Saison de sang

Une petite fille et un géant de fer traversent un monde hostile. Cette épopée de Simon Spurrier et Matias Bergara est une vraie leçon de narration graphique. Saison de sang est une merveille !

Le géant de fer et la petite fille

Au creux de la main d’un chevalier de fer se trouve une petite fille nue. Bravant le froid et la neige, le géant cuirassé avance. Il protège ce petit être fragile. Rien ne peut le faire dévier de son but : trouver un endroit sécurisé pour elle. Les loups sont repoussés en deux temps trois mouvements d’épée, comme les pires monstres croisés sur leur chemin.

Sans se parler, ils se comprennent

Le géant de fer et la fille poursuivent leur route malgré les obstacles. Sans se parler, ils se comprennent et prennent soin l’un de l’autre. Mais, elle n’est pas la seule de l’espèce humaine. D’autres sont là mais ils utilisent des dialectes qu’elle ne peut pas décrypter.

En plus des créatures hostiles, le duo est poursuivi par des hommes de main envoyés par un prince arriviste ne voulant pas que leur bien…

Saison de sang, force de la narration et du graphisme

Comme pour Coda, leur précédente série, Simon Spurrier et Matias Bergara font des merveilles ! Ce conte fantastique est un projet original et puissant. Si les albums sans texte sont fréquents en bande dessinée jeunesse (Anuki, Petit Poilu…), c’est moins le cas pour des œuvres plus adultes (La mouche, Rien…). Pour Saison de sang, le duo utilise ce procédé de récit sans texte. S’il y a quelques bribes de dialogues par des idéogrammes incompréhensibles des autres êtres humains, l’histoire n’a pas de mots ni de lettres dans ses pages. Et cela donne une force incroyable à cette intrigue !

Puisqu’il n’y pas de texte, la narration doit être impeccable pour la compréhension de Saison de sang. Le découpage est ciselé et le dessin de Matias Bergara époustouflant !

Un dessin entre mystère et poésie

Les planches de l’auteur uruguayen est un subtil hommage aux grands auteurs de bande dessinée de science-fiction. Il magnifie ses créatures volantes comme celles de Moebius, il apporte des designs et des couleurs aux hommes de main du prince comme ceux de Philippe Druillet ou encore parfois des décors et des personnages dignes de ceux d’Arno dans sa série Alef Thau. Sans oublier les contours du guerrier en armure ressemblant à ceux du Géant de fer, le film d’animation de Brad Bird ou ceux du géant dans Le château dans le ciel d’Hayao Miyazaki. Il y a des influences mais le trait du dessinateur est néanmoins original et singulier.

Les atmosphères de Saison de sang sont magistralement restituées par Matias Bergara, accompagné par Matheus Lopes aux couleurs. Les ambiances sombres dans la neige font place à celles dans des jungles luxuriantes et lumineuses. Le mystère alterne avec la poésie. Les émotions passent alors par les gestes mais surtout par les expressions des yeux. Les planches fourmillent de détails, notamment par des scènes en arrière-plan qui n’attendent que les yeux des lecteurs pour les débusquer.

Un duo comme père et fille

Cette aventure fantastique bouleversante repose aussi sur deux personnages forts. Le géant valeureux, puissant et protecteur et une fille naïve et innocente. Leurs relations sont quasiment celles d’un père et de sa fille. La filiation qui n’est pas biologique devient naturelle pour s’inverser dans la deuxième partie de l’album.

Si les obstacles et les ennemis sont fréquents dans Saison de sang, Simon Spurrier (Alienated) n’oublie pas de glisser de l’humour dans son récit, comme pour marcher dans les pas d’une vraie vie, mélange de rires, de larmes et de moments délicats.

Article posté le dimanche 10 juillet 2022 par Damien Canteau

Saison de sang de Simon Spurrier et Matias Bergara (Dupuis)
  • Saison de sang
  • Scénariste : Simon Spurrier
  • Dessinateur : Matias Bergara
  • Coloriste : Matheus Lopes
  • Traducteur : Philippe Touboul
  • Editeur : Dupuis
  • Prix : 19,95 €
  • Parution : 17 juin 2022
  • ISBN : 9791034765775

Résumé de l’éditeur : Une petite fille s’avance. Elle ne sait rien de plus. Elle DOIT avancer – toujours en ligne droite – à travers un monde dangereux, superbe, fantastique. Si elle tente de s’arrêter, ou de faire demi-tour, ou de changer de direction, l’air autour d’elle prend vie et s’anime d’ombres furieuses qui la poussent à reprendre son chemin. Elle est terrifiée mais elle avance vers un destin aussi extraordinaire qu’inattendu… Son seul compagnon – son gardien – est un immense guerrier en armure, capable d’écraser toutes les bêtes et tous les mécréants qui se mettent en travers de leur route. Leur périple dure une année. Les obstacles sont de moins en moins simples à franchir… Ils deviennent plus sournois. Elles croisent des colonies… des villes. Les gens semblent déterminés à les séparer, à se servir d’elles de manière que ni l’une ni l’autre ne comprennent…

 

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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