Dandadan

Il ne croit pas aux fantômes, elle ne croit pas aux aliens. C’est un nerd des ovnis et c’est la petite-fille d’une médium. Ken Takakura et Momo Ayase se lancent le défi de se donner réciproquement tord. Si, les aliens existent et si, les esprits peuvent vous pourrir la vie. Aucun d’eux n’étaient sérieux en se lançant dans ce délire. Pourtant ils vont déchanter. 

L’occultisme moderne

Momo Ayase, petite-fille de médium, est extravagante. Elle a des désirs un peu naïfs (être la petite amie d’un célèbre acteur prénommé Ken Takakura) mais ne se laisse jamais marcher sur les pieds. Lorsque quelque chose lui déplaît, elle le dit sans tact, ni manière. C’est ainsi qu’elle rencontre Ken Takakura. Non, pas l’acteur. Un autre élève de son lycée. Un garçon effacé, souffre-douleur de sa classe, un otaku des aliens et de l’occultisme. 

En quatre pages, l’affaire est pliée. Momo veut prouver à Ken que les esprits existent et Ken veut prouver à Momo que les extraterrestres sont bien réels.

Mais ils ne s’attendaient pas à avoir raison. Au détour d’un tunnel soit-disant hanté, Ken se fait maudire par “Mémé-Turbo”. Un yôkai très rapide et légèrement obsédé, à l’apparence de grand-mère cinglée. Malédiction qui va bizarrement lui permettre de sauver Momo d’un viol commis par des extraterrestres tout aussi obsédés, cachés dans un hôpital désaffecté. Mésaventure inattendue qui permet à la jeune fille de découvrir ses pouvoirs spirituels.  

C’est le début des problèmes. 

Il faut que vous sachiez une chose avant de commencer Dandadan. L’univers de Yukinobu Tatsu est à base d’humour pipi-caca-bourses et manche à balais (si vous voyez où je veux en venir). Les antagonistes sont vulgaires, et la quête du héros est …. au combien plus problématique que celle de Denji dans Chainsaw Man, mais pas plus décalée. En étant maudit par Mémé-Turbo, Ken Takakura a perdu son entre-jambe. Le manche et ses takoyakis. 

Voilà la quête principale de Dandadan. Survivre aux esprits et aux aliens pour retrouver les parties du personnage principal.

Renaissance d’un auteur

Dandadan est un cocktail d’atouts dans l’air du temps. Yukinobu Tatsu surfe sur les tendances des mangas populaires de son époque. De l’humour décalé, mais des problématiques à la fois tacites et très sérieuses pour un public adolescent (pré-ado à jeune adulte). Dans un esprit de décomplexion totale, qui ne sera pas sans rappeler Sakamoto Days de Yuto Suzuki, Yukinobu Tatsu nous sert du divertissement intellectuel à l’état pure.Manga - Seigi no Rokugô vo

L’auteur n’est pas jeune, cela fait près de 10 ans que Tatsu évolue en tant que mangaka. Mais après deux récits au graphisme fragile et sans grand succès (Seigi no Ragukô et Fire Ball publiés chez Kôdansha dans le Gekkan Shonen Magazine), sa carrière prend un virage salvateur. Yukinobu Tatsu devient l’un des assistants de Tatsuki Fujimoto sur Fire Punch et Chainsaw Man. Et ça se voit.

Dans sa façon d’aborder la SF-Fantasy de son univers et dans le découpage de son récit.

On retrouve une approche décontractée de situation glauque (un viol pour rappel, et la mort aussi). L’humour transpire de chaque page, même dans les scènes de combat tendues et les moments dramatiques. Tatsu ne prend rien au sérieux. Il instaure une ambiance de  divertissement et ajoute par-dessus des hoquets d’humour, comme des cerises à chaque étage d’un gâteau à la crème. Et pourtant, une scène par-ci, une scène par-là, l’auteur parvient à toucher la corde sensible de notre petit coeur. Romance et Drame arborent discrètement leurs lettres de noblesse dans une récit barjot.

