Une nuit à Rome #4

« On a cette étrange sensation que Jim n’achèvera pas ce nouveau diptyque par un tout est bien qui finit bien… »  Voici la dernière phrase écrite lors de  notre chronique du livre trois d’Une nuit à Rome. Deux ans après cet avant-dernier tome mais surtout huit ans après le début de cette magnifique série, Jim délivre la fin d’une des plus jolies aventures humaines racontées en bande-dessinée. Et quelle que soit l’issue de ce couple formé par Marie et Raphaël, une chose est sûre, il va nous manquer. Alors, savourons cette dernière nuit à Rome ou ailleurs. 

CIAMPINO, THÉÂTRE DES RETROUVAILLES

On retrouve Marie comme on l’avait laissée à la fin du livre trois. Bloquée à l’aéroport Ciampino de Rome, elle appelle, par dépit, la seule personne qu’elle connaît qui réside dans la capitale italienne. Au bout du fil, Alexandre n’en croit pas ses oreilles. Celle dont il n’avait pas eu de nouvelles depuis toutes ces années, ressurgit, comme souvent, de nulle part. Happé par sa détresse – et probablement par une attirance refoulée jusqu’alors – il file la rejoindre. On ne laisse pas Marie dans la panade.

Cet aéroport, Raphaël le connaît bien. La première fois qu’il y est entré, il cherchait la jolie brune de quarante ans sans savoir à quoi elle ressemblait. Elle n’était pas là. Aujourd’hui, il sait qu’elle y sera et qu’il la reconnaîtra. Et ce n’est pas un endroit noir de monde en raison d’une grève qui l’empêchera de la retrouver. Il doit réparer ce texto méchant, puéril, et imbibé d’alcool qu’il lui a envoyé.

UNE NUIT A ROME COMPROMISE

Par le passé, il lui est déjà arrivé de toucher l’épaule d’une femme persuadé que c’était elle. Il lui est déjà arrivé d’en croiser une autre en priant que cela ne soit pas elle. Il lui est même arrivé de passer tout près d’elle sans qu’ils ne se voient… Et alors qu’il l’avait invitée pour honorer cette nuit sacrée, elle allait repartir sans qu’ils puissent tenir leur promesse. Impossible.

Les retrouvailles seront logiquement froides, houleuses et remplies de colère. Un rendez-vous tant espéré puis manqué laisse des traces. Il en faut plus pour Raphaël pour se décourager. Il a façonné sa vie durant quatre ans pour ce moment. Un moment qui ne se limite plus à la promesse d’une nuit. Mais il y a tant de blessures à cicatriser. Pour Marie, il est surtout temps de penser aux adieux…

LA FIN D’UNE BELLE AVENTURE

Et voilà. C’est fini. Comme un bon dessert qu’on a savouré jusqu’à la dernière bouchée. Comme un bon film qui nous a ému du début à la fin. Jim termine sa nuit à Rome avec ces quatre mots qui lui auront été si chers durant près d’une décennie. Quelle est la première émotion d’un auteur lorsqu’il écrit la dernière phrase de son histoire ? Du soulagement ? Un petit pincement ? Certainement un peu des deux. Pour le lecteur c’est certainement plus simple. Soit le final relaté lui convient et il en ressort bouleversé voire rassasié. Soit il est déçu et sans concession, il lâchera un « tout ça pour ça »…

Ce livre ultime d’Une nuit à Rome propose une fin qui rebondit sur une autre. Et que c’est bien fait ! On savait que Jim avait, notamment pour ce dernier diptyque, pris le plaisir de distiller quelques mystères déstabilisants  dans le tome trois. Mais tous seront élucidés dans ce dernier livre. Tout s’équilibre, s’emboîte et apporte une fluidité appréciable tout au long de cette belle aventure. Car une fois qu’on relit l’ensemble de la série, on s’aperçoit que tout est plausible, que tous les protagonistes sont crédibles, importants et nourrissent la belle originalité de cette histoire.

L’AMOUR D’UN AUTEUR POUR SES PERSONNAGES

Jim termine Une nuit à Rome avec une grande réussite. Celle de vieillir ses deux héros et ceux qui les entourent sans que cela nous choque. Comme si nous avions avancé dans le temps avec eux. Même leurs mésaventures morales ou physiques sont particulièrement bien senties et rendent service au dénouement. Il ira même jusqu’à couper court au physique intouchable de son héroïne avec évidence.

Comme à son habitude, l’auteur de Détox offre des moments scénaristiques tels certains dialogues redoutables. Et toujours cette « voix off » particulière où il décrit les agissements de Raphaël à la deuxième personne du singulier comme si il lui parlait et surtout comme s’il nous parlait. C’est d’une puissante efficacité.

Avec ces cases et découpages dynamiques, Jim nous incite à suivre le rythme à sa propre cadence. En alternant temps mort et moments effrénés, on se laisse volontiers embarquer dans son tempo. Et que dire de la partie graphique où sont illustrés formidablement tant de passages. Mention spéciale à Marie où traversent sur son visage moult émotions durant ce dernier épisode. Sans oublier les splendides décors romains nécessaires à l’immersion de cette aventure.

UNE SÉRIE INOUBLIABLE

À la couleur, Delphine était tout autant inspirée. En attestent ces nombreuses scènes où s’alternent les tons bleus, rouges ou orangés idoines pour répandre l’ambiance décrite. Sa complémentarité artistique avec Jim est évidente et belle à voir.

Il y aurait encore tant de choses à développer pour ce livre quatre d’une nuit à Rome et pour cette série dans son intégralité. Mais s’il fallait utiliser un seul mot pour la résumer cela serait : authentique.

Ce qui s’est passé à Rome, devait rester à Rome… Sacré Raphaël, il nous a bien eu.

Article posté le mercredi 03 juin 2020 par Mikey Martin

Une nuit à Rome #4 (Grand Angle) de Jim décryptée par Comixtrip, le site BD de référence
  • Une nuit à Rome : livre 4
  • Scénariste : Jim
  • Dessinateur : Jim
  • Coloriste : Delphine
  • Éditeur : Bamboo (Grand Angle)
  • Prix : 18,90 €
  • Parution : 10 juin 2020
  • ISBN : 978-2818974995

Résumé de l’éditeur : Dix ans ont passé depuis la première nuit à Rome et cette promesse que Marie et Raphaël s’étaient faite de passer la nuit de leurs quarante ans tous les deux… Puis les amants sont retournés à leurs existences d’avant. Quand Marie reçoit une invitation pour aller fêter les cinquante ans de Raphaël à Rome, elle ne sait pas encore si elle va accepter. L’invitation de Raphaël restera-t-elle lettre morte ? Et puis, après tant d’années, n’y a-t-il pas tout à perdre à essayer de revivre cette nuit exceptionnelle ?

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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