Pour faire suite à la sortie de Yan chez Glénat le 3 avril, Chang Sheng était l’un des invités d’honneur de la Foire du livre de Bruxelles. À cette occasion, Noissape a pu lui poser quelques questions.
Chang Sheng est né à Taipei sur l’île de Taïwan en 1968. Diplômé de l’école d’art et de commerce de Fu-Hsin, il deviendra directeur d’une entreprise publicitaire. En 2002, il quitte la publicité et se lance dans le manga taïwanais. En France, on le connaît pour Stanle et X-Girl chez Paquet Manga ou encore pour Oldman chez Kotoji.
Chang Sheng nous a confié une anecdote concernant le titre complet de son dernier titre «Yan Tiehua». En effet, en chinois cela s’écrit 閻鐵花. Ces sinogrammes signifient à la fois «Gouverneur des Enfers», «Fer» et «Fleur» et représentent le personnage éponyme de ce récit.
« Dès mon plus jeune âge, je rêvais d’être dessinateur de manga. »
Chang Sheng, après des études d’art, vous avez travaillé dans la publicité. Comment êtes-vous passé de la publicité au monde du manga ?
Dès mon plus jeune âge, je rêvais d’être dessinateur de manga. En entrant dans le monde de la publicité et sous la pression de la vie, j’ai perdu de vue ce rêve. C’est à 35 ans que je me suis rappelé ce rêve. Ainsi, j’ai quitté la publicité pour réaliser des mangas. J’ai repris mon rêve en main.
On retrouve de la science-fiction dans la plupart de vos travaux. Quel est votre attrait pour ce genre ?
Je suis fasciné par la science-fiction depuis mon plus jeune âge. Les thèmes qui me parlent le plus dans ce genre sont les notions du temps dont, notamment, l’inconnu et l’avenir.
Des œuvres vous ont-elles marquées ou inspirées plus que d’autres ?
Très jeune, j’ai découvert Yukinobu Hoshino par le biais de 2001 Nights Stories et je pense que c’est l’œuvre qui m’a le plus influencé jusqu’à aujourd’hui.
La plupart de vos personnages principaux sont des femmes. Existe-t-il une raison à cela ?
En vérité, il existe deux raisons à cela, dont une plus superficielle que l’autre. Premièrement, j’apprécie les formes du corps féminin. Je les dessine à l’aide de photographies ou de modèles.
Deuxièmement, je trouve que le caractère des femmes est énigmatique et complexe. Il permet d’instaurer un changement dans l’histoire. Par exemple, dans Yan, une jeune fille mystique apparaît. Les révélations qu’elle amène font office de déclencheur dans le scénario.
« J’aime énormément la culture européenne et la culture japonaise que ce soit dans l’architecture comme dans la mode vestimentaire. »
Entrons maintenant dans l’univers de Yan. On y retrouve un grand nombre d’inspirations liées à la culture occidentale. Avez-vous une appréciation particulière des cultures étrangères ?
Effectivement, j’aime énormément la culture européenne et la culture japonaise que ce soit dans l’architecture comme dans la mode vestimentaire. Dans Oldman, je me suis totalement inspiré du comportement et de la culture européenne.
Vous dessinez souvent des buildings dans vos mangas, on songe rapidement à l’Amérique en regardant l’architecture. Est-ce que l’Amérique est aussi une source d’inspiration ?
Non. J’aime regarder les films hollywoodiens et, notamment, ceux de super-héros ou les Marvel. Cela dit, on retrouve dans BABY tout cet univers américain car le manga s’y déroule, mais dans Yan, tout se déroule à Taïwan. Il n’y a donc pas d’inspiration particulière de l’Amérique.
On remarque une attention particulière dans votre découpage, parfois même donnant la sensation d’être de la photographie ou de la 3D comme pourrait le faire Hiroya Oku, auteur de Gantz. Utilisez-vous un matériel particulier ?
