Son Florida nous avait envoûté, sa Vision de Bacchus interpellée, son nouvel album Les tableaux de l’ombre nous charme. Jean Dytar creuse son sillon autour des Arts avec cette belle histoire jeunesse fantastique chez Delcourt.
Se perdre dans Le Louvre
La classe de Jean visite le Louvre. Alors qu’il est subjugué par la beauté du tableau de Vermeer, La dentelière, le reste de ses camarades est sorti de la salle. Il se retrouve seul. Il panique et pleure. Il est alors aidé par une guide.
En attendant sa professeure, il fait face à cinq petites toiles représentant les cinq sens réalisés par Anthonie Palamedès.
« Personne ne nous regarde »
Pour une fois qu’un visiteur s’arrête devant eux, les cinq personnages sont surpris. D’habitude personne ne fait attention à eux. Ils sont les grands oubliés du Louvre.
Face aux stars que sont La Joconde, Les noces de Cana, La liberté guidant le peuple, La Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace ou L’enlèvement des Sabines, ils ne font pas le poids.
Vingt ans plus tard, tous les tableaux de l’ombre se révoltent, ils veulent plus de reconnaissance, être beaucoup plus vus…
Le Louvre comme décor de bande dessinée
Les éditions Futuropolis (Les gardiens du Louvre de Taniguchi, L’île Louvre de Chavouet) mais aussi les éditions Delcourt (Gaspard et la malédiction du prince-fantôme, Les souris du Louvre) se sont rapprochées du Musée du Louvre pour proposer des collections autour de l’établissement culturel.
Après ces nombreux ouvrages, c’est Jean Dytar qui imagine un scénario dans le célèbre musée parisien. Comme pour ses prédécesseurs, il anime les tableaux par leurs personnages et invente ainsi une belle aventure fantastique pour les plus jeunes.
Les tableaux de l’ombre : chercher la reconnaissance
Avec ses 135 000 m² et ses milliers d’œuvres exposées, le Louvre est un labyrinthe de richesses. Comme le souligne le guide Fantrippers Paris, pour toutes les voir, il faudrait 96 heures et ne passer que 10 secondes devant chacune d’elles. Il y a donc des oubliés, des toiles peu connues, moins visibles, souvent seules et qui dépriment.
C’est le cœur de Les tableaux de l’ombre ! Jean Dytar imagine ainsi que ces grands oubliés vont se révolter contre les stars du musée. Il pose ainsi des questions sur le rejet, la célébrité mais aussi sur nos goûts souvent uniformes, nos manques d’audace. On veut voir les peintures célèbres et on délaisse les autres.
A travers Guido, l’auteur du Sourire des marionnettes explore les tréfonds de l’âme, la dépression et la mise au ban forcée. La révolte gronde. Pourtant la force des musées, ce sont les stars qui attirent le public mais aussi les petits maîtres qui forcent le respect et l’admiration. Des petits bijoux se retrouvent souvent sous notre nez, sans que l’on s’en aperçoive.
Très belle fable fantastique
Les tableaux de l’ombre est construite comme une très belle fable fantastique, pleine de fantaisie et d’humour. Les dialogues sont contemporains et les situations souvent cocasses (dans les tableaux mais aussi en dehors comme lors des réceptions où les petits ne sont pas invités, mais aussi la Joconde qui est cul-de-jatte…).
Ce récit tendre et juste bénéficie de tout le talent de dessinateur de Jean Dytar. C’est simple, c’est lisible mais c’est très beau. Ses techniques et son style graphique ont changé par rapport à ses albums précédents. L’auteur né en 1980 et ayant suivi des études à la faculté d’arts plastiques de Saint-Etienne joue aussi avec les cadres et le découpage. Les personnages se déplacent ainsi dans leur toile mais aussi dans les vignettes. Les surprises se multiplient pour le plus grand bonheur des plus petits.
Les tableaux de l’ombre : prendre le temps de regarder les petits maîtres, les petits tableaux qui sont autant de charme que les dessins de Jean Dytar.
- Les tableaux de l’ombre
- Auteur : Jean Dytar
- Éditeur : Delcourt / Louvre éditions
- Prix : 14.95€
- Parution : 09 mai 2019
- ISBN : 9782413008194
Résumé de l’éditeur : Parmi les oeuvres exposées au Louvre, certaines n’attirent l’attention d’aucun visiteur. C’est le cas de cette série de petites toiles, allégorie des cinq sens, dans laquelle Tobias symbolise l’ouïe. Quand un petit garçon l’honore d’un véritable regard, le musicien ne se doute pas que cet écolier va bouleverser les choses deux décennies plus tard, l’année même de la révolte des tableaux de l’ombre…
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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