Nos yeux fermés

Ichitarô, non-voyant, découvre un nouvel environnement lorsqu’il s’installe chez sa tante. Il croise la route de Chihaya, une jeune femme mal dans sa peau, et va lui redonner foi en la vie. Akira Sasô imagine leur rencontre dans Nos yeux fermés, un manga optimiste et touchant.

LE MONDE AU BOUT D’UNE CANNE

Depuis peu, Ichitarô vit avec sa tante qui tient un petit café-restaurant en dehors de la ville. Le jeune homme est déficient visuel depuis sa tendre enfance. Malgré les recommandations de sa parente, il décide d’aller explorer les alentours armé de sa canne blanche. A chaque fois qu’il croise des personnes – comme par magie – elles se sentent tout de suite bien. Son bonheur rejaillit sur les autres.

A l’autre bout de la ville, c’est le branle-bas-de-combat chez Chihaya. Jeune majeure, elle vit seule avec son père alcoolique. Sa mère partie, elle doit non seulement s’occuper de l’entretien de la maison, de son géniteur incapable de faire quoique ce soit et apporter de l’argent pour le foyer. Pour cela, elle enchaine plusieurs petits jobs : nettoyer les sanitaires d’un hôtel ainsi que le service dans un petit restaurant dont le patron ne la paie pas.

RENCONTRE AU SOMMET

Alors que Chihaya court dans le métro pour rejoindre le restaurant où elle travaille, elle bouscule Ichitarô dans les escalators. Sa canne blanche tombe mais elle ne se retourne même pas pour l’aider et la ramasser.

Après sa journée et alors qu’il pleut, la jeune femme s’arrête dans un konbini (supérette ouverte 24h/24) pour acheter quelque chose qui pourra la caler. En sortant, elle est étonnée de voir derrière elle, le jeune aveugle. Il l’a reconnu par le bruit que font ses chaussures à la semelle qui se décollent.

Les jours suivants, en le faisant exprès, Ichitarô se retrouve sur le chemin de Chihaya et il commence à entrer de plus en plus dans sa vie, la rendant plus douce et lui distillant un peu de bonheur dans son existence si délicate…

ET SI LE BONHEUR ÉTAIT AU BOUT DE LA CANNE ?

Prépublié au Japon à partir de 2014 dans la revue Gekkan Action des éditions Futabasha, Nos yeux fermés (Hana ni Tohitamae) est un excellent seinen. Ce très beau roman graphique de Akira Sasô inverse les rôles : c’est le porteur de handicap qui respire la joie de vivre, qui apporte le bonheur alors que la valide n’est pas bien dans sa vie.

Ichitarô et Chihaya – malgré de nombreuses différences – vont se trouver, s’entraider et voir leur amitié se transformer en amour. Déficient visuel, le premier n’hésite pas à aller vers les autres, extraverti et respirant la joie de vivre, tandis que la seconde n’a pas une vie facile, est toujours en colère contre son environnement et les gens qui sont dans son existence.

Akira Sasô imagine des personnages secondaires autour de son duo : la tante, le père, le patron détestable mais aussi les petites mamies qui viennent au restaurant de la tante. Pour pimenter son récit, l’auteur – professeur de manga à l’université de Kyoto – apporte de l’instabilité concernant l’établissement de la tante d’Ichitarô, celui-ci est menacé.

NOS YEUX FERMÉS : ACCEPTER LES DIFFÉRENCES

Hymne au partage, à l’entraide, à l’amitié, Nos yeux fermés est aussi une belle histoire d’amour entre Ichitarô et Chihaya (même si cela n’est pas le thème principal de l’intrigue). Le manga invite ainsi ses lecteurs à voir autrement qu’avec ses yeux. Se contenter des petits riens de nos vies qui font un grand tout mais aussi accepter les différences et les handicaps.

A travers ce récit de 280 pages, il dépeint aussi les difficultés d’avoir un handicap au quotidien. Tous les gestes simples de la vie (demander son chemin, prendre le métro…) deviennent de vrais obstacles pour les déficients visuels.

Pour être le plus fidèle à la réalité, Akira Sasô a interrogé les enseignants de l’Ecole pour aveugles de Kyoto. Pour appuyer son récit, il peut compter sur sa partie graphique douce. Son dessin réaliste est composé d’un trait d’une belle force.

Après Hello Viviane & Au gré du vent de Golo Zhao, Forget sorrow de Bell Yang et Fossiles de rêves de Satoshi Kon, les éditions Pika poursuivent leur travail d’édition de leur collection Pika Graphic avec Nos yeux fermés mais aussi Dragon head de Minetaro Mochizuki.

Article posté le jeudi 20 avril 2017 par Damien Canteau

Nos yeux fermés de Akira Sasô (Pika) décrypté par Comixtrip le site BD de référence
  • Nos yeux fermés
  • Auteur : Akira Sasô
  • Editeur : Pika, collection Pika Graphic
  • Prix : 16€
  • Parution : 12 avril 2017

Résumé de l’éditeur : La vie n’est pas tendre avec Chihaya… Et elle le lui rend bien. Un jour, son pied heurte accidentellement la canne d’Ichitarô, un non-voyant. À partir de cet instant, ce jeune homme à la joie de vivre communicative va tout faire pour entrer dans la vie de Chihaya et lui faire voir le monde autrement.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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