{ 1 an après } avec Théa Rojzman

Il y a quelque semaines, Théa Rojzman et Sandrine Revel étaient primées à Angoulême (Prix des lycées 2022) pour Grand Silence sorti le 02 juin 2021 chez Glénat. Un an après cette publication, l’occasion était trop belle de demander à la scénariste de ce magnifique album ce qu’il, en un an, avait changé dans sa vie.

Voici ses réponses.

Il y a presque un an sortait Grand silence ton album réalisé avec Sandrine Revel. Dans quel état d’esprit étais-tu le 1er juin 2021, la veille de sa sortie ?

Je ne me souviens pas du jour précédent la sortie, mais du moment où j’ai reçu le livre. Il était magnifique, danse de la joie. Et puis mon compagnon m’a dit sans prévenir : « Voilà, tu as déposé tout cela dans la matière ». Je l’ai regardé, j’ai regardé le livre et j’ai fondu en larmes pendant de longues minutes. Aussitôt après, j’ai vécu une expérience étrange : je n’entendais plus rien dans ma tête. UN GRAND SILENCE. La paix. Comme si quelqu’un avait éteint ma radio intérieure permanente. Cette sensation était merveilleuse.

Malheureusement ma radio s’est rallumée dès le lendemain. Dommage !

Comment as-tu réagi quand tu as lu les premiers retours ?

Les premiers retours ont été très forts et j’ai eu le sentiment que notre travail avait été compris. J’ai été traversée de beaucoup d’émotions. De toute façon, toute l’histoire de ce livre est traversée d’émotions… Je me suis sentie fière aussi, responsable, aboutie en partie…

Ce démarrage m’a un peu submergée, je ne pouvais plus travailler sur autre chose. Toute ma personne était vouée à ce livre, comme après une naissance compliquée, quand l’enfant est fragile et qu’on ne peut pas le laisser seul sans surveillance…

T’attendais-tu à une telle reconnaissance ?

Oui et non. Oui, parce qu’avant même la sortie, à l’annonce de cette parution, j’ai commencé à recevoir des messages et les premiers articles. Le sujet ne passait pas inaperçu évidemment et bouleversait visiblement.

Mais j’ai été très surprise que cela continue sur toute l’année, avec ces dix sélections de prix, les prix remportés, les nombreux posts sur les réseaux, les nombreux retours des lectrices et lecteurs… Et puis ça s’est calmé, jusqu’au petit rebond éclair d’Angoulême.

As-tu reçu des messages de personnes qui se reconnaissaient dans ton album ?

À la sortie du livre, j’en ai reçu quasiment tous les jours. J’ai reçu beaucoup d’amour mais aussi de souffrances à ce moment-là, des témoignages, des « moi aussi » qui venaient de partout… C’était extrêmement fort. Je m’y étais préparée et en assumais cette réception, ces échanges, en étais heureuse.

Et puis au bout d’un moment, j’ai eu très mal à une oreille, une douleur aiguë qui ne me quittait pas. Pensant à une otite, je suis allée chez le médecin qui m’a dit que je n’avais pas d’otite. Je n’avais rien. Enfin si mais pas un truc que les médecins peuvent voir…

Réalises-tu que ton récit peut avoir un impact sur la libération de la parole pour les personnes, et en particulier les enfants, victimes de violences sexuelles ?

Je ne sais pas, je n’ai pas la possibilité de « savoir » ce qui se passe pour les gens dans leur intimité, dans leur histoire. Je le suppose et l’espère en tout cas. Le livre ne s’adresse pas aux enfants mais en racontant tout cela aux adultes, j’espère leur faire prendre conscience de l’importance d’accueillir, de croire et d’accompagner les enfants, en tant que professionnels ou en tant que parents.

Peux-tu nous dire comment ton album a été accueilli dans les établissements scolaires ?

Le livre a été sélectionné pour plusieurs prix scolaires (niveau lycée) et j’ai reçu des messages d’enseignantes. Je mets au féminin car il s’agit toujours de femmes !. Des classes ont utilisé notre livre pour des créations collectives ou personnelles.

Je n’ai pas eu connaissance d’un accueil dans des classes plus jeunes (du primaire par exemple) mais ce n’est pas facile d’aborder ce sujet avec des petits. Ou alors il faut le faire avec des supports adaptés à leur âge.

Grand silence a reçu la Mention spéciale du Jury Œcuménique 2022 à Angoulême, le Prix Étudiant de la BD politique-LCP 2022 et le Prix des lycées 2022 au Festival d’Angoulême, qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Ces trois prix portent chacun un signe fort : l’un souligne sa valeur « politique », l’autre montre l’intérêt et l’engagement des adolescents sur ce sujet et enfin nous voilà avec une récompense des églises, wow…

Cela montre que l’on sort du déni, que l’on avance, qu’à différents endroits de notre société, il y a une volonté de changer les choses, de faire quelque chose, de sortir du silence et de s’engager pour mettre fin à ce fléau. Ces trois prix n’ont rien d’anodin et nous avons été très touchées de les avoir reçus.

