Atchoum !

 Naoki Urasaya nous épate. Avec Pluto, avec 20th century Boys, avec Monster. Avec sa nouvelle série : Asadora ! Il nous épate, et Atchoum ! l’anthologie Urasawa vient conforter notre ébahissement face à son univers. Drôle ou dramatique. Parfois les deux.

Atchoum ! / éternuement / kushami : S’échappe de manière impromptue. Désigne les histoires courtes, par opposition aux histoires longues sérialisées. Déforme temporairement tout visage, même celui des plus belles femmes.

Damiyan

Première nouvelle de cette anthologie, Damiyan est décalé de tout. Nous rencontrons Kômoto, mafieux paternaliste qui aimerait bien juste aller avoir son fiston à la course de la fête de l’école. Mais la mafia, c’est compliqué, surtout quand un patron essaye d’en tuer un autre. C’est encore plus compliqué quand l’arme du crime est un géant mué aux capacités télépathiques incompréhensibles. C’est un brin dramatique, c’est aussi parfaitement absurde, et surtout, c’est tendre. Parce-que c’est un peu le combat d’un papa raté qui aimerait bien être à la hauteur pour son fils.

Vise la Lune !

Un gamin rencontre un type pas net un jour où il vole des pommes. Le type pas net lui annonce qui obtiendra le prix Pulitzer, la récompense suprême pour un journaliste, s’il fait ce qu’il lui dit. S’en suit une explication énigmatique dénuée de sens pour le gamin de 10 ans qu’est Jessie. Mais ainsi soit-il. Des années plus tard, le gamin est bel et bien devenu journaliste. Mais il est loin du prix Pulitzer. Jessie s’occupe de la chronique nécrologie dans un journal de bas étage. Il est convaincu que le vieil homme s’est moqué de lui. Puis voilà qu’un jour, il reçoit l’avis de décès de cet homme pas net, avec une semaine d’avance. C’est l’élément déclencheur qui pourrait bien apporter du sens à la rencontre étrange qui a guidé sa vie.

Vise la Lune ! est le résultat d’une énième collaboration entre Takashi Nagasaki (Master Keaton, Monster) et Naoki Urasawa (Master Keaton, Monster) à l’occasion du 10e anniversaire du prix culturel Osamu Tezuka. Une réunion entre les deux hommes, café au bec, et cela suffit pour créer une nouvelle dense et cocasse. Efficace, le duo.

Les vieux gars, Musica Nostra

Atchoum ! c’est aussi de la musique. Beaucoup de musique. Parce qu’il semblerait que l’univers de Naoki Urasawa tourne beaucoup autour de la musique. Et puis, pas n’importe laquelle : Le son pop-rock des années 60-70. Les Beatles, Bob Dylan, Led Zeppelin…

Avec ces deux nouvelles, Naoki Urasawa nous emmène dans sa propre vie. Il nous emmène en salle de concert, capture un instant de laisser-aller heureux, nous emmène à Los Angeles et nous partage ses rencontres avec des musiciens incroyables. C’est une plongée dans le son de L.A, à la rencontre du Sunset Studio et des drôles de hasard de la vie. D’ailleurs, vous imaginiez que Ringo Starr utilisait des émojis ?

It’s a Beautiful day

C’est une de ces histoires un peu flottantes qu’on attribue souvent qu’à la fiction. Mais parfois, ces moments incongrus surviennent dans notre quotidien, furtivement. Cette histoire, c’est celle que Kenji Endo, alias Enken, un musicien emblématique de la folk japonaise, raconta à Naoki Urasawa.

Lors d’une tournée avec les musiciens Inoue, Takada et le groupe Garo, ils décident de s’arrêter dans une bicoque qui propose un spectacle dénudé. Mais la danseuse leur réserve une surprise biscornu : Un serpent. Elle danse avec un serpent. Façon Alice Cooper mais plus sexy.

Après une soirée plus effrayante que prévu, ils se retrouvent face à une nouvelle surprise lorsque le lendemain, sur les bords d’un canal plein de verdure, Inoue, Takada et Enken croisent cette même danseuse, un chapeau délicatement posé sur ses cheveux noués, poussant un landau, la robe au vent. Cette image, suspendue dans l’espace et le temps, est comme la pochette du 33 tours « It’s a beautiful day ».

Les mots que Naoki Urasawa destine à Kenji Endo à la fin de la nouvelle sont d’une douceur mélancolique qui nous tire un sourire triste.

