Noir Burlesque #1

Lorsqu’il s’agit de varier les genres en bande-dessinée, Enrico Marini s’y emploie à chaque fois avec une grande réussite. Quand il illustre le western de L’Etoile du Désert, les aventures de cape et d’épée dans Le Scorpion ou encore le splendide péplum qu’est Les Aigles de Rome, on a toujours cette agréable sensation que l’auteur italien adapte parfaitement son trait selon l’univers choisi. Et quand il s’associe à Jean Dufaux sur un titre plus sombre comme Rapaces, le résultat est une nouvelle fois somptueux. En 2018 où il s’empare seul d’un des plus « dark » super-héros qu’est Batman, Enrico Marini montrait encore toute sa maîtrise dans l’univers noir de Gotham City. C’est donc avec un empressement non dissimulé que nous plongeons dans sa nouvelle création qu’est Noir Burlesque. Un polar des années 40-50 prévu en deux tomes où nous sommes certains qu’il s’appliquera à nous faire découvrir de nouvelle émotions.

TENSION PALPABLE

Une silhouette ornée de cheveux rouges avance élégamment dans la pénombre d’une rue new-yorkaise. Une fois arrivée à son appartement, à peine a t-elle passé le pas de la porte qu’une voix masculine lui suggère de ne pas allumer la lumière. D’abord surprise, elle n’est pas pour autant impressionnée par l’homme assis dans son fauteuil, un revolver à la main. Ils se connaissent bien. En attestent les intentions du visiteur qui hésite entre l’embrasser ou la tuer. Indiscutablement ex-amants les deux corps se rapprochent comme aimantés. Leurs lèvres murmurent quelques mots et sont prêtes à se frôler. Quand subitement, retentit un coup de feu.

Ces premières pages relatent l’instant présent de Noir Burlesque. Pour savoir qui a tiré et a été touché, il faudra patienter. L’action suivante se déroule quelque temps auparavant. On y retrouve le même visage masculin, à moitié camouflé, mais toujours avec une arme de poing. En plein braquage d’une bijouterie, il est soudainement en bien fâcheuse posture au moment où son complice à l’extérieur le laisse en plan. Mais avec la même sérénité entrevue dans la scène précédente, il échappe aisément – et non sans une certaine classe – aux deux policiers.

UN AMOUR INFLAMMABLE

Slick a des dettes à payer. Pour effacer l’ardoise de quelqu’un d’autre. Il se rend au Rex Night Club rapporter le butin salement glané à la bijouterie. A l’entrée, une affiche  révèle qu’une danseuse burlesque est à l’honneur ce soir. Slick semble de marbre. Pourtant, c’est la femme qu’il attendait dans son appartement. Pour la scène, elle se fait appeler Caprice. On comprendra que Slick savait qu’il pourrait la croiser. Elle est la future épouse de Rex, le mafieux qui lui réclame de l’argent. Slick et Caprice ont vécu une histoire d’amour il y a longtemps. Et il est évident que la flamme est toujours présente. Quitte à prendre le risque de se brûler, la tentation de jouer avec le feu est grande. L’attirance entre la danseuse et le bad boy est bien plus forte que les conséquences que ces retrouvailles engendreront.

NOIR BURLESQUE : UN VRAI POLAR SOMBRE

Adeptes des polars noirs, Noir Burlesque est pour vous ! On retrouve tous les ingrédients qui composent cet univers sombre et musclé où se mélangent corruption, charme, et violence. Dans ce premier tome, l’intrigue se met en place progressivement pour d’abord se concentrer sur les personnages centraux de l’histoire. Si Enrico Marini nous soutenait qu’il n’était pas fan des vieux films noirs hollywoodiens, nous ne le croirions pas ! Tant les cases qui défilent sont découpées avec une telle dynamique qu’on s’imagine devant un bon vieux polar américain dirigé par les plus grands réalisateurs de l’époque.

La touche supplémentaire pour que Noir Burlesque puisse s’inscrire les classiques du genre en bande dessinée passe par le dessin splendide d’Enrico Marini. Qu’il s’agisse d’illustrer les scènes de nuit, les bagarres armées, ou tout simplement ces voitures éminemment nécessaires pour s’immerger dans cette Amérique d’après-guerre, l’auteur prouve une nouvelle fois qu’il peut s’adapter à n’importe quelle période. La seule qu’on ne lui attribue pas pour l’instant d’ailleurs, reste la contemporaine. Un hasard ? Peut-être pas.

DES PERSONNAGES CAPTIVANTS

Ses personnages assez charismatiques, apportent leur lot d’ambiguïté. Il suffit de prêter attention au tempérament dur à cuir de Slick mais qui pourrait baisser la garde, la faute à une sensibilité à peine camouflée. Et que dire de Caprice, femme fatale dont le rôle va sans nul doute être crucial dans la deuxième partie de Noir Burlesque. Car pour le moment, c’est son corps qui est mis en avant, mais son côté mystérieux, voire manipulateur, devrait l’amener à être un élément central dans la suite et fin de la série.

En y ajoutant ce rouge flamboyant et accrocheur dans cet album en noir et blanc, Enrico Marini marque une nouvelle fois les esprits avec ce premier tome de Noir Burlesque. Maintenant que l’ambiance est bien installée, nul doute que la fin de ce diptyque apportera l’épaisseur scénaristique supplémentaire pour qu’il soit réussi de bout en bout.

 

Article posté le lundi 10 janvier 2022 par Mikey Martin

Noir Burlesque de Enrico Marini (Dargaud), un polar en rouge et noir décrypté par Comixtrip, le site BD de référence
  • Noir Burlesque #1
  • Scénario : Enrico Marini
  • Dessins & Couleurs : Enrico Marini
  • Éditeur : Dargaud
  • Prix : 18,00 €
  • Parution : 05 novembre 2021
  • ISBN : 978-2505083733

Résumé de l’éditeur : Il fait nuit. Dans une chambre d’un hôtel lugubre, un homme est assis dans un fauteuil, un revolver à la main. Il est connu sous le nom de « Slick », et ce n’est pas un ange. Il attend le retour de Caprice, une vedette de cabaret prête à tout pour percer. En ouvrant la porte, la jeune femme découvre la présence de Slick : elle sait qu’il est venu pour se venger, car elle l’a trahi. Peu de temps avant, Slick a foiré le casse d’une bijouterie. Il doit maintenant un paquet d’argent à son commanditaire, Rex, un boss de la mafia… et le futur mari de Caprice. C’est ainsi que Caprice et Slick se sont retrouvés, car, bien avant cette histoire, ils se sont aimés. Passionnément. Et leurs sentiments ne se sont jamais éteints…

À propos de l'auteur de cet article

Mikey Martin

Mikey, dont les géniteurs ont tout de suite compris qu'il était sensé (!) a toujours été bercé par la bande dessinée. Passionné par le talent de ces scénaristes, dessinateur.ice.s ou coloristes, il n'a qu'une envie, vous parler de leurs créations. Et quand il a la chance de les rencontrer, il vous dit tout !

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