« Mon amour je t’ai vu au beau milieu d’un rêve »…, tout le monde connaît la chanson. Et pourtant, pour Briar Rose, la Belle au bois dormant, ce long rêve n’a rien d’un présage joli. Christopher Cantwell et Germán García nous content cette histoire à dormir debout.
Briar : l’avenir appartient à ceux qui se lèvent.
Une belle et douce princesse, des fées-marraines bienveillantes, un rouet et un sommeil centenaire… Puis, un preux chevalier qui brave les dangers pour délivrer l’élue de son cœur par un tendre baiser.
Ha non…
Il s’éloigne sans l’embrasser ! Mais que fait-il ? N’y a-t-il personne pour le ramer à la raison ? Manifestement non…
« Pourquoi me réveiller ?
M’épouser, oui, mais une reine endormie proteste peu face à son roi, n’est-ce pas ? »
Sans doute. Mais alors il ne faudra pas s’étonner si elle est de mauvaise humeur à son réveil.
Réécrire l’histoire.
Après le Blanche-Neige de Neil Gaiman, c’est au tour de la Belle au bois dormant de connaître un vent de renouveau sous la plume de Christopher Cantwell. Son idée de départ est aussi simple qu’alléchante. Elle pourrait d’ailleurs se résumer ainsi : et si le prince charmant ne réveillait pas le Belle au bois dormant.
Mais bien vite, on comprend que le scénariste de l’excellent The Blue Flame ne va pas s’en contenter. Et même s’il prend soin de conserver certains marqueurs importants du conte, il va surtout innover. Ainsi, il ajoute des personnages, des lieux et des péripéties absents des versions de Charles Perrault et des frères Grimm. Et naviguant entre terrain connu et découverte totale, le lecteur se laisse porter, bien aidé par une partie graphique exceptionnelle.
Briar : un conte haut en couleurs.
Le fait est que les dessins de Germán García sont absolument somptueux. De la scène la plus délicate à la situation la plus crue, l’artiste parvient toujours à sublimer le propos. Mais ne nous y trompons pas : Briar est tout sauf un gentil conte pour enfant. À ce titre, la couverture choisie par les éditions Urban n’est pas mensongère. Et s’il est vrai que la frêle princesse peine à porter une large épée, il n’en demeure pas moins qu’elle n’hésitera pas à s’en servir. Et pourtant, malgré le sang, les tripes et les excréments qui éclaboussent ça et là l’aventure, on ne peut s’empêcher d’être charmé par les dessins et la féérie qui s’en dégage.
Soulignons d’ailleurs que la formidable colorisation de Matheus Lopes (Saison de Sang, Rogues) y est pour beaucoup. Chaque page est un tableau qu’on lit autant qu’on admire, à condition d’accepter une bonne fois pour toute que les contes de fées ne sont pas tous destinés aux enfants.
En anglais, briar signifie « épine ». Et le fait est que l’histoire présentée par Christopher Cantwell et Germán García ne manque pas de piquant. Osée, impertinente, parfois vulgaire, mais finalement touchante, elle est à l’image de son héroïne.

- Briar : La rebelle au bois dormant
- Scénariste : Christopher Cantwell
- Dessinateur : Germán García
- Coloriste : Matheus Lopes
- Traducteur : Jérémy Manesse
- Editeur : Urban comics
- Prix : 19 €
- Sortie : 17 mai 2023
- ISBN: 9791026828150
Résumé de l’éditeur : Cent ans après être tombée dans un profond sommeil, Briar Rose s’éveille, et découvre avec effroi qu’en son absence, son ancien époux tyrannique a laissé leur royaume sombrer dans la misère et le chaos. Accablée par les trahisons, les lourdes prophéties, et un corps meurtri, Briar et sa bande de marginaux devront trouver la force de survivre sur ces terres désolées où la magie se meurt. Guidés par un ardent désir de vengeance, Briar et son peuple finiront-t-ils seulement par trouver la paix et à vivre heureux ?
À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
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