Henry et Charles

Histoire de deux souris désirant un gâteau au fraise posé au-dessus d’un chat endormi. La nouvelle, initialement publiée dans un magazine pour enfant, est tout en couleur. Son style aquarelle nous immerge tout de suite dans la cuisine du forfait d’Henry et Charles. Charles veut le gâteau pour sa belle et n’écoute pas du tout Henry qui lui dit que c’est trop dangereux. Mais Henry a toujours aimé raconter des voles de nourriture miraculeux face à des lions et des tigres. Bien sûr, c’est un menteur froussard. Finalement, c’est peut-être parce qu’Henry est froussard qu’il peut rattraper la moindre bourde de Charles l’inattentif.

C’est une petite histoire drôle car les rôles des deux personnages sont finalement complètement inversés par rapport à la façon dont ils se présentent.

Le Royaume des Kaijû

Les Kaijû ce sont ces monstres godzillesques qui ont envahi la pop-culture japonaise dans les années 70. Dans Le Royaume des Kaijû, l’auteur considère qu’ils ont véritablement existé.

Pierre, un jeune français, rêve d’aller à Tokyo et de voir des Kaijû pour de vrai. La ville, bien que détruite régulièrement par des reptiles géants, a une économie florissante grâce au tourisme. Enfin Pierre arrive à Tokyo. Lui qui ne se préoccupait de rien d’autre si ce n’est des Kaijû, très vite, il voit l’autre facette de leur existence. La destruction de maison, de famille, de vie. Sa rencontre avec Misaki, une spécialiste des Kaijû au Japon, change complètement sa façon de voir le monde.

C’est une nouvelle titanesque. Elle rappelle fortement Asadora ! D’autant que Misaki ressemble à la jeune Asa Asada. C’est aussi une nouvelle qui se décale des récits un peu sages de Naoki Urasawa. Elle confond absurdité, drôlerie et drames.

Solo Mission

Pour celle-ci, je vous met en garde : commencez l’Anthologie Naoki Urasawa par la fin. Car la dernière nouvelle, Solo Mission, est édité dans le sens de lecture français. Le reste du volume étant dans le sens de lecture japonais, vous prenez le risque de vous faire divulgâcher le plot twist final avant même d’avoir commencé. Et comme c’est une histoire écrite pour Métal Hurlant, magazine français de Science-Fiction né en 1975 (et qui revient en 2021), le plot twist final est invariablement quelque chose que vous n’avez pas envie de savoir à l’avance.

Urlu doit aller en mission pour sauver l’univers sur la terrible troisième planète du secteur 1969 Néga 14. Une planète aussi appelée « La planète infernale des démons de la mort« . Parlu, sa femme, proteste car il la prévient seulement au moment de partir alors même qu’il n’est pas sûr de revenir. C’est une scène de vie quotidienne, banal, au coin du lit, entre deux amants. Mais l’univers n’attend pas que les scènes de ménage se terminent…

Naoki Urasawa Anthology

Atchoum ! c’est deux choses : de l’intime et de l’absurde. Ce qui offre un large panel de possibilité pour caser du comique, du dramatique, du surprenant, du personnel, de l’enfantin comme du … pas pour les enfants. C’est parcourir en 188 pages le monde si diversifié de Naoki Urasawa.

Atchoum ! c’est une plongée dans l’intimité de son auteur. C’est une fenêtre grande ouverte sur sa personnalité, ses projets décalés. Et pour être décalé Atchoum ! est à l’image de son titre : absurde de bout en bout. Chacune de ces nouvelles a un truc, une pépite, une pastille de folie qui illuminera votre visage d’un sourire, qu’il soit hilare ou mélancolique.

Cher lecteur, je n’aurais qu’un conseil – certes conjugué à l’impératif : Lisez-le. Lisez Atchoum ! l’anthologie Naoki Urasawa, publié aux éditions Kana. De son goût un peu étrange, de son aspect parfaitement à côté de la plaque, il saura vous divertir, vous faire réfléchir, vous émouvoir. A n’en pas douter, votre visage sera déformé de multiples façons tout au long de cet anthologie.

Article posté le mardi 17 novembre 2020 par Marie Lonni

  • Atchoum !
  • Auteur : Naoki Urasawa
  • Editeur : Kana
  • Prix : 15 €
  • Parution : 25 septembre 2020
  • ISBN : 9782505086871

Résumé de l’éditeur : Huit histoires courtes de Naoki Urasawa sont compilées dans ce recueil récemment paru au Japon. Le volume est introduit par une définition toute personnelle de l’éternuement par l’auteur, ce qui explique aussi le titre incongru du recueil.

À propos de l'auteur de cet article

Marie Lonni

"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !

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