The nice house on the lake

Un cadre idyllique, une architecture moderne et des pièces à ne plus pouvoir les compter. Elle a indéniablement un petit goût de paradis, cette belle maison sur le lac. Mais quand on sait qu’en dehors, c’est l’enfer sur terre, par certain qu’on arrive à en profiter. Dans The Nice House on the Lake, James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno nous présentent un remarquable huis clos aussi haletant qu’angoissant.

THE NICE HOUSE ON THE LAKE : ILS ÉTAIENT DIX.

Il ne savant pas exactement combien de personnes ont été contactées. Mais ils savent qu’ils sont dix à avoir accepté. Et en arrivant sur place, ils ont la certitude que Walter leur a fait le plus beau des cadeaux : une semaine dans une magnifique maison surplombant un lac, histoire de passer du bon temps ensemble. Certains se connaissent bien, d’autres peu. Ils ont tous des parcours de vie différents. Et ils exercent des métiers divers allant de l’artiste à l’acuponcteur en passant par le médecin ou le pianiste. À première vue, il est difficile de percevoir ce qui les relie les uns aux autres.

THE NICE HOUSE ON THE LAKE : WALTER, UN AMI QUI VOUS VEUT DU BIEN.

Et pourtant, ils ont tous un point commun : un jour, leur route a croisé celle de Walter. Et ils sont devenus amis avec lui. Walter, le bon copain, l’oreille toujours attentive, l’épaule sur laquelle on se repose pour se livrer en toute confiance.

« Sache que te savoir bientôt parmi nous me rend fou de joie. Ce ne serait pas pareil sans toi. »

Cette semaine aurait pu prendre des airs de paradis sur terre, mais…

Car, oui, dans ce genre d’histoires, il y a toujours un « mais » …

JAMES TYNION IV : LE NOUVEAU MAÎTRE DE L’HORREUR.

Il semble bien loin, le temps où James Tynion IV se faisait remarquer pour son travail sur le super-héros Batman. Désormais libre de choisir les thèmes qu’il souhaite, il réalise avec autant de talent des œuvres traitant d’heroic-fantasy (Wynd) que de chronique sociale (The Department of Truth). Mais le titre qui lui a indéniablement ouvert les portes du succès est Something Is Killing the Children, une série horrifique dans laquelle le scénariste dévoile tout son talent. Et c’est désormais auréolé de quatre prix Eisner et d’une nomination pour la prestigieuse Sélection Officielle du FIBD d’Angoulême 2023 que James Tynion IV nous présente son nouveau projet : The Nice House on the Lake. En alliant angoisse, horreur et fantastique, le scénariste franchit encore une étape dans la qualité de son écriture.

LE SENS DE LA DRAMATURGIE.

À bien des égards, The Nice House on the Lake s’apparente à une pièce de théâtre. Tout d’abord, les protagonistes sont des personnages types qui seront même caractérisés par des symboles dans le jeu diabolique de Walter. Et après une exposition aussi rapide qu’efficace, l’intrigue prend de l’ampleur grâce à un rythme remarquablement maîtrisé. Les différents enjeux se dévoilent de manière dynamique au travers de chapitres qui constituent, comme des scènes de théâtre, des unités narratives centrées sur un personnage. Mais la principale contrainte d’écriture, celle qui donne tout le sel à l’œuvre est aussi simple que périlleuse : toute l’action se déroulera dans un espace restreint infranchissable.

HUIS CLOS.

L’exercice de style est complexe et bon nombre d’auteurs s’y sont cassé les dents. Mais force est de constater que James Tynion IV possède désormais la maturité pour relever le défi. En effet, il nous plonge littéralement au cœur de l’histoire. Et au même titre que les personnages, le lecteur découvre, se questionne et veut comprendre. Mais le maître du jeu veille à ne dévoiler ses cartes qu’à point nommé. Et distillant les indices d’une main de maître, page après page, il fait monter la tension. Et le fait est que rarement une œuvre a autant perturbé. On a réellement l’impression d’être aux côtés des personnages. Et à la recherche de la moindre information, on relit régulièrement les premières pages et on décortique la moindre prise de parole, le moindre signe. L’immersion est donc totale, et les dessins d’Álvaro Martínez Bueno y sont pour beaucoup.

VOIR EN TRÈS GRAND.

Premier point, et non des moindres, le très talentueux dessinateur espagnol excelle pour sublimer la magnifique demeure. Elle devait être exceptionnelle. Elle l’est sans la moindre réserve. Ce chef d’œuvre d’architecture moderne apparaît sous nos yeux de manière magistrale. Saluons à ce titre le choix d’Urban comics d’éditer l’œuvre dans la collection Black label, en format augmenté, ce qui permet d’autant plus d’apprécier les effets vertigineux de perspective. L’effet de magnificence recherché par le scénariste est immédiatement observable. Et on a réellement le souffle coupé, avec les personnages, lorsqu’on découvre les pièces immenses, la piscine, la bibliothèque et surtout la vue sur le lac, d’ailleurs choisie pour la couverture de l’édition. Mais le talent du dessinateur ne s’arrête pas là.

PARVENIR À REPRÉSENTER L’ANGOISSE.

Ses audacieuses compostions de planches créent un dynamisme prodigieux. Et dans un style parfois proche du photoréalisme, il donne vie aux différents personnages en se montrant particulièrement à l’aise pour représenter ce qu’ils ressentent. Dans les yeux des protagonistes, on voit réellement naître puis croître l’angoisse absolue. Soulignons enfin le remarquable travail réalisé par Jordie Bellaire sur la colorisation. Elle accompagne la narration en créant des ambiances envoûtantes. Claires et lumineuses au début, les couleurs employées deviennent rapidement froides et plongent la maison dans un violacé lourd et menaçant.

 

Avec le premier tome de The Nice House on the Lake, James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno frappent un grand coup. L’humanité entière semble avoir été décimée. Et nous, nous cherchons des réponses qui heureusement arriveront vite dans le second et dernier tome. Et en attendant, il n’est temps de se poser qu’une seule question :

« Et toi, tu l’imagines comment, la fin du monde ? »

Article posté le vendredi 24 février 2023 par Victor Benelbaz

The Nice House on the Lake de James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno (Urban comics)
  • The Nice House on the Lake 01
  • Scénariste : James Tynion IV
  • Dessinateur : Alvaro Martinez Bueno
  • Coloriste : Jordie Bellaire
  • Traducteur : Maxime Le Dain
  • Editeur : Urban Comics
  • Collection : Black label
  • Prix : 15
  • Sortie : 03 février 2023
  • ISBN: 9791026827887

Résumé de l’éditeur : Tous les conviés connaissent Walter – enfin, ils le connaissent un peu, en tout cas. Certains l’ont rencontré dans leur enfance, d’autres l’ont rencontré quelques mois auparavant. Et Walter a toujours été un peu… absent. Mais après une année difficile, personne n’allait refuser l’invitation de ce dernier dans une maison de campagne située à l’orée d’un bois et avec vue sur lac. C’est beau, c’est opulent, c’est privé – de quoi supporter les petites combines et les surnoms bizarres donnés par Walter. Mais ces vacances de luxe revêtent très vite des airs de prison dorée.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

En savoir