Vous connaissez déjà Ferdinand Tirancourt, c’est normal. Il était le héros, voire même l’anti-héros, de l’album Pinard de guerre écrit par Philippe Pelaez (scénario) et Francis Porcel (dessins et couleurs) édité chez Grand Angle.
Après avoir fait des siennes dans les tranchées pendant la Grande Guerre, avec un trafic pour le moins illicite, Ferdinand se voit maintenant dans l’obligation de payer l’addition. Et parfois, celle-ci peut se révéler élevée. Alors la sanction lui est proportionnelle. Pour l’ancien opportuniste et profiteur, ce sera le bagne en Guyane.
Une peine à purger
Vous n’avez pas lu Pinard de guerre, aucun soucis, vous pouvez parfaitement lire Bagnard de guerre. Les deux albums, bien que liés par un même personnage, sont deux histoires complètes et indépendantes. Dès les premières pages de ce deuxième album, le ton est donné. Le récit commence à bord du navire-prison qui quitte St Martin de Ré, surnommé à l’époque « l’antichambre du bagne ». Les hommes, qui viennent d’embarquer, sont tous des prisonniers condamnés à de lourdes peines. Ils partent pour une destination dont la plupart ne reviendront pas. Certains même n’arriveront pas à Cayenne, une bagarre à bord est si vite arrivée. C’est ce qui arrive à Ferdinand, qui dès le début doit se battre pour défendre le modeste pécule qu’il a en lui.
Un lieu hostile
C’est alors que Ferdinand se lie avec le jeune David, un violoniste juif sans défense, condamné injustement et lui offre sa protection. En effet, très rapidement les nouveaux arrivants réalisent dans quelle galère ils sont tombés. Et le terme galère est très approprié, puisque les prisonniers avant l’ouverture des bagnes, étaient condamnés aux galères.
Le bagne est un endroit où les condamnés sont répartis en fonction des travaux à effectuer, mais également en fonction de la lourdeur de leur peine. Si l’enfer se trouve à Cayenne, où les gardiens se comportent comme des sadiques et où les rations alimentaires nauséabondes sont calculées pour assurer la survie, l’enfer de l’enfer se situe à Charvein. Surnommé également le camp de la mort, c’est un lieu où les pires forçats étaient envoyés et dont on ne revenait pas, ou alors atteint par la folie.
Mais étrangement, alors que Ferdinand y est envoyé, sans aucun motif grave, il n’y restera que quelques jours. Quelle est donc l’explication de ce soudain retour en grâce ?
Un album réaliste
Bagnard de guerre décrit parfaitement ce que fut l’univers carcéral outre-Atlantique jusqu’en 1946, date de sa fermeture, alors que la loi fut votée en 1938 ! Les derniers bagnards qui effectueront la fin de leur peine, rentreront même en 1953. Les prisonniers, qui étaient condamnés à une peine de plus de huit ans, ne pouvait plus revenir en Métropole. Ils devaient rester sur place. C’est ainsi que la Guyane française a aussi été peuplée.
Les auteurs nous montrent parfaitement bien la réalité de ce qu’était le bagne. Une prison à ciel ouvert où la maltraitance et le travail, 80 heures par semaine, côtoyaient la maladie. Cela ne laissait que très peu de chances aux hommes de s’en sortir.
En dépit de son comportement dans Pinard de guerre, Ferdinand apparaît dans cet album sous un jour plus humain. Comment l’horreur des hommes et des lieux peut-elle avoir un tel effet rédempteur ?
Bagnard de guerre est un album dur à l’image du bagne. Les auteurs Philippe Pelaez et Francis Porcel (le duo de Dans mon village, on mangeait des chats) ont parfaitement retranscrit cette dureté à travers ce récit et ces images, où la violence est omniprésente.
Mais parfois au milieu de la noirceur peut exister un soupçon d’humanité et de reconnaissance.
- Bagnard de guerre
- Scénariste : Philippe Pelaez
- Dessinatrice : Francis Porcel
- Éditeur : Grand Angle
- Prix : 14,90 €
- Parution : 30 Mars 2022
- ISBN : 9782818980088
Résumé de l’éditeur : « On ne mourait pas au bagne, on y agonisait indéfiniment ». Après ses déboires dans les tranchées, Ferdinand Tirancourt se retrouve au bagne de Cayenne pour y purger une peine qui, comme celle des autres insoumis dont il va partager le quotidien, sera longue et définitive. Envoyé au terrible camp forestier de Charvein, réservé aux fortes têtes, il est pris en grippe par un surveillant qui prend un plaisir pervers à le harceler. Pourtant, ce n’est pas ce qui inquiète le plus Ferdinand ; c’est cet autre prisonnier, étrange et silencieux, qui semble épier le moindre de ses gestes.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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