Que voudrais-tu dire à Sandrine Revel qui a fait un travail exceptionnel sur cet album ?

Cela fut une aventure merveilleuse, difficile parfois, émue souvent et qui a continué après la sortie évidemment, quand nous avons dû faire les « mamans » du livre et aller le défendre.

Sandrine a été une partenaire précieuse et unique sur ce projet. Ce qu’elle y a apporté fut au-delà de mes espérances. Je pourrais juste lui dire à nouveau MERCI. D’ailleurs, nous avons un projet pour plus tard…Autre chose mais toujours dans une volonté de raconter l’invisible. Rendre visible de l’invisible, oui, voilà, ce que nous aimons faire ensemble je crois.

ENCORE TOUTES NOS FÉLICITATIONS THÉA ROJZMAN POUR CE MAGNIFIQUE ALBUM ET POUR L’OBTENTION DE CES PRIX AMPLEMENT MÉRITÉS.
MERCI BEAUCOUP D’AVOIR ACCEPTÉ DE FAIRE CE PETIT RETOUR EN ARRIÈRE AVEC NOUS.

 

SI VOUS VOULEZ EN SAVOIR PLUS, N’HÉSITEZ PAS À REGARDER LE REPLAY DU LIVE AVEC THÉA ROJZMAN ET SANDRINE REVEL DIFFUSÉ À L’OCCASION DE LA SORTIE DE GRAND SILENCE, LE  30 JUIN 2021 SUR LA PAGE @LIVRESSEDESBULLES.
Article posté le jeudi 26 mai 2022 par Claire & Yoann

Grand silence de Théa Rojzman et Sandrine Revel chez Glénat
  • Grand silence
  • Scénariste : Théa Rojzman
  • Dessinatrice : Sandrine Revel
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 23 €
  • Parution : 02 juin 2021
  • ISBN : 9782344041055

Résumé de l’éditeur : Le silence avant la tempête. Sur une île imaginaire, une microsociété citadine vit entourée de montagnes et de forêts. Clotilde et Paulo forment un couple heureux et, pour célébrer leur union, ils organisent une grande fête de mariage réunissant leurs deux familles. L’agitation induite par les danses, les conversations et les verres engloutis offrent un interstice de liberté aux enfants présents. Ils en profitent pour s’échapper discrètement dans les bois alentours et commettre de gentils méfaits. Mais Octave, le frère de Clotilde, les a repérés. Octave est un homme important dans cette contrée, il est député des Hauts Sommets. Intéressé par les enfants, il les suit, coince Freddy dans la forêt toute proche et l’agresse sexuellement. Freddy a honte, il a peur, sa tête se détache de son corps, les feuilles meurent autour de lui mais il ne dénonce pas, il garde le silence. Tandis qu’Octave est retourné à la fête et boit du champagne. Six années passent, Clotilde et Paulo se séparent. Ils se divisent alors la garde de leurs jumeaux, Ophélie et Arthur. Arthur reste avec son père qui reçoit momentanément Freddy, dorénavant âgé de 18 ans. Le jeune homme est paumé, alcoolique et devient agresseur après avoir été victime. Ophélie habite avec sa mère, qui reçoit de son côté Octave… Les deux enfants ne dénoncent pas, ils gardent le silence. Un terrible silence qui prend dans Grand Silence la forme de bulles blanches, vidées de leur texte. Tout au long du récit, la symbolique graphique ira toujours plus loin et prendra le dessus sur les mots. Le mutisme des enfants finira par devenir assourdissant. La colère, la haine, le repli sur soi, tout un jour explosera. Mais les enfants vont trouver une alliée inattendue pour détruire « Grand Silence » : Maria, une des intervenantes de leur école, handicapée et victime d’une amnésie traumatique rendue consciente par la souffrance des enfants… Dans un conte adulte aussi beau que son sujet est délicat, Théa Rojzman et Sandrine Revel livrent un roman graphique puissant qui met en perspective une problématique complexe. Elles dressent un constat, tentent d’amener des solutions et achèvent finalement leur récit sur une note d’espoir.

À propos de l'auteur de cet article

Claire & Yoann

Claire Karius @fillefan2bd & Yoann Debiais @livressedesbulles , instagrameurs passionnés par le travail des auteurs et autrices de bandes dessinées, ont associé leurs forces et leurs compétences, pour vous livrer des entretiens où bonne humeur et sérieux seront les maîtres-mots.

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