En attendant Détox #2

Dans quelques jours sortira le deuxième et dernier tome de Détox. Et avant de savoir comment le héros, Matthias va sortir de cette cure pour le moins atypique, Comixtrip a eu la belle occasion de poser quelques questions aux auteurs de ce diptyque percutant. Rencontre avec Jim et Antonin Gallo. Et si l’on doit résumer cet entretien, il est à l’image de leur histoire : de la sincérité et de l’humour ! 

 

 

Bonjour Jim, bonjour Antonin. Seulement 18 mois après la sortie du premier tome de Détox, nous allons connaître l’épilogue d’un sujet on ne peut plus actuel dans notre société. Entre nous, vous l’auriez fait ce stage de détox ? Exit les portables et autres futilités numériques qui accaparent notre quotidien ?

 

Jim : Perso je n’y vais pas, c’est physiquement impossible. Ou alors un stage Détox de 15 minutes, ça je peux essayer de le tenter. Mais toilettes sèches et privation de téléphone, c’est trop exotique pour moi.

Antonin Gallo : Je pense que je tenterais pour l’expérience… Pour finir par m’enfuir au bout de deux ou trois jours, en prenant soin de me shooter au pot d’échappement une fois de retour et me frotter contre une antenne 4G. Et puis je dois avouer que j’adore m’agacer devant l’inanité des réactions des gens sur les réseaux sociaux, surtout sur les questions sociétales les plus clivantes.

 

Jim, tu considères Détox comme un moment récréatif dans sa conception car il s’agissait de mettre en dessin une véritable anecdote vécue par Christian Hernandez, un de tes amis. Dans le premier tome, Le déni, tu joues avec ton personnage le confrontant à des situations parfois grotesques car aux antipodes de son caractère. Et dans le second, l’acceptation, on imagine que ton protagoniste va comprendre les vraies priorités de sa vie… L’ère du numérique est-elle si difficile à apprivoiser pour qu’on arrive à vivre avec elle sans ses effets toxiques ?

 

Jim : La part récréative du projet était importante, effectivement. Je portais le poids de ma série Une nuit à Rome, et j’avais envie à côté de quelque chose de plus aéré, de moins dévoreur en temps. En réalité, quand on se lance dans un projet, finalement on veut bien faire et les bonnes promesses du début ne tiennent pas, mais qu’importe… Après, l’ère du numérique c’est la naissance d’un nouveau sens, la possibilité de dialoguer avec tout le monde sur la planète, en temps réel. C’est quand même dingue, on ne peut pas imaginer qu’un nouveau sens ne perturbe pas l’histoire de l’homme…

 

Antonin Gallo : « la chèvre, son air je-m’en-foutiste devrait être une inspiration pour tous les stressés de la vie »

 

Antonin, ton choix de couverture pour le premier livre était très ciblé : Devaient y figurer Matthias, un arbre et une chèvre. Ce souhait a été retenu pour son édition toilée. À sa conception savais-tu déjà comment y répondrait la deuxième couverture ? Comment part-on du principe qu’un arbre semble insurmontable à monter pour qu’on finisse par s’appuyer dessus tel un ami précieux ?

 

Antonin Gallo Je dis beaucoup de bêtises pour faire l’intéressant. Ce qui m’intéresse surtout, outre le fait de voir mon nom associé sur la couv à celui d’un cador comme Jim, c’est de me laisser porter par ses suggestions et ses consignes, c’est hyper reposant. Bien plus qu’un stage Détox à compter les fourmis qui envahissent ton habitacle. Mes doléances, c’était juste pour pouvoir faire des jolis effets de lumière, même si la symbolique de l’arbre, sa verticalité, son enracinement à la terre, ça reste assez évocateur pour tout le monde. Quant à la chèvre, son air je-m’en-foutiste devrait être une inspiration pour tous les stressés de la vie.

Pour la deuxième couverture, je pense qu’on n’y a pas réfléchit en amont, elle est venue comme une évidence.
Entretien avec Jim et Antonin Gallo en attendant la sortie de Détox 2 (Bamboo/Grand Angle) - réalisé par Comixtrip le site BD de référence

Il y a beaucoup de légèreté et d’humour dans le premier album. Mais en fond se jouent des scènes plus cruelles  (l’AVC d’une jeune femme ou un enfant témoin du chagrin de sa mère…). Vous évoquez ces moments comme des parenthèses mais aussi comme des faits qui façonnent le destin d’une existence. Ces « éléctrochocs » sont-ils inévitables pour se recentrer sur les choses essentielles de la vie ?

 

Antonin Gallo Je ne suis pas le scénariste, mais je crois qu’il est important d’arriver à un équilibre entre l’humour et le drame. Jim fait sa popote en faisant du sucré-salé, avec toujours un bon mot pour compenser un instant plus grave. À l’image de Matthias en somme.

