À l’occasion de la sortie de Talion, opus 1 Racines, édité chez Glénat, l’auteur des Métamorphoses 1858 est venu nous parler de son dernier album. Un entretien avec Sylvain Ferret, qui s’est tenu le 12 janvier 2022, lors du live diffusé sur la page Instagram de Yoann Debiais @livressesdesbulles.
Pour ce { En Bref }, nous avons retenu quelques phrases pour vous faire découvrir Sylvain Ferret et son dernier Album Talion.
« Ça c’est un peu mon histoire d’auteur de bandes dessinées… Quelqu’un qui veut faire de la bande dessinée et qui fait des jobs alimentaires pour continuer. En partie dans le graphisme, la publicité, la décoration publicitaire, bosser sur les chantiers. Voilà ! »
« Sur Talion, j’ai mis deux mois pour les storyboards et après 10 mois pour faire un album parce qu’on est sur la même pagination que sur Les métamorphoses. On est à 64 pages. On a mis au frigo les deux tomes avant de sortir le premier. »
« C’est surtout que l’édition fonctionne comme ça aujourd’hui . Il faut attendre un an, un an et demi pour un album. Maintenant c’est quelque chose que les auteurs, et en particulier les nouveaux auteurs, ne peuvent plus vraiment se permettre. »
« Je dessinais beaucoup mais pas que de la bande dessinée et je n’étais pas très méticuleux. Je ne suis pas le genre, qui à 8 ans fait des planches entières et raconte des histoires. Non des strips un peu affreux sur des bouts de papier. »
« J’ai toujours voulu faire de la bande dessinée. Peut-être parce que je voulais raconter des histoires mais je n’en écrivais pas. La bande dessinée, c’est toujours resté là. J‘ai un peu du mal à m’expliquer pourquoi. Je me suis juste monté le bourrichon tout seul en grandissant. »
« J’ai toujours voulu écrire, voulu raconter des histoires. C’est venu vraiment assez tôt. Je crois que mon premier projet était en fait une espèce de proto de Talion en nul, vers 16-17 ans. »
« Quand j’ai une idée, je sais pas si c’est de la fierté ou pas, mais je la garde et je continue. Donc, ça m’a pris dix ans parce que j’ai signé à 27 ans ma première bande dessinée Les métamorphoses 1858. Et Talion, je n’en parle pas, j’avais 30 ans. »
« J’ai commencé à écrire Talion mais j’avais du mal à imaginer la bande dessinée comme un truc que je ferais en collaboration, en tout cas pour le moment. Je voulais vraiment écrire et j’ai vraiment charbonné pour écrire tout en dessinant…Pour moi, c’est plus de liberté, plus de facilités. »
» Ça a vraiment été très difficile et ça me prenait un temps fou de me caler sur la narration de quelqu’un d’autre. J’écris un traitement en non dialogué. Je fais mon storyboard directement avec ça et je dialogue en même temps. Donc j’écris dans ma bulle et ça me fait gagner un temps monumental. »
« Le plaisir d’écrire, d’inventer des histoires, c’était vraiment ça. À se demander si ce n’est pas vraiment ma première envie, presque plus que le dessin. Aujourd’hui, si je devais choisir, je pense que ça ne me dérangerait pas d’écrire pour quelqu’un. Mais dessiner pour un script détaillé, c’est plus difficile. »
« Aujourd’hui en bande dessinée, je lis beaucoup de choses. Je pense que toute la culture japonaise m’a vraiment siphonné le cerveau pendant longtemps. Le manga, j’en ai lu beaucoup. Principalement du shônen, adolescent. J’ai commencé à m’intéresser au franco-belge plutôt en fin d’adolescence. Et encore maintenant, j’ai plein de classiques qui manquent. »
« Le franco-belge m’est tombé dessus parce que j’habite en France et que c’était la porte d’entrée pratique pour faire de la bande dessinée. Mais ce n’est pas un format pour lequel j’ai une nostalgie particulière. »
« Pour de la bande dessinée de genre, c’est encore le format de prédilection. Et à mon niveau aujourd’hui, en commençant la bande dessinée, trois fois 64 pages c’est déjà pas mal. Après on peut espérer augmenter la pagination plus tard, sur d’autres projets. Mais oui, c’est très compressé comme format. »
« Si on veut vraiment de la liberté narrative, se permettre des grosses phases contemplatives, c’est très difficile. Moi qui aime dessiner l’action, on ne peut pas se taper trois pages sur une bagarre. Même si j’adore ça, parce que c’est mon délire. Mais c’est une page de scénario perdue, c’est beaucoup. Il faut que ça raconte quelque chose. »
