Autobiographie d’une courgette

A neuf ans, Courgette est placé dans un orphelinat à la suite du décès de sa maman. C’est ici qu’il va se reconstruire, entre amitié, éducateur et policier bienveillant. Ingrid Chabbert et Camille K s’emparent avec intelligence du roman de Gilles Paris, Autobiographie d’une courgette. De la force des émotions…

Tuer le ciel, tuer sa mère

Rien n’est simple dans la vie d’Icar. Son père est parti avec une poule et sa mère sombre lentement. Après un accident à la jambe, la femme a dérivé : négligence physique et bière rythment ses journées.

Et Icar dans tout cela ? Le petit garçon de neuf ans se réfugie dans le grenier pour observer les nuages. Afin d’arrêter les coups de sa mère qui pleuvent souvent sans motifs, il a décidé de tuer le ciel.

Il entre dans la chambre de sa mère, y récupère le revolver planqué dans un tiroir et se précipite dehors. Mais le coup part tout seul : la femme s’écroule, inanimée…

Raymond : rencontre d’une vie

Après le tragique accident, Icar retrouve son grenier, seul lieu où il se sent en sécurité. Arrive alors les secours. Raymond tente alors une approche. Le petit garçon explique au gendarme qu’on ne doit pas l’appeler Icar mais Courgette et qu’il voulait tuer le ciel pour que sa mère ne soit plus ni triste ni méchante.

Avec toute la sagesse de Raymond et son écoute, il rassure le garçon, mais lui explique qu’il ne pourra plus jamais la revoir : « parce qu’elle est partie avec les anges, Courgette. »

Le foyer des fontaines : nouvel écrin pour Courgette

Raymond fait alors monter Courgette dans sa voiture et l’emmène au Foyer des fontaines. Cette structure accueille des orphelins ou des enfants placés.

Là, il fait la connaissance de Geneviève la directrice et Rosy l’éducatrice, mais également ses nouveaux camarades d’infortune : Ahmed, Jujube, Simon et Alice.

Tous les dimanches, celui que Courgette attend avec impatience, c’est Raymond, cet homme chaleureux qui écoute toutes ses histoires et son mal-être…

Autobiographie d’une courgette : du roman à la bande dessinée

Découvert par le grand public par le merveilleux film d’animation Ma vie de courgette de Claude Barras (830 000 entrées en France), Autobiographie d’une courgette est avant tout un magnifique roman de Gilles Paris. Avec plus de 300 000 exemplaires vendus, ce livre bouleversant fut alors un véritable best-seller à sa sortie.

Si l’on a vu le long-métrage d’animation, est-ce que l’on peut éviter de lire la bande dessinée d’Ingrid Chabbert et Camille K ? Eh bien, non ! Plus proche du roman original, l’album des deux autrices possède donc de nombreuses différences avec le film en stop-motion. Je ne dirais pas qu’il sont à l’opposé, mais plutôt qu’ils sont complémentaires. On prend autant de plaisir pour l’un et l’autre. La base est là, le traitement graphique et narratif sont eux différents.

L’absence comme matière

L’adaptation du roman de Gilles Paris en bande dessinée ne pouvait que revenir à Ingrid Chabbert. Tout est là, toutes les thématiques qu’elle affectionne sont dans ce récit où les émotions et les sentiments sont déployés, comme lorsqu’elle déclina le livre d’Olivier Bourdeaut, En attendant Bojangles.

Il y a dans l’œuvre d‘Ingrid Chabbert – que je commence à bien cerner – une ligne directrice qui est l’Humain, dans toute sa grandeur, avec ses joies, ses peines, ses qualités et ses défauts. Des femmes et des hommes dans leur globalité, celles et ceux qui luttent pour s’en sortir, pour un ailleurs meilleur, pour un eldorado d’amour.

Et il y a, la douceur et la bienveillance d’une scénariste qui accepte donc tout dans l’être humain, sans le mythifier, juste en l’observant et en le regardant, en le laissant brut aux yeux des lecteurs.

D’Ecumes à Larkia en passant par Elma, l’autrice aborde l’absence d’un être et la volonté d’être entouré d’autres semblables ou dissemblables pour réchauffer les cœurs et se sentir mieux.

De la force des sentiments et des émotions

Autobiographie d’une courgette, c’est un mélange de sentiments, de rage dans le ventre et d’émotions à fleur de peau. Il y a la mort, le deuil, les violences faites aux enfants et la dureté des conditions de vie, mais il y a aussi l’espoir, l’orphelinat, la directrice, les éducateurs, les enfants qui se serrent les coudes et un gendarme qui prend le temps d’écouter.

Et il y a aussi le dessin de Camille K. L’autrice des Enfants trinquent réalise de magnifiques planches où le bleu (des bleus au corps et au cœur) se réchauffe vers le rouge et le rose (avec Raymond) ou le vert (pour les premiers émois. Il suffira d’observer l’illustration musicale pleine page avec Courgette et Camille). On apprécie aussi les touches plus enfantines (dessin naïf) lorsque Courgette réfléchit.

Autobiographie d’une courgette : une superbe déclinaison d’un roman bouleversant, entre deuil, nouvelle(s) famille(s) et bienveillance. Pour tous les publics.

Article posté le dimanche 25 avril 2021 par Damien Canteau

Autobiographie d'une courgette de Ingrid Chabbert et Camille K. d'après Gilles Paris (Philéas)
  • Autobiographie d’une courgette
  • Scénariste : Ingrid Chabbert, d’après le roman de Gilles Paris
  • Dessinatrice : Camille K.
  • Editeur : Philéas
  • Prix : 17,90 €
  • Parution : 29 avril 2021
  • ISBN : 9782491467050

Résumé de l’éditeur : Courgette vit seul avec sa mère alcoolique depuis le jour où son père est parti « faire le tour du monde avec une poule ». Un jour où sa mère s’en prend au ciel, il trouve un revolver et essaie de « tuer le ciel ». Sa mère tente de lui enlever l’arme, mais le coup part et la tue. Cet accident dramatique place Courgette aux Fontaines, un foyer pour enfants. Sa vie change radicalement, entre les « zéduc’ » et les copains… mais surtout Raymond, le « gentil gendarme » et Camille, son amoureuse. Elle ressemble à une poupée de chiffon toute molle et ses yeux sont grands ouverts. Je pense aux films policiers où des tas de femmes se font tuer et après elles ressemblent à des tas de chiffons toutes molles et je me dis « c’est ça, j’ai tué maman » – Courgette, 9 ans.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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