Jim : Oh, je crois qu’il y a les électrochocs forts et les électrochocs doux, ces choses qui infusent dans nos vies et font qu’une coupure, que s’essayer à autre chose devient indispensable. Mais en terme de récit, mettre de jalons forts est un plus scénaristique, effectivement, difficile de s’en priver. C’est tout l’intérêt de la fiction, on peut condenser les événements, pousser la dramaturgie pour que les tensions soient exacerbées…

 

Jim : « c’était aussi la volonté de créer un personnage que je n’avais pas déjà fait graphiquement, simplement »

 

Comment est arrivée l’idée d’intégrer Adèle, femme voilée, perdue, et très importante pour l’intégration dans le stage de votre personnage principal ?

 

Jim : Le fait qu’elle soit voilée est juste la volonté de caractériser graphiquement le personnage, mais elle n’est pas traitée comme une femme voilée, elle pourrait être totalement différente. Il y a une ou deux réflexions au début, pour montrer que Matthias est complètement à côté de la plaque, puis nous n’en parlons plus. D’ailleurs dans le tome 2, aucune allusion n’y est faite. C’est la question de la minorité, comme mettre un homme de couleur dans un récit, sans jamais mentionner qu’il ne soit pas blanc. C’est beaucoup plus intéressant qu’écrire un personnage de couleur, et coller des particularités propres à sa pigmentation de peau. Ici, c’était aussi la volonté de créer un personnage que je n’avais pas déjà fait graphiquement, simplement.

 

Antonin, avant de collaborer avec Jim sur Détox, tu n’étais pas forcément friand de de la représentation des décors. Mais tu t’y es aventuré avec brio ! Notamment en travaillant d’après photos. As-tu adopté la même technique pour ce nouveau tome ou est-ce devenu plus naturel ?

 

Antonin Gallo : C’est peu ou prou la continuité du tome 1 mais je compte moins les brins d’herbes et les tuiles d’une case à l’autre. Je pars toujours de photo, surtout quand il s’agit de rendre vraisemblable certains aspects, comme un drapé par exemple. Après c’est un équilibre entre le réalisme et le vraisemblable. C’est un problème récurrent, reproduire à l’identique une photo, c’est extrêmement casse-gueule : On ne remettra jamais en question la vraisemblance d’une photo, même s’il y a des raccords curieux. La même chose en dessin et ça saute à la gueule. Je ne compte plus le nombre de fois que Jim m’a demandé de refaire ou retoucher, parce que ça ne faisait « pas vrai », alors que je m’appliquais comme un benêt à reproduire à l’identique (je n’ai toujours pas digéré la case inversée sur le viaduc de Millau). Bref, c’est la même chose que sur le tome 1, mais avec l’expérience d’un album en plus.

Jim : Cette case du tome 1 [N.D.L.R. sur la représentation du viaduc de Millau], il faut que tu la regardes dans un miroir… et hop ! Et le monde redevient à sa place !

 

Entretien avec Jim et Antonin Gallo en attendant la sortie de Détox 2 (Bamboo/Grand Angle) - réalisé par Comixtrip le site BD de référence

                        Recherche graphique

 

Cela faisait un moment que vous deviez collaborer ensemble. Christian vous a réuni pour confectionner Détox. Alors ? Etes-vous aussi heureux de votre association que le sont les lecteurs qui ont apprécié cette aventure ? À tel point que vous pourriez travailler de nouveau ensemble ?

 

Antonin Gallo Très heureux, c’est comme d’être directement balancé dans le grand bain mais avec une bouée à l’effigie de Jim (Je laisse les plus imaginatifs se faire une image mentale). Il est très exigeant mais en même temps super enthousiaste quand j’ai bien fait mes devoirs, c’est un gros plus quand on démarre. En plus on s’entend bien, ça facilite les choses.

Alors oui, c’est prévu qu’on bosse à nouveau ensemble. Je suis de mon côté sur des essais de planche pour Jim et Bamboo, faut juste que j’arrête de me mettre trop de pression à vouloir « trop bien faire ».
DETOX
Jim : Bien sûr, j’espère bien que c’est le début d’une longue route. Après, Antonin a envie et besoin de développer ses propres récits, mais quand une collaboration se passe si bien, si positivement, on ne peut qu’espérer reproduire l’expérience. J’espère qu’il me gardera une petite place dans son planning, le bougre… (rires).

Il était envisagé une adaptation cinématographique de Détox. Du nouveau ? Les événements récents ont peut-être retardé son étude ?

 

Jim : Exactement, enfin le Covid a accéléré le désengagement d’une prod, mais j’ai foi en ce projet. Je ne doute pas qu’une nouvelle prod ne vienne pas prochainement nous approcher… nous verrons bien !

 

Parlez-nous un peu de vos autres projets sur le feu…

 

Jim : Actuellement, et pour rebondir sur ta question de tout à l’heure, nous tournons autour d’un projet BD avec Antonin, il faut juste qu’on réussisse à se garder du temps pour. A côté de ça, je travaille sur L’Étreinte, avec Laurent Bonneau, qui est un album créativement plus expérimental dans sa forme, c’est ce qui en fait quelque chose de particulièrement intéressant… Une sorte de mise en danger créative… J’en reparlerai l’année prochaine, ce sera un gros pavé, et sa création est particulièrement atypique…

Et sinon, je travaille sur mon long métrage Belle Enfant, qui se passe en Italie, avec différents acteurs comme Baptiste Lecaplain, Marisa Berenson, Michael Cohen, et de jeunes actrices épatantes, dont Marine Bohin. Une aventure totalement différente de la BD, et sacrément dévoreuse en temps. Passionnant !

