S’engager à expliquer Le conflit israelo-palestinien en bande dessinée, de façon claire et simple, voilà un défi énorme, relevé avec beaucoup de justesse et de pédagogie par Vladimir Grigorieff et Abdel de Bruxelles.
Après les excellents albums L’univers (Hubert Reeves et Daniel Casanave), Le tatouage (Alfred et Jérôme Pierrat), Le rugby (Olivier Bras et Guillaume Bouzard) ou Les situationnistes (Christophe Bourseiller et Jake Raynal), la Petite bédéthèque des savoirs s’enrichit de cet opus, vraisemblablement l’un des meilleurs de la collection. Comme pour Sociorama (Les nouvelles de la jungle de Calais, de Lisa Mandel et Yasmine Bouagga, Casterman), elle réunit un auteur de bande dessiné et un « spécialiste » du sujet.
Pour ce petit ouvrage (14*19 cm) mais de 104 pages, c’est Vladimir Grigorieff qui met son savoir au service du récit. Décédé le 15 août dernier, ce poète, philosophe et pacifiste (licencié en philologie et en histoire orientale et slave) connaît bien son sujet. Le scénariste ne veut en aucun cas jeter la pierre sur les uns ou sur les autres, le lecteur étant libre d’interpréter les propos de l’album comme il le souhaite. Sans s’ériger en donneur de leçons, le philosophe permet à tout à chacun de s’approprier l’histoire de ce conflit datant d’après la Seconde Guerre Mondiale.
Donnant une vision très juste de l’Histoire d’Israël – il la débute dès l’Empire Ottoman (1516-1917) – il égrène ainsi toutes les périodes charnières avant les premiers heurts violents. Ensuite, le mandat britannique (1920-1948), la création de l’État d’Israël en 1948, la Guerre du Kippour, les Accords d’Oslo en 1993 ou encore les deux Intifadas. Pour renforcer l’album, il pose des questions au fil des pages autour de la morale de cette création, pourquoi le monde entier est attiré par ce conflit, la qualification du colonialisme des territoires occupés (peut on parler d’apartheid), la violence est-elle contre-productive ou la notion de sionisme. Afin de ne pas perdre le lecteur, quatre pages de glossaire sont adossées à l’album.
Pour accompagner Vladimir Grigorieff dans son excellent projet, la partie graphique a été confiée à Abdel de Bruxelles. Co-fondateur de Cultures Maison (festival des BD contemporaines dans la capitale belge), il met son talent au service de l’album. Pour réaliser ses planches, il alterne deux styles différents, un réaliste pour les pages historiques et un plus rond naïf pour les pages de questionnements.
Conflit délicat à expliquer même pour les protagonistes, voire les spécialistes en Histoire, il est mis en image de façon extrêmement pédagogue et d’une rare justesse dans ce que nous avons pu lire jusqu’à présent sur cette période. A laisser entre toutes les mains (y compris celles de lycéens) !
- Le conflit israélo-palestinien
- Scénariste : Vladimir Grigorieff
- Dessinateur : Abdel de Bruxelles
- Editeur : Le Lombard, La petite bédéthèque des savoirs
- Prix : 10€
- Parution : 19 mai 2017
- IBAN : 9782803637386
Résumé de l’éditeur : Le peuple judéo-israélien a réussi la restauration de son indépendance nationale qui met fin à deux mille ans d’exil, d’impuissance et à l’inimaginable Shoah (catastrophe en hébreu). Le peuple palestinien, autochtone, est entré dès le début en résistance devant la menace du sionisme politique. La Nakba (catastrophe en arabe) scella son destin et l’impossible retour en ses foyers. L’Histoire, toujours imprévisible et pour l’heure inachevée, prendra-t-elle enfin la voie de compromis raisonnables ? Cette bande dessinée met en lumière toute la complexité de la question.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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