Larkia

Dans un univers apocalyptique, une jeune femme lutte pour survivre, mais son existence va basculer au moment de donner la vie.

Larkia : un prénom, une femme, l’aventure d’une vie, par Ingrid Chabbert et Patricio Angel Delpeche, paru chez Glénat.

LE MONDE D’APRÈS.

Dans une casse abandonnée, des cris déchirent la nuit.

Ce sont ceux de Larkia.

Un large pansement sur le nez et des perles de sueur lui dégoulinant sur la fugue, elle crie car elle tente de mettre au monde un enfant.

Après de longues heures de travail, avec l’aide de la vieille Thesy et d’un vieux scalpel, un nouveau-né aux yeux clos pointe de bout de son nez.

Mais la joie est de courte durée car dans la nuit qui suit, une vieille amie ferme ses paupières à jamais.

Pour Larkia, pourtant, il faut partir.

Alors, elle emmaillote son bébé, enfourche sa moto et se met à rouler vers le soleil levant.

Mais au petit matin, un hélicoptère au vol agressif apparaît derrière l’horizon…

UNE NOUVELLE CORDE À SON ARC.

En écrivant l’histoire de Larkia, Ingrid Chabbert surprend.

En effet, l’autrice a fait ses gammes et ses preuves avec des albums pour enfants très réussis (Elma, une vie d’ours, Lulu et son dragon). Ainsi elle s’est fait un nom dans l’univers de la littérature de jeunesse.

Mais, petit à petit elle a fini par être réduite à ce seul genre. La jeune femme s’en explique dans l’introduction de l’édition que nous propose Glénat.

Pourtant, à y regarder de plus près, Ingrid Chabbert sait diversifier son écriture et aborder des sujets durs. Le magnifique album Kadogo, qui abordait le thème des enfants soldats, en est une preuve poignante.

Mais rien n’y fit : il semblait qu’elle ne puisse pas sortir du registre qui lui avait permis de se faire connaître.

Jusqu’au jour où elle présenta, à Olivier Jalabert, l’histoire d’une jeune femme qui luttait pour sa vie dans un univers violent. L’éditeur de Il faut sauver Ramirez a immédiatement donné son accord.

Larkia était née.

MAD LARKIA.

Ingrid Chabbert ne s’en cache pas : elle a imaginé le personnage de Larkia en pensant à Furiosa, le personnage emblématique incarné par Charlize Theron dans Mad Max Fury Road.

« Une vraie badass qui est restée dans un coin de ma tête et qui, un jour, m’a murmuré : « Eh, meuf, t’attends quoi ? Lâche-toi, merde ! » »

Ainsi, comme son illustre inspiratrice, Larkia est une femme forte, au caractère bien trempé. Les nombreuses épreuves qu’elle a rencontrées dans une société d’hommes l’ont endurcie pour que finalement, elle ne craigne rien ni personne.

Par ailleurs, les comparaisons avec le film de George Miller ne s’arrêtent pas là.

En effet, on aura le plaisir d’assister à des courses poursuites au milieu d’un désert aride, ou encore à des combats brutaux et désespérés.

LES TRAITS D’UN ANGE.

Le très talentueux Patricio Angel Delpeche met parfaitement en image tous ces éléments. Ce dessinateur argentin parvient aussi bien à retranscrire l’action trépidante que l’intense émotion.

Bien souvent, c’est comme s’il venait soutenir la taciturne Larkia pour permettre de dévoiler ce qui ne se dit pas.

Comme l’univers qu’il donne à voir, son trait est rude. La colorisation, dont il se charge en personne, vient magnifier les dessins en créant des ambiances qui accompagnent parfaitement la narration.

Les plans sont variés et suivent les personnages dans un style cinématographique très rythmé.

L’action et la violence sont indiscutablement présentes dans Larkia.

Pourtant, résumer cette bande dessinée à ces deux critères serait une véritable erreur.

LA MAÎTRISE DU NON-DIT.

Le fait est qu’en se mettant à scénariser des bandes dessinées destinées à un public adulte, Ingrid Chabbert n’a pas perdu la finesse qui la caractérise.

Ainsi, dans un premier temps on est presque aveuglés par le rythme effréné et l’action omniprésente. Mais on comprend bien vite que ce n’est en réalité qu’une façade derrière laquelle se cachent des enjeux bien plus subtils et humains.

Par une narration judicieuse qui ponctue l’histoire de flashbacks, on découvre par bribes l’histoire de l’héroïne et le monde dans lequel elle a grandi.

À aucun moment, les réponses que se pose Larkia n’auront de réponse explicite.

Tout se dévoile par touches successives, à demi-mot, comme un grand puzzle dont il faudrait d’abord rechercher les pièces égarées.

Le lecteur doit ainsi s’impliquer et vivre l’aventure aux côtés de l’héroïne. Il doit être sans cesse en alerte, à l’affut du moindre indice qui lui permettra, à lui aussi, de saisir les différents enjeux, du plus important, au plus infime.

À la fin, tout ne sera pas dit, mais libre à nous de nous laisser porter et de combler les blancs…

« N’aie pas peur du tic-tac… N’aie pas peur des horloges et du temps qui passe… »

Sous ses airs de blockbuster, Larkia s’avère être une œuvre bien plus sensible qu’il n’y paraît, où se mêlent des réflexions humanistes, désabusées certes, mais touchantes, à condition qu’on se donne la peine de regarder à travers la tempête et le chaos.

Article posté le samedi 03 avril 2021 par Victor Benelbaz

Larkia de Ingrid Chabbert et Patricio Angel Delpeche (Glénat)
  • Larkia
  • Auteur : Ingrid Chabbert
  • Dessinateur : Patricio Angel Delpeche
  • Editeur : Glénat
  • Prix : 19.95 €
  • Parution : 24 mars 2021
  • ISBN : 9782344037003

Résumé de l’éditeur :

Dans un monde voué à mourir, une femme continue de se battre.

La société a implosé. Les années, en passant, ont transformé les villes en cimetières où seul règne le silence. L’horizon n’offre désormais au regard qu’un désert de misère et dans ce contexte, Larkia accouche d’un petit garçon bien décidé à vivre, mais dont les yeux restent clos. Le lendemain de sa naissance, alors qu’elle se remet à peine de l’opération, ils sont tous deux pris en chasse par des miliciens aussi enragés que surarmés. Sans relâche, la mère et l’enfant fuient, car ni repos, ni réponses ne leur sont accordés. Quelque part, dans le passé, se trouve une explication… l’origine de cette course poursuite violente et insensée.
Pur récit de genre dans un contexte post-apocalyptique. Larkia est un one shot « coup de poing » nerveux et frénétique aux délicieux relents de Mad Max. De l’action brutale et explosive se dégage une réflexion sur l’égalité des genres illustrée par un dessin expressif et flamboyant.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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