Lorsque je dessine des objets, des bâtiments ou des personnages, je réalise un grand nombre de recherches pour retranscrire le mieux possible ce que je souhaite dessiner. À titre d’exemple, si je dois dessiner un véhicule d’il y a 30 ans, j’irai chercher des photographies du véhicule pour le représenter à l’identique.
Vous aidez-vous de logiciels ou de la technologie pour réaliser vos mangas ?
Je réalise mes mangas à l’aide d’une tablette graphique Wacom. Si je devais décomposer
mon travail sur Yan, il en serait ainsi : 50% est réalisé à la main – il s’agit des dessins – 50% est
réalisé à la tablette. Cela me permet d’intégrer les dégradés et les trames. Autrement, je n’utilise
pas du tout les intelligences artificielles.
« En France, c’est Moebius qui m’a évidemment impressionné. »
Depuis au moins 2011, vous venez régulièrement en France et, notamment, au Festival international de la bande dessinée à Angoulême. Avez-vous un rapport particulier avec la bande dessinée franco-belge ?
En France, c’est Moebius qui m’a évidemment impressionné. Comme il s’agit de mon premier voyage en Belgique, je découvre un peu tard, mais ce sont Les Schtroumpfs de Peyo et Tintin de Hergé que j’apprécie le plus.
Une adaptation de Yan en film doit voir le jour. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Dès la parution du premier volume de Yan, il y eut des négociations pour une série télévision et pour un film. Initialement prévu pour 2023 et pour cause du COVID, la production du long métrage s’est vue ralentie. Autrement, j’ai le total contrôle sur le scénario de ces productions. Si cela ne me convient pas, je peux très bien les modifier.
«Avion en papier» et «Les rêveurs du Louvre» sont deux œuvres un peu particulières de votre catalogue. Elles abordent la notion du temps. Pouvez-vous nous en parler ?
Ces deux œuvres de science-fiction sont très courtes. Dans Les rêveurs du Louvre, j’ai retranscrit tout ce qui pouvait se passer au sein du Louvre. Dans Avion en papier, j’ai représenté un symbole projeté vers l’avenir. L’humanité est représentée au travers d’un avion en papier qui n’est, en fait, rien d’autre qu’une lettre volant perpétuellement dans l’espace.
Monsieur Chang Sheng, avez-vous des projets pour l’avenir ?
Actuellement, je travaille sur un nouveau projet de science-fiction réaliste dans une époque contemporaine. Je ne peux pas vous en dire plus pour le moment.
Merci à Zong-You, le traducteur de Chang Sheng.
Entretien réalisé le vendredi 05 avril 2024 lors de la Foire du livre de Bruxelles.
- Yan, tome 1
- Auteur : Chang Sheng
- Traducteur :
- Éditeur : Glénat
- Date de publication : 03 avril 2024
- Nombre de pages : 352
- Prix : 14,95 €
- ISBN : 9782344061701
Résumé de l’éditeur : Le doux chant… de la vengeance. La famille de Yan, 15 ans, fait partie de la prestigieuse troupe de l’Opéra de Pékin… Mais le jour où tous ses membres sont sauvagement assassinés, l’adolescente se retrouve accusée à tort de ce meurtre sordide ! Seule survivante du massacre, elle sera incarcérée durant de longues années dans un centre de recherche tenu secret. Mais l’heure de vérité a sonné. De retour parmi les vivants, Yan n’a rien oublié. Revêtue du traditionnel costume théâtral que sa famille avait coutume de porter, elle va entrer dans une spirale de vengeance… Avec cette nouvelle série en trois volumes, Chang Sheng dynamite les genres ! Il revisite les codes du seinen manga tout en nous offrant une relecture d’un célèbre opéra de Pékin à travers un récit de super-héroïne déjanté où cultures pop et traditionnelle cohabitent à merveille. Une saga époustouflante et magistralement mise en scène que l’on dévore d’une traite !