Columbusstraße

Avec Columbusstraße, Tobi Dahmen a décidé de raconter la vie de sa famille en bande dessinée. D’autres l’auraient fait bien avant lui ? Effectivement, excepté qu’en l’espèce, ladite famille est allemande. Et que l’auteur a voulu livrer leur histoire pendant la période 1935-1945.

Ce très long récit, publié chez Robinson, s’avère donc être une autre vision de la Seconde Guerre mondiale. Celle vécue par ceux qui se sont trouvés malgré eux du côté de l’Allemagne nazie.

Columbusstraße - Tobi Dahmen - Robinson

Une histoire allemande

En effet, des histoires de famille pendant la Seconde Guerre mondiale, on en rencontre souvent  en bande dessinée. Surtout quand elles dépeignent celles de familles françaises. Quant aux histoires de familles allemandes, alors là elles se sont jusqu’à présent faites nettement plus rares. Une des plus récentes étant l’excellent album de Bianca Schaalburg, L’Odeur des pins, Ma famille et ses secrets publié chez L’Agrume. Avec cet ouvrage, l’autrice allemande couvrait ainsi une période de près de 40 ans à partir de la guerre.

Columbusstraße - Tobi Dahmen - Robinson

Avec Columbusstraße, édité par les éditions Robinson, l’auteur allemand Tobi Dahmen a décidé de raconter son histoire de famille entre 1935 et 1945. Il lui semblait évident de planter le décor quelques années avant la guerre afin de mieux appréhender les bouleversements vécus par cette famille. Et de nous permettre de comprendre comment cette famille avait pu se trouver à la fois spectatrice, mais également actrice de ce conflit qui allait bousculer le monde.

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Un besoin de (se) raconter

Le point de départ de cette aventure graphique est une discussion entre l’auteur et son père, alors que ce dernier n’avait pas l’habitude de s’étendre sur son passé, ni celui de sa famille. Mais à l’occasion d’un voyage en train, Karl-Leo Dahmen va se livrer et raconter la vie de ses parents Karl et Elisabeth, ainsi que de ses trois frères et sœurs, Eberhart, Peter et Marlies.

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Tobi Dahmen a ainsi voulu écrire la vie de sa famille paternelle, les Dahmen originaires de Düsseldorf, à l’ouest de l’Allemagne. Mais il ne s’est pas contenté de ce côté-ci de sa famille. En effet, il s’est également attaché à nous narrer comment sa famille maternelle, les Funcke qui se trouvaient à l’est de l’Allemagne à Breslau, avaient eux-aussi vécu cette période de guerre.

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Deux familles différentes de par leurs milieux sociaux, de par leur situation géographique. Mais également en raison de leur implication, voulue ou pas dans ce conflit. À l’aide de documents retrouvés chez différents membres de la famille, Tobi va étayer son récit familial afin de le rendre plus crédible et plus réaliste. C’est ainsi qu’avec les plus de 500 pages de son album, il nous fait entrer dans son univers familial.

Des souvenirs familiaux à l’ouest

Après avoir fait connaissance de Tobi Dahmen, résidant de nos jours à Utrecht, au tout début du récit, ce dernier nous entraîne à Düsseldorf dans les années 1930, dans la Columbusstraße où réside la famille Dahmen. Nous faisons ainsi connaissance avec cette famille que nous ressentons très rapidement comme aimante et tolérante.

Le grand-père de Tobi, Karl Dahmen, est un avocat réputé, passionné par la marche à pied. Optimiste, il semble pas inquiet par l’arrivée du parti national-socialiste au pouvoir. Mais convoqué un jour par la Gestapo, il lui est conseillé d’être plus prudent dans l’exercice de sa profession.

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Au fur et à mesure, la famille assiste, impuissante, à la montée des exactions dans les rues de leur ville.  Un jour, elle se trouve rattrapée par la guerre qui n’aurait pas dû être la sienne. En effet, Eberhard est appelé par le service du travail du Reich. Il sera soldat, la guerre est bientôt là.

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Les Dahmen seront finalement partie prenante puisque les deux fils aînés, Eberhard et Peter, seront été envoyés sur le front. Karl-Leo, le père de Tobi sera lui obligé de quitter sa famille, comme de nombreux autres enfants, évacués, en raison des bombardements alliés sur Düsseldorf.

