Ténébreuse

Et si délivrer une princesse n’était pas si simple que cela ? Un chevalier déchu va en faire l’amère expérience tentant de sauver une jeune femme pas si prisonnière que cela. Hubert et Vincent Mallié sont à l’unisson pour imaginer Ténébreuse, un conte original, une geste féministe sublime.

Preux chevalier ?

Arzhur est loin d’être le chevalier idéal, celui qui va sauver des princesses. Buveur invétéré, aimant la castagne, ce chevalier déchu est plutôt un mercenaire, prêt à accepter l’argent de n’importe qui pour n’importe quelle mission.

« Il est des réputations qui vous collent aux basques comme une mauvais odeur dont on ne peut se défaire. »

Après une énième bagarre, Arzhur est soigné par son écuyer, Youenn. Il est alors surpris par trois vieilles harpies lui proposant de l’engager. Ces sorcières peu fréquentables lui demande d’aller sauver Islen, la fille d’un grand seigneur.

Sauvetage, qui a dit sauvetage ?

Le chevalier se rend alors dans un château abandonné. Une des harpies lui donne une épée et le voilà parti affronter des créatures maléfiques au milieu des ruines.

Quand soudain, non loin d’un crocodilien géant se dresse Islen. Sans trop chercher, Arzhur embroche l’animal et sauve la princesse.

« Pourquoi les as-tu tous tué ? Ils ne t’avaient rien fait ! Qu’attends-tu pour me tuer aussi ! »

Ce n’était pas vraiment les remerciements que le chevalier attendait. Surpris par ces paroles, il décide de terminer sa quête : emmener Islen à son père

Ténébreuse : aussi belle que les ténèbres

Ténébreuse est l’un des tout-derniers scénarios d’Hubert, décédé en février 2020. Après le quatrième volume d’Ogre-Dieux, Peau d’homme ou encore Joe la pirate, cette saga ferme le grand livre du formidable conteur.

Pour ce diptyque, il se glisse de nouveau dans un univers fantastique comme il le fit avec la grande saga dessinée par Bertrand Gatignol, Ogres-Dieux. Et c’est un monde qui lui va à merveille. Il y a du panache, de l’action, des créatures fantastiques et une quête insensée dans ce très beau récit d’héroïc-fantasy.

Mais on le sait, un conte commence toujours bien et se poursuit avec un nœud dramatique. Ténébreuse n’échappe pas à cette règle mais cette fois-ci, c’est la princesse qui ne veut pas être sauvée. Aussi belle que les ténèbres, elle aurait préféré continuer de vivre dans son château, entourée de ses amis les animaux.

Superbe geste féministe médiévale

Loin donc des personnages des contes de fées populaires, Arzhur et Islen dénotent dans ce monde médiéval fantastique. Ainsi, le chevalier et la princesse sont duels, ils sont à l’opposé l’un de l’autre. Le premier est en quête de rédemption, déchu, bagarreur et mercenaire, tandis que la seconde est émancipée, elle s’est enfuie de chez ses parents et mystérieuse quant à ses pouvoirs magiques. Un pouvoir proche de la magie noire.

En ce sens, Ténébreuse est une vraie histoire féministe, une geste accrocheuse où la femme est au cœur de l’histoire. La transmission et la pression de l’héritage sont aussi abordés dans cette fable pour les adolescentes ou les adultes.

Si Youenn n’a pas de vraie personnalité, le père d’Islen, sa belle-mère mais surtout les trois sorcières renforcent l’intrigue. Ces dernières, manipulatrices et inquiétantes, n’ont pas encore tout révélé de leurs  desseins dans ce premier livre.

De la beauté du dessin de Vincent Mallié

Qui mieux que Vincent Mallié pour mettre en image Ténébreuse ? Personne ! Il faut souligner qu’il est un maître en la matière puisqu’il a merveilleusement mis en image Le grand mort, la formidable saga fantastique de Régis Loisel et Jean-Blaise Djian, mais également deux tomes de La quête de l’oiseau du temps, la série pionnière de l’héroïc-fantasy scénarisée par Régis Loisel et Serge Le Tendre.

Né en 1973, ce peintre accompli, exposé chez Maghen ou Christie’s, dévoile de magnifiques planches. Les décors, l’ambiance sombre et pesante, le bestiaire et les expressions des personnages sont magnifiques. Les couleurs apportent leur lot de mystères. C’est beau, tout simplement.

Après un excellent début d’histoire, nous avons hâte de connaître la suite et de découvrir les mystères qui entourent Arzhur, Islen et les trois sorcières

Article posté le dimanche 07 novembre 2021 par Damien Canteau

Ténébreuse livre premier d'Hubert et Vincent Mallié (Dupuis / Aire libre)
  • Ténébreuse, livre premier
  • Scénariste : Hubert
  • Dessinateur : Vincent Mallié
  • Editeur : Dupuis, collection Aire libre
  • Prix : 19,95 €
  • Parution : 22 octobre 2021
  • ISBN : 9791034746354

Résumé de l’éditeur : Il était une fois un chevalier déchu et une jolie princesse à délivrer… Méprisé par ses anciens compagnons d’armes pour un crime qui entache à jamais sa réputation, Arzhur erre de tavernes en champs de bataille à la recherche du prochain contrat qui remplira sa bourse. Une nuit, trois mystérieuses vieilles femmes lui proposent le pacte dont rêvent tous les mercenaires : retrouver honneur et fortune en délivrant une fille de roi, retenue captive dans les ruines d’un château abandonné. Malgré la méfiance de son écuyer, Arzhur accepte le marché et livre un combat sans pitié aux monstres qui gardent la princesse. Mais Islen n’est pas la frêle jeune fille en détresse qu’il imaginait sauver… D’où viennent ses obscurs pouvoirs, que tout le royaume semble redouter ? Quels liens l’unissent aux trois vieilles qui ont payé Arzhur pour la libérer ? Victimes d’un complot dont ils n’ont pas toutes les clés, les jeunes gens s’allient pour reprendre leur destinée en main.

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

En savoir