En 1954 sortait le premier roman écrit par William Golding. Il portait le titre : Lord of the Flies, Sa Majesté des mouches en français. Soixante-dix ans plus tard, cet ouvrage est devenu une référence de la littérature britannique. Traduit dans différentes langues, ce roman est étudié en classe par de nombreux élèves.
Aucune adaptation graphique n’avait encore été réalisée de ce terrible récit. C’est dorénavant chose faite, puisqu’Aimée De Jongh s’est attaquée à ce monument. Un album de plus de 350 pages, édité chez Dargaud, était nécessaire pour adapter graphiquement le roman le plus connu de Golding.
William Golding, un écrivain nobélisé
La littérature a fait partie de la vie de William Golding (1911-1993). Étudiant en littérature anglaise à l’université d’Oxford, il ne quitta cette matière qu’en raison de sa mobilisation dans la Navy pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est après le Débarquement de Normandie, auquel il participa, qu’il reprend son poste de professeur d’anglais et de philosophie, qu’il occupait depuis 1939.
William Golding (1911-1993)
En 1954, il écrit son premier roman intitulé Lord of the flies. Dix-huit autres suivront jusqu’en 1995. Golding abandonnera l’enseignement en 1962 pour pour pouvoir se consacrer pleinement à sa passion de l’écriture. En 1983, l’écrivain reçut le Prix Nobel de littérature pour l’ensemble de son œuvre.
Lord of the flies 1954, couverture originelle – Faber & Faber
Une adaptation graphique signée Aimée De Jongh
Parce qu’elle avait été marquée par la lecture de Sa Majesté des mouches alors qu’elle était au lycée, Aimée De Jongh voulait absolument adapter graphiquement ce roman. Pour des raisons de droits, cela ne fut pas possible plus tôt. Peu importe, l’autrice en a profité pour se faire la belle place qui est la sienne dans le monde du 9e Art.
Pour notre plus grand plaisir, elle nous a permis d’aller à la rencontre de son travail avec des albums tels que :
- L’obsolescence programmée de nos sentiments, album sorti en 2018 dont elle illustre le romanesque scénario signé Zidrou chez Dargaud
- L’immersion dans un univers poussiéreux du Dust bowl avec Jours de sable, sorti en 2021 chez Dargaud, pour lequel Aimée De Jongh se fait autrice complète.
- L’escapade en van d’une femme qui veut fuir son quotidien avec Soixante printemps, scénarisé par Ingrid Chabbert, chez Aire Libre
- Taxi! Récits depuis la banquette arrière pour y effectuer, en sa compagnie, quatre trajets en noir et blanc, dans un album édité chez La Boîte à bulles
2021 signe l’année où, cette fois, l’autrice néerlandaise est sollicitée par la maison d’édition britannique Faber & Faber pour travailler sur l’adaptation du précieux roman. L’accord des héritiers de Golding étant acquis, Aimée De Jongh n’avait plus qu’à s’atteler à ce qui allait être une immense tâche, avec une pression énorme en raison de la renommée du roman.
Sa Majesté des mouches, un récit initiatique
Un avion s’écrase sur une île perdue au milieu de l’océan. À son bord, se trouvent de jeunes garçons, leurs accompagnateurs et le pilote. Les adultes ayant tous disparu dans ce tragique accident, il ne reste plus, dans cet endroit isolé, qu’une bande d’enfants, âgés de 6 à 13 ans, abandonnés à leur sort.
Le premier des rescapés que l’on découvre s’appelle Ralph, un garçon de 12 ans. On le voit errer dans la forêt à la recherche d’autres survivants. Il retrouve un premier garçon. Celui-ci était surnommé Cochonnet (Porcinet ou Piggy dans le roman) par ses camarades de classe. Ensemble, ils décident de trouver les autres enfants.
Armés d’une conque, les deux garçons lancent un cri d’appel. Une vingtaine d’enfants leur répondent et les rejoignent. Tous se regroupent sur la plage pour faire connaissance. Ils sont vêtus d’uniformes de trois établissements scolaires. D’âges différents, ils ne se connaissent pas, mais ils vont devoir apprendre à vivre ensemble en attendant d’être secourus.
Une organisation à toute épreuve
Ralph, voulant fédérer le groupe de garçons, se propose de devenir leur chef. Il coupe ainsi l’herbe sous le pied de Jack, un autre grand, et par là-même, le blesse avec cet outrage.
Les garçons décident d’organiser leur survie, chacun trouvant un rôle à jouer. Les grands se chargent d’allumer le feu, construisent des cabanes au bord de la mer et vont chercher de quoi se nourrir. Les petits restent sur la plage, ne pensant qu’à jouer dans le sable et à manger.
Mais cette organisation ne convient pas à tous les garçons. Jack décide de reprendre l’ascendant sur certains garçons en créant un groupe de chasseurs. Maquillés de peintures de guerre et armés de lances qu’ils ont fabriquées, cette troupe devient très rapidement pour le moins effrayante dans son comportement belliqueux.
Malheureusement, la scission entre les différents enfants s’accroît. Le groupe de parole, une sorte de parlement d’enfants, créé pour que chacun puisse s’exprimer ne remplit plus son rôle. La société qu’ils ont créée de toutes pièces est au bord de l’implosion. Comment vont-ils pouvoir continuer à fonctionner avec de tels relents de violence sans que le groupe ne s’embrase définitivement ?
