Sixtine, tome 2

En passe d’être expulsées de leur maison, Sixtine et sa mère font les cartons et le moral n’est pas au beau fixe. Alors qu’elle veut toujours connaître ses racines, la jeune adolescente est menacée par une mystérieuse ombre. Frédéric Maupomé et Aude Soleilhac dévoilent le deuxième tome de Sixtine, une série vraiment au top !

Depuis le décès de François – le père – la famille Vernon a beaucoup de difficultés financières. La mère de Sixtine n’arrive pas à combler les dettes et les huissiers ont procédé à la saisie de la maison. Les cartons s’accumulent avec les souvenirs qu’ils charrient comme celui que prend l’adolescente pour en savoir plus sur le passé de son papa.

Elle découvre avec étonnement un livre Ma vie avec les fantômes qui le fascine. Malgré les réticences de ses pères-fantômes, elle est heureuse d’en apprendre plus sur les spectres.

Martin, son ami, lui sert même de porte-monnaie pour aller acheter des livres sur le sujet dans une boutique spécialisée. Elle rencontre le propriétaire et mieux elle voit un autre fantôme dans cette librairie. La pile des bouquins est importante, de quoi assouvir la soif de connaissance de Sixtine ?

Alors que le premier volet de Sixtine nous avait emballé et charmé, ce deuxième tome est tout aussi prenant ! Le récit de Frédéric Maupomé est intelligent parce qu’il utilise à bon escient l’écrin du fantastique pour parler de sujets contemporains. Comme avec Supers, il imagine une histoire autour de l’adolescence et de ses affres (la construction de la personnalité, l’affirmation de soi, le regard des autres, les premiers émois). En choisissant une héroïne, il peut amplifier ces thématiques. Positive, pas très studieuse, sportive et ne se laissant jamais marcher sur les pieds (elle peut se battre pour défendre l’honneur de sa mère), Sixtine est une adolescente moderne et vivante. Elle n’a que faire de son apparence et ne cultive pas ses différences. Elle est comme elle est, point !

En véritable quête de ses racines – son père est décédé – elle peut compter sur un trio de fantôme un peu crétins mais tellement humains pour la faire avancer dans la vie. Ils sont la figure paternelle qu’elle n’a pas, protecteurs et anges-gardiens.

Aude Soleilhac présente d’ailleurs Sixtine comme « une adolescente qui a grandi sans son père, avec sa mère et qui a été «élevée» par trois fantômes de pirates, qui sont un peu crétins (rires). Par eux, elle a hérité de ce côté un peu casse-cou. Ce n’est pas quelqu’un qui est dans la norme – j’aime beaucoup cela – elle est androgyne et pour elle, l’apparence cela n’est pas important.

Elle a surtout beaucoup moins peur que la plupart des adolescents de son âge, elle se moque du «qu’en-dira-t-on», cela ne la dessert pas d’être à part. Elle est positive mais possède aussi ce charme de la naïveté. Elle est accompagnée par des amis qui eux ont bien les pieds sur terre. » (interview pour Comixtrip le 23/08/17).

Elle peut aussi compter sa mère aimante. L’intelligence du récit du scénariste de Anuki réside aussi dans la précarité dans laquelle la famille Vernon se trouve. Comme Philippine Lomar habitant avec sa mère sourde dans une HLM de Amiens ou le trio de Supers caché par des SDF, Sixtine et sa mère font face à un fléau très présent de nos jours, celui de la pauvreté. Rarement mis en avant dans les bandes dessinées jeunesse, il faut souligner que ce sujet est toujours abordé de façon pudique et optimisme par Frédéric Maupomé. D’ailleurs, l’adolescente le dit très bien : « Je m’en fiche qu’on soit pauvres. Je suis juste contente qu’on ne quitte pas notre maison ». Un moment fort et poignant !

Comme nous le confiait le scénariste à Saint-Malo en octobre dernier dans un entretien : « Je trouve que ce qu’a apporté Aude à Sixtine, c’est très beau. Elle n’est pas super jolie et plutôt androgyne. Elle l’a fait évoluer dans le bon sens. Elle avait complètement raison quand elle m’a fait voir ses recherches. » Et on ne peut qu’être d’accord avec lui. Sixtine ce sont deux très beaux albums !

Si les dialogues sont souvent drôles, Aude Soleilhac apporte aussi son lot d’humour par un dessin tout en rondeur, notamment à travers les trois pirates fantômes. Cette aventure pertinente et accrocheuse bénéficie de tout le talent graphique de l’autrice angoumoisine. On apprécie aussi  la grande expressivité dans le visage des protagonistes.

Sixtine : c’est moderne, vivant, intelligent, drôle, tendre, fantastique et beau ! On adopte toutes et tous Sixtine !

Article posté le samedi 29 septembre 2018 par Damien Canteau

Sixtine 2 de Frédéric Maupomé et Aude Soleilhac (La Gouttière)
  • Sixtine, tome 2 : Le chien des ombres
  • Scénariste : Frédéric Maupomé
  • Dessinatrice : Aude Soleilhac
  • Editeur : La Gouttière
  • Prix : 13.70€
  • Parution : 28 septembre 2018
  • ISBN: 9791092111781

Résumé de l’album :  En pleine préparation de cartons pour le futur déménagement, Sixtine tombe sur une boîte ayant appartenu à son père, contenant plein de vieux films, de vieux romans et de souvenirs. La jeune fille est notamment attirée par un livre s’intitulant « Ma vie avec les fantômes » et passe sa nuit à le dévorer. Ses trois amis-pirates Igor, Archembeau et Tranche-Trogne ne sont pas loin et ne voient pas cette découverte d’un très bon œil. Serait-ce (de nouveau) le début des ennuis pour Sixtine ? Ou va-t-elle enfin en apprendre davantage sur ses origines ?

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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