Antonin Gallo : État des lieux est bouclé et à l’impression, il faut que j’évite de trop relire à présent sinon je suis bon pour une troisième version [N.D.L.R. Antonin Gallo revisite une nouvelle version de État des lieux sorti en 2012]. Je suis aussi sur l’écriture d’un projet personnel pas très rigolo, le synopsis de la première moitié est bouclé et je balance en vrac sur mon Instagram des recherches graphiques. J’essaie à présent de pas trop m’éparpiller histoire de boucler les projets les uns après les autres.

J’aimerais aussi reprendre une série entamée il y a un moment, intitulée La vie rêvée des profs, sous forme de comics strip, avec au scénario l’anonyme Tranquilly Billy. Sinon je jongle avec mes commandes d’entreprise et comme évoqué précédemment, je bosse sur un nouveau projet avec Jim.

 

Entretien avec Jim et Antonin Gallo en attendant la sortie de Détox 2 (Bamboo/Grand Angle) - réalisé par Comixtrip le site BD de référence

 

POUR FINIR, NOUS VOUS PROPOSONS UN PETIT PORTRAIT CHINOIS A LA SAUCE DÉTOX… OU PAS !

 

Jim : 

Si tu étais une saison, tu serais :  l’été, ou sa petite sœur, le printemps
Si tu étais un logiciel informatique tu serais :   euh…
Si tu étais une fleur tu serais :   re-euh…
Si tu étais un langage SMS tu serais : mais euh…
Si tu étais un pays tu serais : l’Italie
Si tu étais une bière tu serais : La despé, parce que ça ne ressemble pas à la bière
Si tu étais un arbre tu serais : un saule pleureur, pour les longues journées d’hiver…
Si tu étais un trait de caractère de Matthias tu serais : la colère !
Si tu étais un animal de ferme tu serais : non merci, sans façon…
– Si tu étais en cure de détox tu serais : en fuite (rires)
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Antonin Gallo
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Si tu étais une saison, tu serais : j’aime particulièrement le tout début du printemps, avec ces journées qui nous font retourner à l’intérieur pour ôter une couche de vêtement habituellement hivernal. C’est comme une promesse pour le futur.
Si tu étais un logiciel informatique tu serais : un logiciel de dessin avec plein de fonctionnalités inutiles
Si tu étais une fleur tu serais : le myosotis
Si tu étais un langage SMS tu serais : yolo
Si tu étais un pays tu serais : Rêverose
Si tu étais une bière tu serais : L’Orval, pour son côté à la fois amer et aigre
Si tu étais un arbre tu serais : le noisetier
Si tu étais un trait de caractère de Matthias tu serais : l’ironie
Si tu étais un animal de ferme tu serais : une oie, juste pour faire peur en faisant « ONK-ONK ! »
Si tu étais en cure de détox tu serais : en train de chercher du réseau
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NOUS AVONS DEMANDÉ À JIM & ANTONIN GALLO DE NOUS COMMENTER UNE PLANCHE DE LEUR CHOIX REALISÉE POUR CE DERNIER TOME DE DETOX. LES VOICI :

 

Planche choisie par Jim : ce qui me plait dans cette page, c’est le travail graphique d’Antonin sur le taureau. On est toujours épatés par ce que savent faire les autres et qu’on ne sait pas faire. C’est vraiment tout l’intérêt de travailler à deux, c’est ce plaisir là qui a été un moteur dans cet album.Entretien avec Jim et Antonin Gallo en attendant la sortie de Détox 2 (Bamboo/Grand Angle) - réalisé par Comixtrip le site BD de référence

Planche choisie par Antonin : Je crois que c’est une page charnière de l’aventure Détox. Ici on peut voir le changement d’attitude Matthias, entre la première case où il est courbé, toujours abattu par les conditions spartiates du stage, et la dernière case où on le voit s’ouvrir vers l’horizon des possibles. Dans la première case, les montagnes semblent rendre prisonnière la vision et Matthias mais dans la dernière le paysage retrouve son horizontalité où la perspective atmosphérique rend floue la frontière entre terre et ciel. Il s’agit presque d’un accident, Jim souhaitait une vue plus en contreplongée et moi j’ai mal interprété le storyboard. Après avoir vu le résultat, il a décidé que c’était très bien ainsi. Avec cette dernière case, on voit aussi que je suis un fainéant. Elle a été reprise sans les bulles, notamment pour l’édition CanalBD, et on voit bien que je n’ai pas appliqué la même finition derrière les bulles.
Entretien avec Jim et Antonin Gallo en attendant la sortie de Détox 2 (Bamboo/Grand Angle) - réalisé par Comixtrip le site BD de référence
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Article posté le jeudi 24 septembre 2020 par Mikey Martin

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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