Jim, Antonin et Christian. L’association de ces trois noms nous a fait découvrir il y a quelques mois le premier tome de Détox. Inspiré d’une expérience réellement vécue par Christian et qui a beaucoup amusé son ami Jim, cette aventure délivre son épilogue. Et comme l’annonce le titre de l’album (L’acceptation) en totale opposition avec celui du premier livre (Le déni), nul doute que nous allons assister au basculement du personnage de cette histoire : Matthias d’Ogremont.
GUEULE DE BOIS ET ROMARIN
En plein stage de détox et complètement coupés de la civilisation, Matthias et son amie Adèle s’autorisent une évasion complètement inattendue mais ô combien salvatrice lorsqu’ils se retrouvent dans ce bar rempli de boissons, de téléphones et de réseau. Matthias est en train de revivre… Mais pas pour longtemps. C’était sans compter sur l’arrivée des trois responsables du camp qui vont les ramener au pays de la boisson au romarin.
De cette incartade il n’en reste que des miettes dans la tête de Matthias. La gueule de bois ne laisse la place qu’à de vagues souvenirs de la veille au soir. Le retour à la réalité est violent : la solitude, le mal de dos, les chèvres qui copulent devant lui, cette nature et lui qui ne sont pas en phase… Et Adèle qui n’est pas là.
LA BELLE ET LE BOURRU
De son côté, la jeune femme, toujours en quête d’identité, cherche désespérément de quoi apaiser ses douleurs morales. En tombant sur un écrivain imbuvable, mourant, au physique vieilli d’un Daniel Darc, elle va pouvoir trouver quelques substances qui pourront la faire sortir quelques heures de ce mal-être qui la ronge.
Quand ils finissent par se retrouver, Matthias est toujours dans une mauvaise posture. Et même si il est soulagé de la savoir toujours au stage, il n’est pas à l’aise de la voir se rapprocher de lui de cette façon où elle cherche simplement une chaleur humaine. Dans cette scène se dévoile, une nouvelle fois, toute la maladresse attendrissante du héros barbu.
Et puis, peu à peu, au gré de rencontre improbables, humaines ou animalières, Matthias va d’abord s’adapter à ce lieu si hostile pour lui. Le lâcher prise s’enclenche. Mais il y a encore quelques démons refoulés à réveiller, à comprendre et finalement à enterrer.
UNE DÉTOX QUI FAIT DOUCEMENT SON CHEMIN
Pour clore les aventures de leur héros, Jim et Antonin Gallo le malmènent par tous les bouts ! Que ce soit émotionnellement ou physiquement, les auteurs exhument les souffrances de Matthias. Il n’est pas question de rebondissements dans cette histoire, juste des évidences. Les hommes et les femmes qui participent à un stage de détoxication ont le mérite de prendre conscience de leur addiction. Lorsque celle-ci concerne concerne le fléau de notre société actuelle – le numérique- la séparation d’avec tout outil connecté à internet devient inéluctable.
Matthias en est le symbole. Gangréné par un rythme de vie effréné, il ne peut se passer de son smartphone ou de tout autre objet numérique. Une scène du premier tome montre à quel point c’est un supplice de se séparer de son téléphone. Une fois seul avec lui-même dans cet environnement qu’il juge inhospitalier, les retrouvailles vont d’abord s’avérer compliquées voire douloureuses. Jusqu’à ce que progressivement il réapprenne à s’écouter, à s’intéresser aux autres, et qu’un sentiment de bien-être gagne peu à peu du terrain.
PRENDRE LE TEMPS
Jim ne joue pas au dénonciateur dans ce plaisant diptyque. Loin s’en faut. Lui-même admet qu’il ne supporterait pas longtemps vivre un stage pareil. Avec Détox, il s’inspire d’une anecdote narrée par un ami. Et après un fou rire spontané en l’imaginant dans cet univers, ce qui a interpellé l’auteur d’Une nuit à Rome est ce moment où tout a basculé. Ce que montre avec perspicacité le scénariste est cette faculté de la nature humaine à s’adapter à un environnement qui lui était, au départ, si opposé à elle.
La vie est ainsi faite aujourd’hui que le temps passe vite, très vite. Nous sommes sans cesse convoités par le travail, les activités, la famille, les amis. Il est de plus en plus difficile de se relâcher, de se détendre. Et lorsque s’ajoute le syndrome de « l’ultra-connecté », notre cerveau est sans cesse en ébullition. Dans Détox, il ne s’agit pas, encore une fois, de pointer du doigt cette hygiène de vie somme toute banale de nos jours. Mais simplement de montrer que s’autoriser une parenthèse dans un endroit coupé du monde, ne peut pas faire de mal. Rien ne nous empêchera par la suite de retrouver notre bolide qui va à cent à l’heure…
JIM FAIT SON CINEMA
Quant au dessin partagé partagé par les deux auteurs, il est dans la continuité de ce que nous avions apprécié dans le premier tome. Jim ne lésine pas dans les gros plans de ses personnages dont les traits trahissent leurs émotions sans filtre. Mention spéciale à cette double page sans texte où seule la lecture s’apprécie dans les regards. Avec un découpage très cinématographique, cette aventure gagnerait à subsister dans le septième art si il venait s’emparer de Détox.
TAUROMAGIQUE
Antonin Gallo offre lui aussi de splendides moments graphiques. Dans Le déni, il nous avait montré tout son talent à mettre en images les décors de l’histoire. L’acceptation ne déroge pas à la règle. Avec des moments où comme il le dit lui-même, les éléments de la nature sont étonnamment en symbiose avec le comportement du personnage principal. Dans ce deuxième tome, il ajoute également une autre corde à son arc. Il suffit de contempler ces cases où interviennent différents animaux. Celles où apparait le taureau sont tout simplement bluffantes.
Détox se termine donc ici. Et si pour une majorité d’entre nous, il est difficile d’imaginer une telle déconnexion dans la vraie vie, Jim, Antonin et Christian/Matthias nous proposent ce stage en quelques pages. Merci pour ce partage. Car tout le long de cette lecture, nous n’avions pas du tout envie de jeter un œil sur notre smartphone.
- Détox, Tome 2 : L’acceptation
- Scénario et dessins des personnages : Jim
- Dessins des décors et mise au gris : Antonin Gallo
- Éditeur : Bamboo (Grand Angle)
- Prix : 16,90 €
- Parution : 30 septembre 2020
- ISBN : 978-2818975367
Résumé de l’éditeur : Il y a-t-il une vie sans la 4G ? Matthias d’Ogremont est un Parisien ultra-connecté, ultra stressé… Sur un coup de tête, il décide de tracer la route et de partir en stage DÉTOX. Ce bourreau de travail se retrouve alors en terrain hostile… en pleine nature… Perte de repères, résistance, colère, abandon… Si on s’arrête, est-ce que le monde s’arrête ? DÉTOX est le récit passionnant d’un homme au bord du burn-out, qui va tenter un décrassage forcé. C’est la nécessité de ralentir la course, de s’accorder une pause, une respiration… Mais si d’un claquement de doigts on se prive de toutes nos urgences artificielles, que reste-t-il à vivre ? Quelles peurs se réveillent ? Et quel sera le chemin vers l’acceptation ? Pendant dix jours : pas d’ordinateur. Pas de téléphone. La nature jusqu’à perte de vue. Courage.
À propos de l'auteur de cet article
Mikey Martin
Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !
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