Solstice

Deux lycéens décident de franchir les limites de leur ville et se retrouvent dans les ruines d’une cité. Surpris par un ermite, ils vont le suivre pour apprendre les rudiments de la forêt. Lucas Scholtes dévoile leurs aventures dans Solstice, son premier album; une belle histoire de survivalisme et d’écologie.

Une ville sous tension

Élèves brillants, François et Gus s’ennuient en attendant l’heure du bac. Les révisions, trop peu pour eux, ils connaissent déjà tout sans trop forcer. Ce qui les fait tripper, c’est d’aller voir les clodos possédés.

Tous les soirs, à la même heure, des marginaux envahissent la ville pour mettre le bazar dans ses rues. Malgré la police, ils continuent de semer le trouble. A la fin de leur déambulation, ils trouvent refuge dans la forêt.

Franchir les limites

Le lendemain matin, Gus et François décident de franchir les limites de la ville pour découvrir où sont passés les clodos possédés.

A peine le grillage enjambé, derrière les arbres, ils sont arrêtés nets par la vision d’une cité en ruine.

« C’est quoi cette ville fantôme géante ?! »

Ils errent dans cette ville détruite par l’usure du temps et y trouvent des objets pour se déguiser. Mais après une longue marche, ils décident de la quitter avant qu’il fasse nuit. L’endroit n’est pas si sûr que cela.

Ivan, l’ermite des bois

Alors qu’ils sont sur le chemin du retour, Gus et François croisent Ivan, un ermite. Ils pensent alors que ce colosse est un clodo possédé. Or, il habite dans la forêt et n’est pas l’un d’eux.

Les lycéens suivent Ivan jusqu’à son abri de fortune. Ils y passent la nuit. Le lendemain, l’ermite les emmène chasser…

Solstice, album prometteur

Après avoir suivi des cours de bande dessinée et d’illustration au lycée Auguste Renoir à Paris puis ceux des Arts déco de Strasbourg, Lucas Scholtes propose Solstice, son tout premier album. Pour une première, c’est une vraie réussite ! Entre cinéma d’animation, mangas et même comics, le jeune auteur imagine une histoire de survivalisme haletante aux contours très intelligents. Solstice, c’est un récit initiatique mâtiné d’écologie et de déclassement social.

En choisissant deux lycéens, Gus et François, il les inscrits dans les mouvements jeunesse autour de l’écologie de Greta Thunberg. Ceux sont eux l’avenir et ceux qui peuvent encore faire bouger les mentalités. Dans son récit, Lucas Scholtes peut aussi y aborder les thèmes de l’adolescence, celle où l’on se sent invincible, celle des dangers à affronter. S’ils sont curieux, les deux amis ne semblent pas si téméraires que cela.

Être(s) à part

L’adolescence n’est pas si éloigné de la vie actuelle de Lucas Scholtes. A peine plus âgé que ses héros, il décrit ce moment charnière avec une très belle justesse. L’on comprend mieux pourquoi L’employé du moi et Max de Radiguès aient choisi cette histoire, tant ce dernier aime cette période, lui qui en a si bien parlé (L’âge dur, Stig & Tilde, Frangins).

L’aventure, c’est leur moteur, eux qui sont doués à l’école et qui s’y ennuient. Rien de mieux que de se frotter à la dure réalité lorsque l’on a un bagage intellectuel si vaste.

Ivan leur servira de mentor, lui l’ermite de la forêt. La débrouille, la chasse et la survie seront au cœur de leur séjour dans cet endroit si hostile.

Ivan n’est pourtant pas le seul être à part dans Solstice. Les clodos possédés sont aussi ceux qui font peur. Ce déclassement social et par conséquence le rejet, ce sont aussi les thèmes centraux de l’album. Pourquoi sont-ils rejetés ? Comment sont-ils devenus ces SDF à la marge ?

Écologie, survivalisme et cité abandonnée

Avec Solstice, Lucas Scholtes aborde également les thèmes de l’environnement. Ivan et les clodos possédés doivent survivre et se nourrir par la chasse. Leur état social est ainsi régressif. Ils retournent à une certaine forme de simplicité. Ils sont survivalistes jusque dans leurs gestes.

Quant à la cité abandonnée, bétonné à outrance, elle voit la végétation reprendre ses droits. La partie graphique de Solstice est très attirante. Un découpage dynamique, un trait hachuré assez géométrique et des couleurs très tranchées participent d’une vraie ambiance de suspense. Les trognes des clodos possédés confirment l’effroi en les voyant. Dans ses thématiques et un peu dans le dessin, on pourrait parfois penser aux albums de Mathieu Bablet (La belle mort) mais aussi Menotte & Quenotte de Michel Esselbrügge en lisant cette très belle histoire.

Article posté le mercredi 12 mai 2021 par Damien Canteau

Solstice de Lucas Scholtes (L'employé du moi)
  • Solstice
  • Auteur : Lucas Scholtes
  • Editeur : L’employé du moi
  • Prix : 16 €
  • Parution : 16 avril 2021
  • ISBN : 9782377316465

Résumé de l’éditeur : Bien que relativement indifférents quant à leur réussite scolaire, Gus et François sont deux brillants lycéens. Dans quelques jours, ils doivent passer le bac et l’on ne peut pas dire que cela les préoccupe véritablement. Heureusement, la horde de « clochards possédés » qui déferle sur la ville tous les soirs devrait pimenter un peu cette dernière semaine de révision. Qui sont-ils ?? Que veulent-ils ?? Il faut absolument partir à leur recherche pour essayer de comprendre ce phénomène stupéfiant. La piste débute à l’orée de la forêt qui borde les alentours. Alors que l’aventure ne fait que commencer, ils rencontrent Ivan dans ce qui semble être les vestiges d’une cité en ruine. Fascinés par cet étrange personnage, aussi sauvage qu’imposant, les deux adolescents pleins d’entrain décident de rester un temps avec lui pour découvrir les rudiments de la survie en milieu naturel. Derrière cette intrigue fantasque se niche un étonnant récit initiatique, naturaliste et existentialiste, égayé par la badinerie des deux jeunes personnages. Guère plus âgé qu’eux, Lucas Scholtes est étudiant aux Arts décoratifs de Strasbourg. Avec Solstice, sa première bande dessinée, il s’emploie à utiliser une grammaire narrative habile et moderne qui rappelle parfois le style fluide du manga et l’énergie du cinéma d’animation. Sur le plan graphique, il développe un univers riche et coloré qui met aussi bien en valeur la décrépitude urbaine que l’abondance des zones forestières.

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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