Elizabeth Scrooge est imbuvable. Misanthrope et avare, elle déteste la fête de Noël. Son jugement va-t-il évoluer après la venue de spectres ? José-Luis Munuera adapte avec brio Un chant de Noël, le fabuleux roman de Charles Dickens. Mais dans sa bande dessinée, Scrooge est une femme…
Sornettes
Lorsqu’elle marche dans les rues de Londres en cette veille de Noël 1843, Elizabeth Scrooge ne laisse personne indifférent. Pire, les habitants se mettent à parler à voix basse sur elle. Misanthrope et avare, la jeune femme toise tout le monde. Personne n’a grâce à ses yeux.
Il neige et tout le monde est heureux de pouvoir fêter Noël. Tous ? Non, pas Elizabeth. Elle déteste cette fête. Sornettes, ce ne sont que des sornettes !
Cratchit, Frédérique…
Comme tous les jours, Elizabeth se rend à son bureau. Cette officine, elle l’a fondée avec Marley, son associé décédé depuis sept ans.
Pour économiser le moindre sou, la gérante n’a pas changé l’écriteau à l’entrée. Les deux noms sont toujours là. Pire, elle ne met pas de chauffage. Cratchit, son commis, se réchauffe les doigts grâce à une bougie.
Lorsque Frédérique, sa nièce, entre, Scrooge, ne cesse de la rabaisser et de se moquer de son amour pour Noël. Dans un élan de bonté – surprenant chez elle – la patronne accorde une journée à son commis.
… et les esprits
En rentrant chez elle, Elizabeth n’aspire qu’à une seule chose : que plus personne ne lui parle de Noël. Comme tous les jours, elle mange seule et se couche seule.
Sauf que ce soir-là, le spectre de Marley lui apparaît. Il la met en garde. Si elle ne veut pas mourir bientôt, seule et sans personne à ses côtés, elle doit changer…
Un chant de Noël : œuvre littéraire mondiale majeure
Publié en 1857, Un chant de Noël (A Christmas Carrol) est l’un des romans les plus connus de Charles Dickens avec David Copperfield et Oliver Twist. Considéré comme le plus grand romancier de l’époque victorienne, l’écrivain met tout son cœur dans cette histoire. Il réhabilite ainsi Noël et son esprit. Comme dans ses nombreux livres, il aborde également la précarité et la pauvreté, mais également les rapports dominés/dominants.
Adapté à de nombreuses reprises, Un chant de Noël fascine toujours autant les lecteurs. C’est ainsi que Walt Disney imagine l’oncle de Donald. Il le nomme Scrooge en version originale ; Picsou chez nous en français. Comme son illustre prédécesseur, le canard est avare et a un neveu.
Un chant de Noël, la superbe déclinaison de Munuera
L’angle choisit par José-Luis Munera pour Un chant de Noël est surprenant mais intelligent. Scrooge ne se prénomme pas Ebenezer mais Elizabeth. Ce n’est pas un vieil homme avare, mais une jeune femme pingre.
Sous les pinceaux du talentueux auteur Bartleby le scribe et Champignac, Un chant de Noël prend alors une autre dimension. Plus moderne et audacieux, ce conte populaire met en scène une femme dans la peau de Scrooge. Là où Ebenezer change du tout au tout après les voyages avec les esprits, il faut plus de temps à Elizabeth. Néanmoins, on la sent plus concernée par les difficultés de ses congénères.
Comme avec Cœurs de ferraille, José-Luis Munera est accompagné aux couleurs par Sedyas. Les planches sont superbes. Il n’y a pas d’artifices superflus dans les pages. Tout est juste et beau.
- Un chant de Noël, une histoire de fantômes
- Auteur :
- Coloriste : Sedyas
- Editeur : Dargaud
- Prix : 17 €
- Parution : 10 novembre 2022
- ISBN : 9782505111559
Résumé de l’éditeur : Londres, 1843. Tous les habitants, les mieux lotis comme les plus démunis, s’apprêtent à fêter Noël. Tous, à l’exception de Scrooge. Aux yeux de cette riche commerçante, insensible au malheur des autres comme à l’atmosphère de liesse qui baigne la cité, seuls le travail et l’argent ont de l’importance. On la dit radine, égoïste et mesquine. Elle préfère considérer qu’elle a l’esprit pratique. Et tandis que les festivités illuminent la ville et le coeur de ses habitants, Scrooge rumine sa misanthropie… Une nuit, des esprits viennent lui rendre visite. Ils l’emmènent avec eux, à la rencontre de la jeune fille qu’elle était, quelques années plus tôt, lorsque la cupidité n’avait pas encore rongé son coeur. Mais aussi à la découverte de celle qu’elle aurait pu devenir si elle avait choisi la voie de la bonté… Après le Bartleby d’Herman Melville, José Luis Munuera adapte librement un autre classique de la littérature anglo-saxonne : Un chant de Noël, de Charles Dickens. Munuera s’empare ainsi d’un des chefs-d’oeuvre de l’écrivain anglais, paru en 1843, et féminise le personnage de Scrooge. Une relecture délicieuse, à savourer pour les fêtes !
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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