La femme squelette

Avec son album La femme squelette, l’autrice Cécile Vallade a décidé de mettre en avant, et surtout en valeur, la culture inuite de manière très originale. Cette bande dessinée est sans texte, mais elle peut se lire, se regarder en étant accompagnée d’un chant de gorge, comme ils sont pratiqués dans la tradition inuite. Un univers où la beauté et l’étonnement seront les compagnons de votre voyage, publié par les éditions Eidola.

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

La femme squelette, un récit sans texte

Quoi de plus difficile que d’appréhender une bande dessinée sans texte. D’autres albums tels que Un océan d’amour (de Wilfrid Lupano et Grégory Panaccione) ou Betty Boob (Julie Rocheleau et Véro Cazot) ont choisi ce même mode de narration. Mais ils reprenaient des codes que nous possédions, puisqu’issus de notre culture.

La femme squelette aborde un univers qui nous est totalement inconnu,  ce récit étant tiré de la culture inuite et d’un conte traditionnel plus particulièrement. Bien souvent les contes sont issus d’une tradition orale, qu’on se transmettait par le bouche à oreille, particulièrement à l’occasion de veillées. On peut donc se demander si l’autrice n’a pas voulu retrouver un mode de transmission différent, en nous offrant des images et en nous permettant d’y apposer le texte qui nous parle le plus.

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

La femme squelette et sa rencontre avec un pêcheur

Sous la mer repose un corps de femme. Ou plus exactement maintenant repose le squelette de cette femme assise sur ce fond sous-marin.

On sait, selon la légende, que c’est son père qui l’a jeté à l’eau. Pourquoi ce geste ? Comment s’y est-il pris ? À ces questions, nous n’aurons certainement jamais de réponses.

Mais alors qu’il est dans son kayak près de la côte, un pêcheur lance sa ligne au fond de l’eau. Il attend que le poisson daigne mordre à l’un de ses deux hameçons et avance doucement comme pour draguer le fond.
C’est alors qu’une tension s’exerce sur la ligne. L’homme pense remonter le butin de sa pêche, mais c’est un squelette qui remonte à la surface, complètement emmêlé dans le fil de pêche.

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

Un étrange retour de pêche

Sa surprise est grande, d’autant plus que La femme squelette s’accroche à sa petite embarcation. Les coups de rame qu’il lui inflige ne la font pas renoncer à ce retour à la surface. Effrayé par cette pêche pour le moins miraculeuse, le chasseur ne pense plus qu’à une seule chose. S’enfuir et fuir ce squelette qui a décidé de ne plus se passer de lui. Pagayer, sortir du kayak et courir. Vite, au point d’en perdre le souffle. Et surtout, ne pas se retourner au cas où elle serait toujours là.

Le squelette a fini par s’emberlificoter dans le fil de pêche et choit. Que doit faire l’homme ? Profiter de cette opportunité pour continuer à fuir ou surmonter sa peur et aller vers l’autre, même si son apparence l’effraie ?

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

Que peut-il advenir de cette femme squelette ?

La réponse à cette question improbable, vous la découvrirez en parcourant les pages en noir et blanc (mâtinées parfois de camaïeux de bleu ou de rouge). Ce choix du blanc correspond parfaitement à cet univers arctique où la neige est omniprésente. Le noir permettant, quant à lui à marquer une intemporalité dans le récit. Aucune indication de date ou de période nous permet de le situer dans le temps.

Ainsi quand interviennent très ponctuellement les couleurs, pour des évènements marquants dans le récit, cela donne encore plus de puissance aux dessins, mais surtout au récit. D’autant plus que ces couleurs sont réalisées avec des crayons de couleurs, alors que le noir provient d’une encre qui lui donne un aspect très profond.

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

De plus, la plupart des planches de cet album sont doubles et permettent ainsi une lecture, comme pour un panorama, de pleinement apprécier la beauté des dessins qui s’offrent à nos yeux.

Des chants de gorge pour accompagner cette lecture

Les chants de gorge sont un art ancestral, surtout pratiqué par des femmes. Cette tradition inuite, qui avait presque disparu, voit s’opposer deux femmes qui émettent des sons gutturaux pour raconter une histoire. Ainsi, à la fin de cet album figure un QR code qui permet d’accéder à un de ces chants.

C’est Marie-Pascale Dubé qui s’est inspiré de ces chants de gorge inuits pour poser une bande sonore sur ce récit muet. Mais ce chant apporte une autre dimension à l’histoire parce qu’il correspond à des sons et des bruits que nous n’avons pas dans notre répertoire vocal et sonore. C’est ainsi qu’il donne un aspect encore plus mystérieux à ce récit pourtant déjà surnaturel.

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola

Un récit d’espoir et de vie

Cet incroyable récit est empreint d’une immense tendresse et de beaucoup chaleur qui vont prendre la place de la peur dans la vie de ce pêcheur. N’est-ce pas en apprivoisant les gens, qu’on apprend à les connaître et surtout à les aimer ?

Un album qui, vous-aussi, ne pourra que vous harponner en plein cœur, comme pour cet homme.

Article posté le lundi 25 septembre 2023 par Claire Karius

La femme squelette de Cécile Vallade chez Eidola
  • La femme squelette
  • Autrice : Cécile Vallade
  • Musique : Marie-Pascale Dubé
  • Editeur : Eidola
  • Prix : 29,00 €
  • Parution : 08 septembre 2023
  • ISBN : 9791090093485

Résumé de l’éditeur : Au fond de la mer glacée de l’arctique git le squelette d’une femme que son père avait poussé là. Accroché à la ligne de pêche d’un inuit, le squelette est remonté à la surface. Emberlificotée à la ligne, la femme squelette suit le pêcheur jusqu’à son igloo. L’homme observe cet être étrange tapi dans l’ombre qui ne semble plus si effrayant et prend le temps de démêler son fil des os et de le réchauffer. Durant la nuit la femme squelette s’approche de son sauveteur et boit une larme. Le battement du cœur de l’homme raisonne comme un tambour, et petit à petit elle retrouve muscles, organes, peau, cheveux et tatouages. Cécile Vallade rend hommage aux paysages glacés et à la faune de l’arctique mais elle apporte aussi quelques touches d’humour à cette légende inuit sur la reconstruction d’une femme. La narration muette renforce le lien entre les deux personnages, et un chant de gorge dans la tradition inuit composé et enregistré par Marie-Pascale Dubé est accessible via des QR codes.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.

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