Avec Un flic sous l’Occupation, Philippe Richelle et Jean-Michel Beuriot signent chez Glénat le premier tome d’une série sur la Seconde guerre en France. Quand les hommes sont tiraillés entre la soif de justice et l’appât du gain.

Un crime odieux
Emile et Yvonne Borel forment un couple de bourgeois sans histoires qui habitent une maison cossue en région parisienne. Un soir, trois hommes frappent à leur porte. Que leur veulent-ils, eux si paisibles ? Ligotés sur leur lit à l’étage pendant que les « visiteurs » du soir font bombance dans leur cuisine, ils seront bientôt exécutés le lendemain d’une balle de calibre 7.65 , après qu’Émile aura été conduit à sa banque par l’un des trois malfrats pour y vider son coffre…
Ainsi commence Un flic sous l’occupation, le premier opus du nouveau diptyque proposé chez Glénat par Philippe Richelle et Jean-Michel Beuriot. Ces deux-là se connaissent bien. Ils ont notamment signé voici quelque temps chez Casterman un savoureux Voltaire, le culte de l’ironie.

Dans le Paris occupé
Il faut préciser que l’action se situe dans le Paris occupé des années 1940. Un Paris où tout est permis à qui sait s’accommoder de la nouvelle donne. Ainsi ce Lucien Grenier, que les inspecteurs Marsac, Brunet et Mercadier soupçonnent d’être l’instigateur de ce double meurtre.
D’autant qu’avant-guerre, en 1935, un crime analogue à celui-ci avait été attribué à ce Lucien Grenier. Impossible que ce dernier ait récidivé, pensent les policiers puisqu’il a été incarcéré à Fresnes, purgeant une peine de vingt ans de réclusion. Mais on leur apprend bientôt que le tueur a été libéré, « à l’initiative d’un officier supérieur allemand… ».

Reconverti dans les affaires
Depuis qu’il est sorti, Grenier semble avoir totalement changé de vie. Les policiers l’ont « logé » à Neuilly. Grenier les reçoit dans un magnifique hôtel particulier. A en juger par le luxe qui l’entoure, les affaires marchent bien. Interrogé par les enquêteurs sur son emploi du temps le jour du meurtre, il décline toute responsabilité. Il a passé la soirée et la nuit dans les bras d’une jeune femme, Mathilde, qui travaille comme serveuse à Paris. Alors ? L’enquête s’enlise, d’autant que du côté des autorités, on ne semble pas pressé de résoudre cette affaire.

Bureaux d’achats et officines
Dans cette époque pour le moins troublée, les délinquants d’hier ont trouvé chez l’occupant d’aujourd’hui une oreille attentive. Nombreux ont été ceux qui ont « fait carrière » dans les bureaux d’achats et autres officines. Les trafics en tous genres fleurissent et certains succombent au chant des sirènes.
Dans ce contexte, certains policiers et magistrats vont se compromettre. Tandis que Mercadier rechigne à relâcher Grenier, que Marsac joue avec le feu, les « affaires » vont bon train, entre marché noir et petites combines. Justement sous-titré Profit garanti, ce tome 1 campe des personnages tiraillés entre leur sens du devoir et l’attrait d’un argent sale mais facile…

Justice impossible?
Comment rester droit dans un pays où tout a basculé, où bien des valeurs ont été foulées au pied, à la fois par l’occupant et ceux qui le soutiennent ? C’est l’une des questions que pose ce polar bien ficelé. Évoluant dans des décors soignés, les personnages de Beuriot ne sont pas sans rappeler des tronches à la Tardi, réhaussées par la palette de couleurs d’Albertine Ralenti.
Le tout se lit avec plaisir. On attend avec impatience le second volet de ce flic sous l’occupation.
- Un flic sous l’Occupation (Tome 1)
- Scénario : Philippe Richelle
- Dessin : Jean-Michel Beuriot
- Couleurs : Albertine Ralenti
- Editeur : Glénat
- Prix : 17, 50 €
- Parution : Octobre 2025
- Nombre de pages : 56
- ISBN : 9782344058565
Résumé de l’éditeur : Dans le Paris occupé des années 1940, les inspecteurs Marsac, Brunet et Mercadier enquêtent sur un double meurtre sordide. Les victimes : un couple de personnes âgées cambriolées et abattues froidement. Les circonstances de ce crime rappellent étrangement à Marsac le mode opératoire d’un tueur, Lucien Grenier, qu’il avait arrêté avant la guerre. Il ne tarde pas à découvrir que Grenier, libéré par les Allemands, mène une vie confortable à Neuilly en travaillant pour le compte de l’Occupant. Dans une France divisée, Grenier n’est pas un cas isolé. De nombreux repris de justice sont recensés dans les « officines » allemandes. Face à cette situation, certains, comme le commissaire Fleury de la police judiciaire, préfèrent démissionner. Mais pour ceux qui restent, comme Marsac et ses deux collègues la tâche s’annonce difficile. Tandis que l’affaire s’enlise, Paris connaît des heures sombres. Et ceux qui ne subissent pas la situation en profitent pour s’enrichir… Toutes sortes de trafics fleurissent. Dans ce contexte, Mercadier se retrouve tiraillé entre son devoir et ses propres convictions tandis que Marsac joue un jeu dangereux. Lui qui menait jadis une lutte acharnée contre le grand banditisme se retrouvera bientôt à la merci de Lucien Grenier. Contre toute attente, ce dernier a un marché à lui proposer…
Après Secrets Bancaires, Les Mystères de la République et Affaires d’État, Philippe Richelle retrouve Jean-Michel Beuriot, avec qui il a réalisé la magnifique saga Amours Fragiles, pour une nouvelle série poignante qui nous invite à réfléchir sur les choix et les conséquences en temps de guerre. À une époque où la collaboration avec les forces d’occupation et la Résistance sont une réalité quotidienne, la tension est palpable dans ce premier tome qui nous offre une plongée plus vraie que nature dans les affres de la Seconde Guerre mondiale.
À propos de l'auteur de cet article
Jean-Michel Gouin
Passionné par l'écrit, notamment l'histoire, la littérature policière et la bande dessinée, Jean-Michel Gouin a été journaliste radio et presse écrite pendant une trentaine d'années à Poitiers.
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