Alors qu’elle vient d’emménager aux Etats-Unis, Vera, adolescente russe, a du mal à se faire des amies. Et si un camp dans les bois lui permet d’y palier ? Vera Brosgol dévoile Un été d’enfer, un très joli récit jeunesse chez Rue de Sèvres.
Arrivée aux Etats-Unis
Vera, sa maman et Phil son petit frère viennent d’arriver de Russie aux Etats-Unis. A neuf ans, elle a du mal à se faire des amies. Normal, elle est Russe et ne connait personne.
Elle tente pourtant de s’intégrer au mieux mais même son cadeau d’anniversaire pour Sarah est un fiasco. Alors qu’elle lui offre un dessin, toutes les autres filles ont apporté des objets autour de poupées.
Pas simple de se fondre dans la masse lorsque l’on est en plus, pauvre. Sa mère fait pourtant tout ce qu’elle peut mais tout est plus cher aux USA.
En plus, son propre anniversaire ne se déroule pas de la meilleure des manières. On lui offre des chaussures d’une poupée qu’elle ne possède pas. Les bonbons, gâteaux et autres boissons ne plaisent pas aux invitées. Pire, elles ne repartent même pas avec les petits présents qu’elle avait confectionné.
Orra : un camp d’enfer ?
Les seuls moments de réconfort pour Vera, c’est lorsqu’elle se rend à l’Eglise orthodoxe. Même si elle ne comprend pas tout, il y a Ksneya, son amie. Elle lui parle d’ailleurs de Orra, un camp d’été où tous les enfants sont d’origine russe.
L’idée lui vient en tête : et si elle demandait à sa mère d’y participer. Elle la convainc d’y aller avec Phil, qui lui n’est pas enthousiaste. Comme le montant pour deux est cher, la mère leur propose d’y rester seulement 15 jours au lieu d’un mois.
Le sac préparé, les deux enfants montent en voiture direction le camp. Grusha, le chef scout des garçons, accueille Phil, tandis que Natasha, celle des filles, a juste le temps de l’accompagner à sa tente. Vera devra se débrouiller seule…
Un été d’enfer : comment se faire des amies ?
Récit semi-autobiographique, Un été en enfer est un très joli album de Vera Brosgol. Tantôt dur, tantôt lumineux, elle emporte les jeunes lecteurs avec elle grâce à une vraie justesse dans son histoire. Puisque certaines scènes lui sont arrivées, l’autrice née à Moscou apporte de la vérité et de la sincérité dans cette bande dessinée très écolo.
Cette tranche de vie construite comme un portrait de génération est poignant et sensible. La petite Vera sera confrontée à des situations souvent délicates. Les lecteurs ont d’ailleurs mal pour elle, l’empathie fonctionne à plein tant certains ont pu vivre ce genre de scènes. Les brimades, méchancetés et autres joyeusetés sont légion dans ce camp qui au départ est un enfer pour la petite fille.
Sa culture russe s’entrechoque avec celle américaine. Elle semble encore « petite » comparée aux autres filles dont les préoccupations sont déjà très adolescentes. En plus de cela, les scoutes russes se sont assimilées et ont assimilé les codes de la société américaine. Un été d’enfer parle aussi de différences de catégories socio-professionnelles. La pauvreté est aussi un facteur d’exclusion. Une thématique déjà visible dans la très belle bande dessinée de Cyrille Pomès, Le fils de l’Ursari.
Le camp, ce n’est pas que l’enfer
Si Vera vit très mal ses jours dans le camp Orra, il y a néanmoins de l’espoir dans Un été d’enfer. Si elle a du mal à trouver des amies, l’héroïne très attachante découvre la coopération, la solidarité et parfois même la complicité, même si elle est artificielle. D’ailleurs, Vera Brosgol n’oublie pas l’humour dans sa bande dessinée afin d’apporter des touches de respiration et d’optimisme.
L’autrice lauréate d’un Eisner Award en 2011 pour Anya’s Ghost pose aussi la question de la différence concernant la culture. L’origine ethnique et géographique ou comment s’intégrer dans une culture différente. Encore plus lorsque l’on est russe aux Etats-Unis. Comment des Russes peuvent arriver à s’intégrer dans une société à des milliers de lieues de la leur ?
Un été d’enfer est construit comme un beau récit d’apprentissage et initiatique. Il bénéficie d’une jolie partie graphique de Vera Brosgol. Les planches en bichromie noire et verte sont d’une belle lisibilité.
Un été d’enfer : excellent récit initiatique d’une jeune adolescente russe dans un camp scout. Entre méchanceté, amitié, rejet, premiers émois, différence et solidarité.
- Un été d’enfer
- Autrice : Vera Brosgol
- Éditeur : Rue de Sèvres
- Prix : 12.50€
- Parution : 13 mars 2019
- ISBN : 9782369812067
Résumé de l’éditeur : Arrivée de Russie, Vera veut à tout prix s’intégrer dans sa nouvelle vie à New York mais elle se rend compte très vite que ce n’est pas facile. Ses amies vivent dans des maisons luxueuses et leurs parents peuvent se permettrent beaucoup de choses comme de les envoyer dans les meilleures colonies de vacances du pays. Vera et sa mère n’ont pas les mêmes moyens et ne peuvent pas se permettre ces privilèges. Mais cette année, elle part dans une colonie de vacances russe où elle compte bien en profiter. Cependant, rien ne se passera comme Vera l’avait prévu.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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