Avec Brontëana, Paulina Spucches l’autrice de Vivian Maier, À la surface d’un miroir publié en novembre 2021 chez Steinkis, revient avec un roman graphique mettant sur le devant de la scène la moins connues des sœurs Brontë, Anne.
Une bande dessinée qui fait suite à l’émerveillement provoqué par son voyage dans le West Yorkshire, plus exactement à Haworth, le fief de la famille Brontë. Une belle rencontre entre les couleurs de ce comté du centre de l’Angleterre et celles que Paulina pose dorénavant dans ses livres.
Les Brontë, une famille nombreuse
Dans la famille Brontë, je voudrais bien évidemment Charlotte (1816-1855) et Emily (1818-1848). Mais il y avait aussi les deux sœurs aînées Maria (1814-1825) et Elizabeth (1815-1825), toutes deux décédées très jeunes alors qu’elles étaient au pensionnat. Il y a également Branwell (1817-1848) le seul garçon de cette fratrie.
Et enfin, faisons connaissance avec Anne (1820-1849), la dernière, celle à qui Paulina Spucches a décidé de s’intéresser, parce que peut-être moins connue que Charlotte et Emily, bien qu’elle ait également publié. Deux romans, Agnes Grey en 1847 et de The Tenant of Wildfell Hall (La Locataire de Wildfell Hall) en 1848, ainsi que des poèmes.
Une famille marquée par la maladie
Avec Brontëana, Pauline Spucches nous fait entrer dans l’univers victorien de cette famille anglaise. Une tribu marquée par la religion, le père Patrick est pasteur, mais surtout une famille sur laquelle la maladie a posé son empreinte.
En ce milieu de 19e siècle, le bacille de Koch provoquant la tuberculose laissait très peu de chance à celles et ceux qui en étaient atteints d’en réchapper. Mais malgré les décès trop précoces des deux sœurs aînées et de leur mère, les quatre enfants vont grandir dans un univers où le père, bien qu’homme d’Église, laissera une certaine latitude à ses quatre enfants. Que ce soit dans leurs jeux, et même dans leurs lectures.
Une visite dans le Yorkshire
C’est lors d’une visite dans le Yorkshire pour aller à la rencontre des sœurs Brontë, des autrices dont elle apprécie le travail, que Paulina Spucches a été happée par les couleurs de la région. Alors qu’elle s’attendait à voir du gris, la jeune autrice y a découvert des couleurs qui ne pouvaient pas la laisser indifférente. Elle a donc décidé, comme dans son album précédent sur Vivian Maier et surtout comme elle sait si bien le faire, de mettre ses propres couleurs dans la vie d’Anne Brontë, mais également dans celles de Charlotte et d’Emily.
« J’avais lu Les Hauts de Hurlevent quand j’étais ado, c’est vraiment l’image du romantisme très torturé. » Paulina Spucches, janvier 2023.
C’est donc ainsi que Paulina Spucches a voulu donner sa vision propre de ce qu’on pense être la rigueur du Yorkshire, en cette première moitié du 19e siècle et ainsi illuminer des destins bouleversés par la dureté de la vie.
Une famille marquée par l’écriture
Avec Brontëana, on découvre que les univers de Charlotte, Emily, Branwell et Anne se croisent au gré de leurs études, puis de leurs emplois comme professeurs ou gouvernantes. Déjà enfants, on ressent qu’une proximité entre eux quatre était présente. Peut-être cela était-ce dû à la disparition de leur mère en 1821 alors qu’Anne n’était âgée que d’un an.
C’est d’ailleurs leur tante maternelle, Elizabeth Branwell, qui tiendra le rôle de mère à leurs côtés. Celle qu’Anne appelle affectueusement Tatie dans ce récit.
Rapidement l’écriture tient une place importante chez les Brontë. C’est alors qu’ils étaient encore enfants, qu’ils vont ensemble créer un jeu, Les Sagas de Glass Town et d’Angria et ainsi s’attribuer des rôles à tenir dans ce jeu. Tout un imaginaire, qu’on ressent bien par la suite mis au service de leurs écrits.
Un besoin de liberté
Alors que les trois sœurs Brontë se posent beaucoup de questions sur leur avenir, l’écriture va devenir pour elles une porte d’entrée dans leur vie de romancières, afin de ne pas finir « filles de pasteur ». En effet, désirant devenir indépendantes, elles n’imaginent leur liberté que provenant de leurs écrits.
C’est ainsi que les trois sœurs décident de faire publier leurs premiers romans. Mais par peur d’être reconnues, ou plutôt de ne pas être reconnues en raison de leur statut de femme, Charlotte, Emily et Anne prendront les noms de Currer, Ellis et Acton Bell. Des noms de plume masculins qui leur permettront d’écrire ce qu’elles veulent et surtout comme elles veulent.
Brontëana, un album lumineux
Dès le premier coup d’œil, on reconnaît dans cet album la flamboyance du dessin et des couleurs propre à Paulina Spucches, précédemment rencontrée dans son premier album.
« J’ai visité la bibliothèque qui se trouve dans la maison dans laquelle elles ont vécu. J’ai dessiné sur place. Je me suis occupée du scénario cet été et j’ai réalisé des crayonnés cet automne et maintenant je peins quotidiennement. » Paulina Spucches, janvier 2023.
Dans ce deuxième album, on ressent à nouveau très bien le rapport spontané que l’autrice a avec les couleurs. Elle ne se pose pas de question, utilise les couleurs qui l’inspirent. Et comme elle le confiait :
« Ce n’est pas grave si ça pète dans tous les sens. »
Une réussite en couleur
Si vous avez aimé lire les romans des sœurs Brontë (et même si vous ne les avez pas lus). Si vous avez aimé découvrir les différentes versions cinématographiques qui ont été tirées de leurs écrits. Alors n’hésitez surtout pas à découvrir d’une autre manière ces trois romancières qui auront marqué la littérature de leur siècle, et des siècles suivants, avec leurs différents écrits.
Vous ferez connaissance avec des romancières, mais également des sœurs et surtout des femmes que vous ignoriez. Et quel excellent prisme que de nous permettre de mieux les connaître à travers l’œil d’Anne, le benjamine.
Brontëana, un album superbement écrit et magnifiquement dessiné par Paulina Spucches, qu’on ne remerciera jamais assez de mettre tant de couleurs et de vie dans nos lectures.
- Brontëana
- Autrice : Paulina Spucches
- Éditeur : Steinkis
- Prix : 25,00 €
- Parution : 31 août 2023
Résumé de l’éditeur : L’histoire d’Anne, la troisième soeur Brontë, talentueuse mais oubliée. Les soeurs Brontë ont marqué, avec leurs romans, l’histoire du XIXe siècle. Plus exactement Emily et Charlotte Brontë sont célébrées et mondialement reconnues. Leur cadette, Anne, est souvent oubliée, au mieux décrite comme la plus sensible des trois. Prisonnière d’un monde qui a toujours attendu d’elle quiétude et douceur, Anne fait fi des mises en garde de ses aînées, prenant le risque d’écrire et de laisser jaillir sa propre voix.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
En savoir