À coucher dehors #1

Présent dans nos coups de cœur de l’année 2015 avec son passionnant Amère Russie, nous avions hâte de retrouver ce beau duo formé par A. Ducoudray & Anlor. Pour le premier tome de ce nouveau diptyque intitulé À coucher dehors, exit le décor du conflit entre russes et tchétchènes pour retrouver un cadre plus calme. En atteste la toute première case sous un pont de la capitale, en bordure de Seine. Mais c’était assurément avant la tempête. Celle provoquée par trois hommes, sans domicile fixe, dont une importante nouvelle viendra ébranler leur mode de vie actuel. Ils y voient là une jolie porte de secours, à condition de  mener à bien la mission confiée par une défunte tante. C’est l’aventure d’Amédée, Prie-Dieu et la Merguez. C’est le rêve d’un bonhomme qui voit plein d’étoiles dans sa tête et qui est persuadé de pouvoir les atteindre. Enfilons notre scaphandre et décollons avec eux !

UN CADEAU TOMBÉ DU CIEL

L’imposant bruit de moteur d’un camion grue vient perturber la quiétude de nos trois héros. Un sacrilège se prépare : des employés ont pour ordre de supprimer une cabine téléphonique, objet révolu de notre époque, ceci sans savoir qu’elle est devenue un lieu sacré de prières envers trois religions (pratiquées exclusivement par… Prie-Dieu !). Malgré les tentatives d’intimidation d’Amédée et ses acolytes, l’arrivée des forces de l’ordre (très présentes tout au long du récit), les contraint à abdiquer. Survient alors de nulle part, un notaire essoufflé qui annonce au plus grincheux des trois que sa tante tout juste décédée lui a légué sa maison. C’est à ce moment précis que démarre leur aventure.

Amédée hérite donc d’un pavillon. Mais Tata Adélaïde avait un plan bien établi pour que sa demeure soit habitée par un neveu qu’elle avait de toute évidence perdu de vue. C’était la seule solution pour que son fils trisomique Nicolas puisse retrouver son environnement délaissé pour un centre d’accueil. Amédée n’a donc pas le choix. Si il veut profiter de cette belle aubaine, il doit devenir le tuteur légal de Nicolas à temps plein non sans avoir passé une période d’essai…

À COUCHER DEHORS, AU PLUS PRÈS DES ÉTOILES

Inquiet à l’idée de s’occuper du garçon, Amédée pourra compter sur le soutien de ses deux acolytes qui flairent le bon coup pour sortir de la misère de la rue. Seulement Nicolas a une unique passion, celle de devenir comme son idole, l’astronaute -ah non !- le cosmonaute, Youri Gagarine. Cette obsession causera autant de difficultés à contenir la ténacité de l’orphelin, qu’elle forcera l’admiration tant ses yeux s’illuminent devant son héros.

Et puis il y a cette affiche devant laquelle Nicolas se réfugie régulièrement… une attraction qui lui est interdite jusqu’à ce que son tuteur lui donne indirectement le feu vert. Il n’en faudra pas moins à l’apprenti-cosmonaute pour sauter sur l’occasion…

DUCOUDRAY PUBLIE, VIVE DUCOUDRAY !

De Bots à L’Anniversaire de Kim Jong-IL, en passant par Mort aux Vaches, 2016 est inéluctablement une année prolifique pour Aurélien Ducoudray. Et on ne va pas s’en plaindre ! Dans ce premier tome d’à coucher dehors, Aurélien fait du Ducoudray en distillant de savoureux dialogues dont il a le secret. De quoi donner beaucoup de présence et d’humanité à ses protagonistes. Les comparaisons élogieuses qu’on peut lire ici & là avec ces mythiques dialoguistes que sont Audiard ou Lautner ne sont pas excessives. De même que les moult jurons administrés par Amédée envers les forces de police qui font penser à un célèbre personnage dont les Dupondt étaient parfois victimes

Mais ne parler que de références serait minimiser le talent de l’auteur. Il ne faut pas oublier son habileté scénaristique géniale. Si on regarde l’ossature de la présente œuvre, on a quand même trois sdf qui se suffisent à eux-même, dont le destin va donner un toit. À l’unique condition qu’ils s’occupent d’un trisomique prêt à tout pour s’envoler dans l’espace !

Mais c’est la force de Ducoudray : à partir d’une histoire à dormir debout, naît à coucher dehors

ANLOR ENTRE LES MAINS

Quand le contenu est consistant, encore faut-il que son illustration soit du même acabit. Et c’est loin d’être évident. C’est pour cela qu’on peut parler d’alchimie entre Ducoudray et Anlor. Cette dernière assure totalement la dynamique de cette aventure. On lui connaissait son excellent trait pour des scénarios plus graves. Elle ajoute une corde supplémentaire à son arc en prouvant qu’elle peut dégager de sa main des décors aux multiples détails dont l’ambiance sonne comme un havre de paix (la maison, la pièce secrète, le soir de la veillée funèbre voire l’emplacement des trois tentes). De plus, elle rend totalement vivants ses personnages dont la gestuelle et les expressions sont en total accord avec les joutes verbales ou, du moins, d’imposantes prises de parole. Anlor paraît totalement à l’aise dans ce registre et ça se sent.

Avec ce seul bémol que la fin casse la dynamique de ce premier opus d’à coucher dehors. Une frustration légitime quand on adhère complètement à l’histoire. Et dont la dernière case en appelle immédiatement une autre. Mais nous poursuivrons notre vol, tout va bien…

 

 

Article posté le samedi 08 octobre 2016 par Mikey Martin

A coucher dehors (1er tome) de Aurélien Ducoudray et Anlor (Bamboo) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • À coucher dehors : Tome 1
  • Auteur : Aurélien Ducoudray
  • Dessinatrice : Anlor
  • Couleur : Anlor
  • Éditeur : Bamboo -Grand Angle-
  • Prix : 13,90 €
  • Parution : septembre 2016

Résumé de l’éditeur : Amédée, Prie-Dieu et la Merguez vivent sur les bords de Seine. Mais la destinée fait parfois preuve de bienveillance avec les SDF. Elle offre à Amédée un nouveau toit par le biais d’un héritage : un magnifique pavillon de banlieue. En contrepartie, il doit devenir le tuteur légal de Nicolas, le fils trisomique de sa vieille tante récemment décédée. De surcroit, Amédée se retrouve responsable d’une maison qui attise toutes les convoitises. Mais surtout, il hérite d’un passé, d’une famille et de ses secrets qu’il découvre peu à peu.

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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