Interview avec Tom Gauld VF

Durant le dernier Festival international de la Bande dessinée à Angoulême, nous avons eu la chance de pouvoir parler avec Tom Gauld de son travail. Voici ce que nous a dit l’auteur britannique de La revanche des bibliothécaires.

Tom Gauld, quelles étaient vos relations avec la presse avant de commencer à y travailler ?

J’ai toujours eu des liens avec la presse, parce que quand j’ai quitté l’université, je faisais des bandes dessinées pendant mon temps libre.

Je gagnais ma vie comme illustrateur. J’ai travaillé pour The Guardian et le New Scientist comme illustrateur avant de travailler pour eux comme dessinateur.

Quand je faisais des bandes dessinées, je les envoyais à mes éditeurs et leur disais :

“ Appréciez-les, peut-être qu’un jour je ferai un album.”

Couverture Département des théories fumeuses

Qu’est-ce qui est galvanisant quand on dessine un strip ?

J’ai toujours aimé dessiner. Enfant, je passais la moitié de ma vie assis sur le sol à dessiner et probablement l’autre moitié à lire des bandes dessinées. J’ai toujours pensé que je voulais être auteur de bandes dessinées plutôt qu’écrivain. J’imaginais que je ne serais pas assez bon pour écrire une histoire. Je pensais trouver quelqu’un pour écrire les mots et je dessinerais alors les images.

Quand j’ai suivi des cours dans une école d’Art, j’ai eu des amis qui faisaient des mini-comics. J’ai commencé à les lire. J’ai ensuite raconté mes propres histoires et au fil du temps, j’ai réalisé que c’était presque aussi amusant que de les dessiner.

Avez-vous fabriqué vos propres fanzines ?

Je n’en ai fait aucun, mais j’ai découvert ceux faits par certains de mes amis. J’ai fait certains travaux auto-publiés, mais c’était plus tard.

« Faire régulièrement des petits strips convient quelque part plutôt bien à ma personnalité. »

Comment gère-t-on son temps quand on doit faire des strips très régulièrement pour un journal ?

Faire régulièrement des petits strips convient quelque part plutôt bien à ma personnalité. J’ai trouvé ma deadline quotidienne, le mardi ou le mercredi et je dois finir mon travail pour cette date. Je trouve que ça m’aide à me concentrer et ça me permet de ne plus être trop perfectionniste. Trouver une idée, la rendre la meilleure possible, ça fonctionne bien et ça m’aide à trouver par la suite d’autres idées.

Couverture En cuisine avec Kafka

Avoir une deadline chaque semaine est important pour vous ?

Je trouve que c’est plus facile de faire un album comme cela toutes les semaines et de stocker des récits. Actuellement, je travaille sur un roman graphique et je trouve cela plus difficile. C’est plus facile de faire émerger des petites idées.

« J’aime travailler sur des longues histoires et je voudrais en faire plus, mais je suis un terrible procrastinateur. »

C’est la façon de travailler que vous préférez ?

C’est la façon la plus confortable pour moi, mais j’aime tant la forme du roman graphique que j’ai envie d’essayer même si c’est plus compliqué.

J’aime travailler sur des longues histoires et je voudrais en faire plus, mais je suis un terrible procrastinateur. J’ai passé des mois à réfléchir à ce nouveau roman graphique, mais je n’ai même pas commencé à travailler dessus.

Certains auteurs de bandes dessinées sont-ils des inspirations pour vous ?

Des centaines. Pour les petits strips humoristiques, je dirais que ma plus grosse influence est Gary Larson. Ses bandes dessinées étaient publiées dans mon journal local lorsque j’étais enfant. J’aimais tellement cet humour amusant et si réel. Je découpais tous ses strips et je les rangeais dans une boîte à lettres. Quand j’ai commencé mes propres strips humoristiques, il y avait des similarités avec celles de Larson.

Et de nombreux autres. Quand j’étais en école d’art, j’ai découvert le travail d’Edward Gorey. Ça a été une grande influence et un grand changement pour moi. La façon dont il créait ses histoires ce n’était pas vraiment des bandes dessinées, mais il en utilisait la plupart des codes.

Couverture vous êtes tous jaloux de mon jetpack

Pensez-vous qu’il y a des différences entre l’humour britannique et l’humour français ?

C’est une question difficile, parce que j’ai grandi avec l’humour britannique. C’est comme ressentir qu’on n’a pas d’accent. On me pose cette question de l’humour britannique quand je suis à l’étranger. Je ne suis pas sûr de pouvoir le définir, mais on peut être drôles en gardant un visage impassible. Je pense qu’il y a un peu de ça.

« Quand j’ai commencé à faire des albums de mes strips, je n’imaginais pas qu’ils se vendraient aussi bien en dehors du monde anglophone. »

Comment pouvez-vous expliquer que les lecteurs français soient fans de votre humour ?

Je pense que c’est en partie dû à Éric Fontaine, mon traducteur, et aux Éditions 2024. Ils travaillent tous très dur pour traduire mon humour. Quand j’ai commencé à faire des albums de mes strips, je n’imaginais pas qu’ils se vendraient aussi bien en dehors du monde anglophone. J’ai vu combien c’était difficile de traduire l’humour et les références culturelles.

Pour mon éditeur espagnol Salamandra et mon éditeur en langue allemande Edition Moderne, c’est également un travail difficile, mais j’en suis ravi.

Travaillez-vous avec votre traducteur français ?

Un peu, même s’ils se débrouillent très bien par eux-mêmes. Mais à chaque fois, ils doivent supprimer un ou deux strips qui ne peuvent pas être traduits. Quand le jeu de mots est axé sur la grammaire anglaise et que ce n’est pas traduisible en français. Ou quand c’est une référence spécifiquement britannique.