Des souvenirs familiaux à l’est

La famille maternelle de Tobi Dahmen, ce sont les Funcke. Sa mère Andrea est née en 1936, quatre ans après son père Karl-Leo. Le père d’Andrea, Heinz Funcke, est nommé directeur technique dans une usine de boulons à Breslau, dans l’est de l’Allemagne. En 1939, la vie sourit à cette jeune famille qui vient d’obtenir cette intéressante promotion professionnelle et le bel appartement qui va avec.

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Même s’il est inquiet par la proximité de Breslau avec la Pologne, Heinz Funcke ne peut qu’être fier des résultats de son usine passée en économie de guerre. Dorénavant la production sera réservée à la fabrication de munitions. Et avec l’arrivée d’un front supplémentaire à l’est, le travail et les cadences ne sont pas prêts de s’arrêter.

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Le seul changement pour la famille Funcke concerne ses voisins du dessous. Andrea constate que la lumière a dorénavant disparu chez eux. Cette famille juive n’est plus là. On ne sait pas où ils sont partis et plus personne n’habite chez eux.

Une période noire à éclairer

C’est en noir et blanc, avec un camaïeu de gris, que page après page, nous découvrons une réalité qui bien souvent nous a échappé. Celle des familles allemandes ont elles aussi été victimes de la barbarie  et du jusqu’au-boutisme du régime nazi. Dans le cas de ces deux familles, les Dahmen et les Funcke, elles n’ont pas eu d’autre choix que d’obéir à la politique mise en place par le parti nazi dès son arrivée au pouvoir en 1933. Tous pensaient que la guerre n’aurait pas lieu et que tout irait pour le mieux.

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La question que l’on peut se poser en refermant ce livre est celle de la résistance. Était-ce possible pour des familles avec des enfants de s’opposer à un embrigadement qui a débuté pour les enfants dès leur plus jeune âge ? Était-ce possible pour les parents de mettre en danger leurs enfants en participant à des actions contre le pouvoir en place ? Que devaient-ils faire, mais surtout que pouvaient-ils faire ?

Des familles allemandes ont également souffert de cette guerre qu’ils n’ont pas voulue et à laquelle ils ont dû participer. Mais comment oser l’avouer après-guerre quand on s’est trouve dans le camp d’un tel agresseur. Le temps, la résilience et le désir de parler permettent dorénavant de voir ce conflit sous un autre angle.

Un travail familial

Avec Columbusstraße, Tobi Dahmen a effectué un très intéressant, mais surtout un très émouvant, travail de recherches sur ses familles paternelles et maternelles. C’est comme s’il leur redonnait la parole afin qu’ils puissent s’expliquer sur leurs faits et gestes pendant la Seconde Guerre mondiale.

Un travail que l’auteur n’aurait pas pu mener à bien sans celles et ceux qui constituent cette famille. Et qu’il remercie bien chaleureusement pour cela à la fin de l’ouvrage.

« Un foyer entouré de ces personnes que j’aime est le plus grand des cadeaux. »

 

Un album parfait pour compléter notre article sur la bande dessinée germanophone

Article posté le mercredi 30 avril 2025 par Claire Karius

Columbusstraße - Tobi Dahmen - Robinson
  • Columbusstraße
  • Auteur : Tobi Dahmen
  • Éditeur allemand : Carlsen
  • Éditeur France : Robinson
  • Traduction : Élise Nicoli
  • Nombre de pages : 528
  • Prix : 29,99 €
  • Date de parution : 23 avril 2025
  • ISBN : 9782017265597

Résumé éditeur : Une saga familiale pendant la Seconde Guerre mondiale. À partir des témoignages de sa famille, Tobi Dahmen réalise dans ce roman graphique une chronique poignante des années de guerre en Allemagne, qui dépasse largement le cadre privé. À travers l’histoire de sa famille, il réfléchit de manière saisissante à la mémoire allemande et aux questions de responsabilité politique et personnelle. Avec une grande sensibilité et une recherche minutieuse, Tobi Dahmen signe une œuvre à la fois profondément émouvante et historiquement essentielle.

«Un livre révolutionnaire, tout aussi oppressant qu’immersif.» – Andreas Platthaus, Frankfurter Allgemeine Zeitung.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

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