Dans son Fenêtre sur frousse, le jeune dessinateur suisse Michaël La Monnaie aborde avec humour la question des phobies. Un catalogue drôle et instructif de nos peurs qu’il nous invite à dépasser.

Ce qui nous pourrit la vie
Qui peut dire d’emblée : « je suis fort, je n’ai peur de rien ! ». Peu de gens sans doute. A tous les stades de notre existence, enfant, ado ou adulte, nous avons été ou sommes confrontés à des peurs. Celles-ci sont souvent irrationnelles, parfois justifiées. Reste qu’elles nous empoisonnent l’existence, jusqu’à parfois nous isoler. C’est le constat que fait Fenêtre sur frousse, un roman graphique documentaire du jeune auteur suisse Michaël La Monnaie ( de son vrai nom Michaël Monney) édité chez Helvetiq dans la collection Ebullition.

Peur ou phobie?
Et elles sont nombreuses, ces peurs, ces phobies. D’ailleurs, comment qualifier cette sensation de panique, ces rougeurs au visage, ces bouffées de chaleur qui s’emparent de nous face à telle ou telle situation? Elles sont parfois curieuses, saugrenues, incompréhensibles pour notre entourage.
Ainsi, depuis son plus jeune âge, Néo, l’un des personnages de cette fiction documentaire, ne supporte pas la vue, l’odeur des oignons… Une peur ? Non. Une phobie alimentaire plus sûrement. Une amie lui explique : » la peur, avoir peur, c’est normal, c’est un mécanisme de défense… de survie ! En gros une phobie, c’est pareil, mais de manière irrationnelle, incontrôlée, excessive. Et surtout, elle risque de te conduire à l’isolement social ».

Des témoignages
Tout au long de ces 160 pages, Michaël La Monnaie nous invite à feuilleter le catalogue de ces phobies, aussi appelées troubles anxieux, tels que décrits et définis dans le DSM-5, bible américaine de la psychiatrie. Toutefois, la référence médicale s’arrête là. Car il ne s’agit pas pour l’auteur de nous faire une leçon magistrale.
Trois témoignages, concrets, viennent illustrer son propos. Il y a Néo et ses oignons, Skola qui panique à l’idée de prendre le bus pour aller au lycée, Hinengaro qui a arrêté de sortir de chez lui après les attentats du 11 Septembre… Tous et toutes ne peuvent se défaire de situations qui les dépassent.
Il y a aussi ceux qui ont peur des chauves, et bien sur des araignées ou encore de l’avion, ceux qui changent de trottoir, terrorisés à l’idée de croiser un chien, d’approcher un oiseau… Bref, qu’elles soient spécifiques, sociales, agoraphobes, ces phobies sont un handicap qui ne dit pas toujours son nom, souvent invisible aux yeux des autres.

Rien n’est définitif
Dans ce portrait intime des troubles anxieux, Michaël La Monnaie se moque aussi de lui. Et parce « qu’assumer, c’est le début de la guérison !, le jeune homme décide de ne plus se cacher aux yeux des autres. A cet ami, il confie : « Tous les gens que tu rencontres, mènent un combat que tu ignores. Sois indulgent. Toujours ».
Sans pathos, sans jugement, avec le plus souvent une bonne dose d’humour et une galerie de personnages attachants, l’auteur parvient à rendre plus léger le fardeau de toutes ces peines. Des visages en gros plan aux yeux exorbités, des couleurs chaudes et de nombreux dessins en pleines pages rendent la lecture de ce Fenêtre sur frousse très fluide et instructive.
Optimiste en tout cas, La Monnaie être ressorti de cette plongée dans le monde des phobies plus fort qu’avant. Il le répète à son lecteur : « N’oubliez pas les phobies, ça se guérit…N’essayez pas d’aller trop vite et tout ira bien ».
- Fenêtre sur frousse
- Scénario et dessin : Michaël La Monnaie
- Editeur : Helvetiq
- Prix : 22 €
- Parution : septembre 2025
- Nombre de pages : 144
- ISBN : 9782889770519
Résumé de l’éditeur : Deux types sont assis côte à côte dans un avion. L’un tremble et a des sueurs froides quand l’avion décolle. L’autre manque de s’évanouir à la vue de son plateau repas. Le premier a la phobie de l’avion. Le second, la phobie des oignons. Chacun trouve son voisin complètement bizarre.
Les autres personnages de cette fiction documentaire n’ont rien à envier à ces deux-là : phobie scolaire, agoraphobie, phobie des araignées, phobie des chauves, phobie des mots trop longs… Les humains peuvent avoir peur de tout, comme l’explique le DSM-5, la bible américaine de la psychiatrie. Mais d’où viennent ces peurs, comment s’expriment-elles, et comment les dépasser ? Fenêtre sur frousse brosse un portrait passionnant des troubles anxieux, avec beaucoup d’humour et sans catastrophisme.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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