Un roman pour dénoncer
En écrivant Sa Majesté des mouches, William Golding a voulu montrer les limites d’une société créée ex-nihilo, si elle ne dispose pas de règles. Ou bien si chacun ne respecte pas les règles, pourtant préalablement approuvées par tous. En prenant de jeunes enfants, l’auteur s’assurait de disposer de personnages relativement neutres et candides en arrivant sur cette île représentant une communauté.
Très rapidement, deux garçons parmi les plus grands, Ralph et Jack vont vouloir assurer le leadership. Certainement en raison d’un vécu plus long et de leurs caractères bien affirmés. C’est ainsi que l’on voit s’opposer deux façons d’agir. Une prônant le partage et l’égalité. L’autre s’appuyant sur la violence et la peur.
L’affrontement devient inexorable en l’absence de respect des règles et des individus. Golding montre ainsi comment une société, si petite soit-elle, peut basculer dans la barbarie et l’horreur, même avec d’aussi jeunes acteurs.
Une adaptation graphique fidèle
Comme de nombreux lecteurs, Aimée De Jongh a été marquée, à l’âge de 15 ans par Sa Majesté des mouches. L’autrice de Jours de sable avait en tête depuis longtemps d’en faire une adaptation graphique. C’est maintenant chose faite avec cet album, qu’elle voulait fidèle au récit originel. En effet, il lui paraissait inconcevable de s’éloigner de l’écrit. Même si elle a dû effectuer quelques modifications, quand certains passages étaient trop longs, pour respecter les codes de la bande dessinée.
Le respect de l’adaptation s’exprime également par le choix de garder intact le caractère de chacun des personnages. Ainsi, leurs interactions ne pouvaient être modifiées, tout comme le déroulé des événements tragiques. Là où peurs et différences vont amener des enfants à commettre l’irréparable.
Un très beau travail graphique
Dans ce récit, figurent de nombreux enfants, qui au début du récit sont habillés avec leurs uniformes. Mais au fur et à mesure de l’avancée du récit, les vêtements, marquant l’appartenance à une société avec des règles édictées par les adultes, disparaissent. Comme si ces Robinson faisaient tomber leur éducation pour la transformer en une barbarie qu’ils ont décidé « d’adopter » sous couvert d’une envie de liberté.
Aimée de Jongh a donc dû donner vie physiquement à ce groupe d’enfants très hétéroclite. Mais il lui a surtout fallu faire ressortir leurs différents caractères sur leurs visages et leurs postures, leurs tenues d’origine ne marquant plus les groupes. Une jolie galerie de personnages, tous différents les uns des autres, malgré leur appartenance commune à un milieu favorisé.
L’autre défi pour l’autrice était de reconstituer l’île que les enfants vont progressivement découvrir. Et c’est de la plus belle des manières qu’Aimée De Jongh a mis tout son talent pour dessiner ces paysages qui peuvent, au premier abord, sembler idylliques. Avant que l’horreur ne s’y invite et ne détruise tout sur son passage.
C’est donc de la plus belle des manières, la sienne donc, qu’Aimée De Jongh rend hommage à ce roman emblématique qu’est devenu Sa Majesté des mouches. Ce très beau roman graphique va bénéficier en outre d’une parution dans une quinzaine de pays et dans plusieurs langues pour fêter les 70 ans de la publication du roman.
Nulle doute que celles et ceux, qui n’ont pas encore eu la possibilité ou l’opportunité de lire le roman, trouveront, avec cette adaptation graphique fidèle et réussie, éditée chez Dargaud en partenariat avec France Inter, une belle alternative pour pallier ce manque.
- Sa Majesté des mouches
- Autrice : Aimée De Jongh
- Adapté du roman de : William Golding
- Éditeur : Dargaud
- Prix : 35,00 €
- Parution : 13 septembre 2024
- Pagination : 352 pages
- ISBN : 9782505128557
Résumé de l’éditeur : Une bande de garçons issus de la haute société anglaise échouent sur une île déserte à la suite du crash de leur avion. Le pilote et les adultes qui les accompagnaient sont morts. Livrés à eux-mêmes sur une île paradisiaque, les voilà bien décidés à jouir de cette toute nouvelle liberté. Une nouvelle vie sans adulte et sans règles : des vacances. Ils se nourrissent de fruits, jouent et se baignent. Pour survivre, ils seront pourtant bien obligés de s’organiser et de reproduire les schémas sociaux inculqués. Le téméraire et gentil Ralph devient alors le chef de cette petite tribu. Mais c’est compter sans Jack qui décide de former une autre tribu, plus sauvage et violente. Chaque garçon doit choisir son camp et la guerre fait rage entre eux. Adapté pour la première fois en bande dessinée, le chef-d’œuvre de William Golding est ici majestueusement mis en scène par le dessin d’Aimée de Jongh. À l’occasion des 70 ans de l’œuvre originale, l’album connaîtra une sortie internationale et paraîtra dans une quinzaine de pays.
À propos de l'auteur de cet article
Claire Karius
Passionnée d'Histoire, j'affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique. Mais pas seulement ! Je partage ma passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur ma page Instagram @fillefan2bd.
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