C’est notamment grâce à la mise en scène que cela est possible. Le découpage est limpide et assez bien pensé. Il se permet des effets de zoom, de belles déformations de l’image et des effets de contraste savoureux qui font honneur aux Fujimoto (c’est très esthétique de mettre le feu aux extraterrestres, mais ne faites pas ça chez vous). Rien que dans l’action et le rythme de l’histoire, Dandadan est appréciable.Dandadan T1 - Yukinobu Tatsu - Crunchyroll

Et quand cette intelligence de mise en scène rencontre la nécessité de créer une romance, ça fonctionne.

Momo Ayase et Ken Takakura sont de prime abord un très bon duo. Une amitié un peu farfelue naît, c’est agréable. Mais Yukinobu Tatsu n’a pas l’intention de s’arrêter là. Le volume 2 de Dandadan instaure lors d’une scénette tous les doutes qui seront permis plus tard. Un simple jeu de miroir entre les actions de Momo et les actions de Ken permet de saisir toutes la subtilité de leurs émotions. Émotions qu’ils ignorent eux-même. Et tout à coup, Dandadan prend une dimension plus subtile. Ce qui n’était pas gagné d’avance.

Vers l’infini et au-delà : Dandadan, la nouvelle comète du Jump

Yukinobu Tatsu est un auteur moderne. Il écrit un manga dans l’air du temps, surfant sur les codes qui fonctionnent au jour d’aujourd’hui. Tout en distillant des références années 2000 : Men In Black (1997) par exemple.

Plusieurs mentions sont à délivrer. La première, pour le travail formidablement marketing et délicieux des jaquettes (rien à voir avec Crunchyroll). Une bonne couverture attire l’oeil, rend curieux du contenu du livre. Dandadan en fait la démonstration avec des couvertures dynamiques, très pop et truffée de clin-d’oeil.

Seconde mention et applaudissement à Sylvain Chollet pour la traduction. Son travail déjà brillant dans Dai Dark ou Kaiju n°8 mérite d’être souligné. Mais dans Dandadan, il se surpasse. Comme rapporter plus haut, l’humour de Dandadan est scatologique, puéril et sexuel (n’y voyez aucun jugement de valeur, ce sont de simples qualificatifs). Sylvain Chollet parvient à traduire cet humour avec un vocabulaire varié, imaginatif et étonnant. Jusqu’à présent, seul le manga bourrument raffiné de Sengo m’avait surprise à ce sujet. Vulgaire mais jamais choquant.

En conclusion. Dandadan est une bonne comédie romantique d’action. La nouvelle comète du Jump bénéficie d’un support marcketing au petit oignon. L’auteur en besoin de renouvellement a profité d’un accompagnement plus qu’efficace. Il nous délivre ainsi un shonen moderne à la Tatsuki Fujimoto et Yuto Suzuki (Sakamoto Days). Vague de manga populaire toujours plus extravagante dans ses univers, pourvue de mises en scène plus cinématographiques que jamais.

Article posté le mercredi 02 novembre 2022 par Marie Lonni

Dandadan T1- Yukinobu Tatsu - Crunchyroll
  • Dandadan
  • Auteur : Yukinobu Tatsu
  • Traducteur : Sylvain Chollet
  • Éditeur : Kaze/Crunchyroll
  • Prix : 7,29 €
  • Parution : 5 octobre 2022
  • ISBN : 9782820344960

Résumé de l’éditeur : Momo Ayase et Ken Takakura sont deux lycéens que tout oppose. Tandis que la première ne croit qu’aux esprits, le second ne jure que par les extraterrestres. Incapables de se convaincre, ils se lancent alors un défi : Momo devra se rendre dans un hôpital où des créatures de l’espace sont censées se trouver, et Ken dans un tunnel hanté… Or, chacun va faire une rencontre d’un autre genre qui va bouleverser leur vie et lier leur sort. C’est le début d’une romance survoltée où l’occulte, le paranormal et le surnaturel se bousculent dans un chaos haletant !

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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