Il y a 36 ans, le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara était assassiné à Ouagadougou par un de ses plus proches compagnons d’armes. Celui qui était devenu le symbole du panafricanisme disparaissait à l’âge de 37 ans après avoir été le plus jeune chef d’Etat au monde.
Deux albums reviennent sur le parcours de Thomas Sankara. L’occasion était donc parfaite pour comparer les deux approches choisies par les auteurs de ces bandes dessinées Thomas Sankara, Rebelle visionnaire (Marabulles) et Thomas Sankara, Rebelle visionnaire (L’Harmattan BD).
Deux noms pour un pays
Le nom de Thomas Sankara ne vous dit peut-être rien, mais c’était celui d’un chef d’État du Burkina Faso.
Ce pays, à l’origine un royaume de l’Afrique de l’ouest situé au sud du Mali, devint à la fin du XIXe siècle un protectorat français. Puis changea de statut pour devenir une colonie française en 1919. Le 5 août 1960, le pays accède à l’indépendance et s’appelle la République de Haute-Volta avec pour capitale Ouagadougou.
C’est en 1984, sous l’impulsion de Thomas Sankara quand il arriva au pouvoir, que son pays prit le nom de Burkina Faso. Avec ces deux mots empruntés aux deux langues locales, le mooré et le dioula, le nom du pays signifiait dorénavant “le pays des hommes intègres”.
Qui était Thomas Sankara ?
Thomas Sankara est né en 1949 à Yako dans le nord du Burkina Faso. Sa famille est chrétienne et ses parents sont de deux ethnies différentes, peule et mossi. Son père est un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, qui fut fait prisonnier. Les valeurs prônées par l’armée ont beaucoup de sens dans cette famille.
C’est d’ailleurs pour cela, qu’après ses études secondaires et l’obtention de son baccalauréat, Thomas Sankara intégrera le Prytanée militaire de Kadiogo, puis différentes écoles pour parfaire ses formations militaires. Au cours de l’une de celles-ci, il va rencontrer celui qui deviendra son ami, Blaise Compaoré.
C’est à Madagascar, où il effectue une dernière formation pour devenir sous-lieutenant, qu’il assiste à une révolution. Un évènement qui le marquera dans sa volonté d’instaurer une révolution populaire et démocratique dans son propre pays.
Son accession au pouvoir
À la suite d’un coup d’État en 1981, Thomas Sankara est nommé Secrétaire d’État. Il sera ensuite nommé Premier Ministre en 1983, après un second coup d’État. Et enfin deviendra Président du Conseil national révolutionnaire instauré après un troisième coup d’État.
Désireux de changer les habitudes politiciennes de son gouvernement, il demande à tous ses membres de se comporter comme de simples employés. Thomas Sankara veut que ceux qui sont aux commandes du pays montrent l’exemple aux plus pauvres. Ainsi ils pourront accompagner au mieux les réformes que le nouveau chef d’État a décidé de mettre en place. Le pays doit absolument et définitivement devenir indépendant et productif dans de nombreux domaines aussi bien économiques que politiques.
Des réformes qui ne conviennent pas à tous
L’intransigeance du leader politique et sa lutte contre la corruption ne conviennent pas à ses anciens compagnons d’armes. Malgré des avancées indéniables dans le domaine agricole, dans la lutte pour les droits des femmes et une volonté d’avancer parmi les non-alignés, pour ne plus être sous la houlette des pays occidentaux comme la France, le « Che africain » dérange.
Blaise Compaoré va prendre le pouvoir en octobre 1987 et fait assassiner Thomas Sankara ainsi que douze de ses proches. Le nouveau chef de l’État burkinabé va ainsi pouvoir aligner sa nouvelle politique en fonction des demandes occidentales.
Thomas Sankara, Rebelle visionnaire
Dans l’album Thomas Sankara, rebelle visionnaire signé Pierre Lepidi, Françoise-Marie Santucci et Pat Masioni publié chez Marabulles, le prisme choisi par les auteurs est celui des liens familiaux avec un dessin coloré.
Léa est une collégienne métisse, fille d’un couple franco-burkinabé. Son deuxième prénom étant Thomas, elle s’interroge beaucoup sur ce choix dont se moquent ses copains. Ses parents lui expliquent donc que c’était en l’honneur de Thomas Sankara.
Léa se plonge dans son passé familial et décide d’interroger ses proches afin de faire un exposé devant sa classe. Elle veut ainsi présenter celui qui fut un des plus jeunes présidents au monde et les réformes révolutionnaires qu’il a mises en place pour réformer son pays.
Thomas Sankara, un rêve brisé
Dans le deuxième album Thomas Sankara, un rêve brisé signé Franco Dusio, Marco Forte et Luca Occhetti chez L’Harmattan BD, l’approche est documentaire et chronologique avec un dessin sobre et sombre. La question de l’avènement au pouvoir de Sankara par une succession de putschs est très bien expliquée.
Il en est de même pour les réformes que Sankara va mettre en place pour que son pays devienne un non-aligné. Mû par des idées socialistes, le Che africain n’aura de cesse que de vouloir réformer son pays en matière de droits des femmes, de réformes agraires, avec la volonté farouche d’assainir la vie politique de son pays.
Deux albums très différents, mais parfaitement complémentaires pour expliquer l’incroyable ascension de Thomas Sankara froidement interrompue par Blaise Compaoré, qui fomenta l’assassinat contre son ami, prit le pouvoir et le garda jusqu’en 2014.
- Thomas Sankara, Rebelle visionnaire
- Scénaristes : Pierre Lepidi et Françoise-Marie Santucci
- Dessinateur : Pat Masioni
- Éditeur : Marabulles
- Prix : 23,95 €
- Parution : 27 septembre 2023
- ISBN : 9782501146593
Résumé de l’éditeur : Qui était vraiment Thomas Sankara ? Un visionnaire ? Un rêveur ? L’ancien président du Burkina Faso voulait transformer son pays, ancienne colonie française, en un état moderne, égalitaire, écologiste, féministe et farouchement indépendant. A-t-il eu raison trop tôt ? Lâchement assassiné à la fin des années 1980, il n’a cessé, depuis, de fasciner une grande partie de la jeunesse mondiale. Celle qui a envie de rêver, justement, et de prendre son destin en main. Comme la jeune Léa qui va partir à la découverte de Thom’Sank’ et entraîner avec elle sa famille, entre Paris et Ouagadougou.
- Thomas Sankara, Un rêve brisé
- Scénariste : Franco Dusio
- Dessinateurs : Marco Forte et Luca Occhetti
- Éditeur : L’Harmattan BD
- Prix : 17,90 €
- Parution : 11 septembre 2023
- ISBN : 9782140320323
Résumé de l’éditeur : Au début des années 1980, un OVNI totalement inattendu, et pour beaucoup persona non grata, surgit dans le monde de la politique africaine et le bouleverse de haut en bas. Le jeune capitaine Thomas Sankara, président du Burkina Faso, sera, pendant quelques années, l’un des principaux protagonistes du continent et au-delà. Après cinq années de pouvoir qui changeront la face de son pays, Sankara finira assassiné par son frère d’armes, Blaise Compaoré. Pour la première fois, la vie et le parcours de Sankara, personnage mythique pour des générations entières de citoyens africains, sont retracés dans cet album biographique aussi bien documenté que captivant. Une œuvre de référence.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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