jusqu’alors, on avait la nette impression que tous ces éléments étaient portés par le charisme du personnage éponyme. Avec ses airs de Robert Redford et une irascibilité qui ne parvient pas à occulter son grand cœur, Ethan Reckless a tout du grand héros. Mais voilà, dans ce quatrième tome, celui qui semblait porter la série sur ses larges épaules est absent.

Une surprise ?

Le fait est que l’absence du personnage principal a de quoi surprendre. Mais en réalité, cela nous permet de réaliser que la série a plus d’une corde à son arc. Anna a bien appris de son mentor. Et dans l’ombre d’Akira Kurosawa, dont elle projette les films, elle va tenter de résoudre une enquête bien plus complexe qu’il n’y paraît. Alors bien entendu, la jeune femme n’a pas la carrure d’un Toshirō Mifune et ses méthodes diffèrent grandement de celles d’un garde du corps. Mais maligne et pugnace, elle sait qu’elle possède les armes pour arriver à ses fins. Les attentes du lecteur sont donc bien comblées, avec ou sans Ethan. Mais à ce propos, à y regarder de plus près, un dernier élément attire notre attention.

Une présence invisible.

Tout au long de l’album, une voix extérieure raconte l’histoire. Ce narrateur externe présente le moindre fait, la moindre pensée. Et lorsque cela est nécessaire, il donne son avis ou délivre un jugement. Cette voix, c’est celle d’Ethan, des années plus tard. Sans qu’on s’en rende compte, il nous raconte son histoire et celle de ses proches. Mais l’amertume et la mélancolie qu’on perçoit distinctement nous fait comprendre qu’Ed Brubaker sait où il va. Et malheureusement, il semble bien que de nombreux drames soient à venir.

 

Réaliser un épisode entier d’une série sans le héros éponyme a tout de la gageure risquée. Mais L’association Brubaker/Phillips/Phillips montre une fois de plus toutes ses qualités. Reckless, Ce fantôme en toi, a tout des grands polars noirs.

Article posté le lundi 29 mai 2023 par Victor Benelbaz

Reckless #04 d'Ed Brubaker et Sean Phillips (Delcourt)
  • Reckless, Ce fantôme en toi
  • Scénariste : Ed Brubaker
  • Dessinateur : Sean Phillips
  • Coloriste : Jacob Phillips
  • Traducteur : Alexis Nikolavitch
  • Editeur : Delcourt
  • Collection : Contrebande
  • Prix : 16.5 €
  • Parution : 05 avril 2023
  • ISBN : 9782413046684

Résumé de l’éditeur : Hiver 1989. Ethan est absent, si bien qu’Anna est seule pour prendre ce job. Lorsqu’une reine du cinéma lui demande de prouver que le manoir qu’elle est en train de rénover n’est pas hanté, Anna tombe sur un mystère vieux de plusieurs décennies qui implique l’une des scènes de crime les plus terrifiantes d’Hollywood… Un endroit qui renferme de nombreux secrets indicibles, dont certains pourraient s’avérer mortels…

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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