« Talion, c’était vraiment dans ma tête. Une espèce de rêve d’une grande quête où on parcourt le monde, avec des grosses intrigues géopolitiques. Mais c’est un truc qui s’est modifié avec le temps. Ça ne veut pas dire que j’en suis frustré. J’en suis même plutôt content que finalement ça ressemble à ça. »
« Quelques auteurs peuvent vraiment bien vivre de leur taf en faisant de très gros formats avec des grosses paginations mais ils ne sont pas nombreux. Après il faut faire avec son modèle, trouver le bon format et puis avancer. Et les contraintes font toujours naître des trucs positifs. »
« La création, ça fout toujours le stress. On est toujours baigné dans le doute. Ça peut être positif, ça peut être négatif, ça dépend des moments. Mais non je n’ai pas peur, j’essaie de toujours rester en mouvement, de toujours être productif. Je suis un peu obstiné donc je suis toujours en train de faire quelque chose. Je commence à stresser quand c’est fini. »
« J’aime bien la typographie. J’ai été graphiste donc j’aime bien utiliser le lettrage pour décorer. Bien entendu, j’ai créé ma propre police dans Talion. C’était marrant à faire même si c’est pas mal de soucis. Mais je l’ai et je l’utiliserai sur tous mes albums. »
« Le tome 2 va plus se concentrer sur la recherche d’énergie et sur d’autres sujets que je ne vais pas trop spoiler. Ça va même parler de nos comportements politiques dans l’effondrement. C’est-à-dire le nationalisme, le repli sur soi. Bien sûr c’est un sujet qui m’inquiète. »
« Le deuxième tome sortira en juillet et le troisième normalement en début d’année prochaine (2023). Je l’attaque en mai et après il me faudra un an. »
« Je n’ai aucune formation d’encrage, j’ai presque tout fait en autodidacte. La technique, je ne l’ai pas, donc je ne me sens pas vraiment légitime à faire un album en tradi. Le numérique a toujours été mon premier outil, celui qui m’a fait rentrer dans la bande dessinée. Quand on sait faire quelque chose, c’est bien aussi d’essayer de le faire du mieux possible et de continuer à performer plutôt que de partir dans autre chose. »
Merci beaucoup Sylvain Ferret d’avoir pris du temps pour venir nous parler de ton album Talion.
CET ENTRETIEN ET SA RETRANSCRIPTION ONT ÉTÉ RÉALISÉS DANS LE CADRE DU LIVE QUI S’EST TENU MERCREDI 12 JANVIER 2022 SUR LA PAGE INSTAGRAM DE YOANN DEBIAIS @LIVRESSEDESBULLES .
- Talion, opus 1 Racines
- Auteur : Sylvain Ferret
- Éditeur : Glénat
- Prix : 15,50 €
- Parution : 12 Janvier 2022
Résumé de l’éditeur : « Apprendre implique de souffrir… ». Le monde vit son dernier effondrement écologique. La Vermine s’insinue partout, dans la chair et la terre, dans le sang et dans l’air. La cité de ForenHaye, dernier bastion humain du royaume de Talion, lutte péniblement contre la violence de cette maladie du vivant. Et tandis qu’au-dessus du nuage de pollution, à la cime de la citadelle, les nobles survivent grâce à l’eau dépolluée, dans les bas-fonds des quartiers Racines, les plus démunis peinent à s’approvisionner en eau potable, jusqu’à en perdre l’esprit. Fille privilégiée des régentes des Racines, Billie, intrépide, aide les laissés-pour-compte en détournant les ressources réservées à une noblesse décadente qui attend impatiemment la mort de son roi Sirius Talion, monarque éteint d’une dynastie frappée d’infamie. Dans le même temps, Tadeus, un vagabond mystérieux, arpente continuellement les ruines souterraines de l’ancienne cité, menant des expériences pour la création d’un remède au mal qui ronge l’environnement. La rencontre de ces deux âmes complexes, de l’espoir et de la culpabilité, va peut-être permettre de réouvrir le dialogue avec une nature à l’agonie. Avec Talion, ambitieuse trilogie « cyberpunk gothique», Sylvain Ferret ouvre les portes d’un monde imaginaire, miroir du nôtre au reflet d’anticipation noire et tragique. Nourri par les enjeux écologiques et technologiques de notre temps, ce voyage initiatique, humaniste sans être manichéen, donne la part belle à des environnements riches et vertigineux.
À propos de l'auteur de cet article
Claire & Yoann
Claire Karius @fillefan2bd & Yoann Debiais @livressedesbulles , instagrameurs passionnés par le travail des auteurs et autrices de bandes dessinées, ont associé leurs forces et leurs compétences, pour vous livrer des entretiens où bonne humeur et sérieux seront les maîtres-mots.
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