Dans l’album en français, il y a un ou deux strips qui sont différents de la version anglaise. Avec Netflix et internet, je pense qu’on est tous plus habitués à l’humour des autres cultures. Ça nous surprend moins.

Couverture Goliath

Avez-vous  une relation forte avec le monde de la littérature et des sciences ?

Parfois, j’ai l’impression d’être un peu un fraudeur quand je réponds à une interview comme celle-ci. Parce que vous pourriez imaginer que je passe ma vie entière dans une bibliothèque, à lire et à faire des recherches. J’aime vraiment lire, mais mon travail pour The Guardian est de faire des strips sur la littérature. Si je n’avais pas ce job, j’en ferais, mais pas un chaque semaine.

Mon travail au Guardian et au New Scientist ne me demande pas d’être aussi intelligent que les auteurs ou les scientifiques. Mon travail c’est d’être amusant, d’une manière respectueuse, comme pour un ami que tu taquines, mais que tu aimes vraiment.

Vous ne voulez pas blesser qui que ce soit ?

Je suis trop lâche pour ça parce que j’ai peur qu’on vienne me frapper. Généralement c’est de la satire, mais ce n’est pas méchant.

Couverture Police lunaire

Pour vous, l’ordinateur est-il le parfait outil pour gagner du temps dans votre travail ?

J’utilise toujours l’ordinateur pour la colorisation. Je fais la plupart de mes dessins dans un carnet, j’en ai toujours un petit avec moi.

Je travaille au crayon pour les esquisses et au stylo sur papier. J’utilise beaucoup la tablette lumineuse, je trace jusqu’à ce que j’obtienne ce que je désire. Enfin pour la couleur, j’utilise Photoshop.

Aimeriez-vous utiliser autre chose pour la couleur ?

J’étais à Paris avant de venir ici et je suis allé à l’exposition de Blutch. Il a fait la couleur de son nouvel album à l’aquarelle. Et c’est tellement beau. J’étais un peu jaloux car je suis mauvais à la couleur parce que je suis daltonien. Donc l’ordinateur, c’est mieux pour moi. Ainsi je peux coloriser et recommencer. J’aimerais faire de l’aquarelle mais je n’ai pas cette aptitude.

La revanche des bibliothécaires

Vos dessins ont la même taille que dans vos livres ?

Je dessine un tout petit peu plus grand. Quand j’ai commencé la bande dessinée, je ne connaissais aucun dessinateur professionnel. Je ne savais pas qu’ils dessinaient les choses en grand, puis les réduisaient. Je pensais que tout le monde dessinait en petit. J’ai donc pris l’habitude de dessiner à la même échelle. Ça m’évite d’être un perfectionniste comme un robot et ça ressemble à du fait main.

Tom Gauld, y a-t-il autre chose que vous voudriez ajouter avant de terminer cette interview ?

Je n’ai pas de nouvelle sortie d’album en vue. L’année dernière, après Angoulême, j’ai fait beaucoup de voyages, quand ce livre et mon livre pour enfants sont sortis. Cette année, j’ai prévu de rester à Londres et de travailler sur mon nouveau roman graphique. Dites-le à tout le monde, ça m’obligera à le faire !

Couverture Le petit robot de bois et la princesse bûche

J’ai des idées, mais je dois en choisir une et travailler. Je ne sais pas encore ce que ce sera. Je pense que je travaillerai encore avec les Éditions 2024 et mon équipe de très bons éditeurs en Europe.

Merci beaucoup Tom Gauld pour le temps que vous avez passé avec nous pour répondre à nos questions.

Interview réalisée durant le festival d’Angoulême 2023 par Damien Canteau et Claire Karius.
Mise en page par Damien Canteau et Claire Karius
Traduction et retranscription par Claire Karius.
Article posté le samedi 22 avril 2023 par Comixtrip

La revanche des bibliothécaires de Tom Gauld (éditions 2024)
  • La revanche des bibliothécaires
  • Auteur : Tom Gauld
  • Traducteur : Eric Fontaine
  • Éditeur : 2024
  • Prix : 17 €
  • Parution : 16 septembre 2022
  • ISBN :  9782383870234

Résumé de l’éditeur : Sous l’œil hautain d’un chat impassible, l’auteur avance, hésitant, essayant — vainement — d’échapper aux affres de la Création pour trouver le chemin du succès ! Pendant ce temps, l’éditeur travaille d’arrache-pied sur de nouveaux concepts : poésie pratique ; théories conspirationnistes de plages ; classiques résumés pour lecteurs pressés ! Le libraire, lui, tient bon la barre entre les avalanches de cartons et les demandes impossibles de son alter-ego infernal : le lecteur. Et les bibliothécaires ? ils poussent leur chariots, sans bruit, seuls à savoir qu’ils dominent dans l’ombre ce petit monde qui s’agite en vain. À grands coups de diagrammes abscons, de schémas absurdes et de strips hilarants, c’est le grand portrait du petit monde du Livre que Tom Gauld nous brosse ici, avec humour, finesse et intelligence ! Moins tatoué qu’Augustin Trapenard mais pas moins drôle que Bernard Pivot, Tom Gauld est publié chaque semaine dans le cahier littéraire du Guardian et il s’est imposé, en quelques années, comme l’un des auteurs incontournables du monde Anglo-saxon. Avec ce nouvel album, il nous offre de quoi réveiller notre rentrée littéraire… Lectrices, lecteurs, amoureux des livres de tout poil : voici votre nouveau livre de chevet !

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