Bitter root

Bitter Root. Chez les Sangerye, la chasse aux démons était une affaire de famille et rien qu’à leur nom, tous les monstres poussés par la haine tremblaient.

Mais un drame terrible a détruit leur famille.

Pourront-ils trouver les ressources pour s’unir à nouveau face à des monstres d’une nouvelle espèce, plus puissante que jamais ?

Avec « Affaire familiale », le premier tome de Bitter Root, paru chez Hi Comics, goûtons à l’amère racine du mal.

VOODOO CHILDREN

New York, Harlem, les années 20…

Au sortir d’un night-club, un couple afro-américain décide de passer par le parc pour rentrer chez eux. Ils n’en ressortiront jamais.

Les responsables, ce sont probablement les Jinoos, des hommes qui, pervertis par la haine et la violence, se sont transformés en démons.

Pour en venir à bout, une seule solution : leur injecter un sérum dont seule Ma Etta, la matrone versée dans le Vaudou, a le secret.

Pour la seconder, elle peut compter sur le soutien indéfectible de sa famille : Berg, le colosse au langage soutenu, Cullen, le gringalet inexpérimenté et Blink, la jeune tête brulée.

Les quelques personnages présentés sont charismatiques et immédiatement attachants ; tous différents, ils sont complémentaires et trouvent leur force dans leur unité.

Mais sont-ils seuls ? Oui, et non…

Jadis, les Sangerye comptaient bien plus de membres, mais soit ils ont disparu, soit leur aide n’est plus souhaitée.

Chez les Sangerye, on sait, plus que quiconque, qu’un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.

Bitter root : UNE écriture REMARQUABLE.

Dès les premières pages, on est immédiatement entrainé dans un tourbillon d’action, de suspense et de rebondissements savoureux.

L’écriture est fluide, rythmée et la narration est parfaitement servie par des dialogues efficaces.

« Affaire familiale », le premier tome de la série Bitter Root regorge de qualités qui témoignent de la maîtrise scénaristique indiscutable du duo d’auteurs composé de David F. Walker et de Chuck Brown.

L’univers créé est réfléchi, cohérent, enthousiasmant et s’inscrit dans la lignée des grandes séries mêlant occultisme et action.

D’ailleurs, en avançant dans la lecture du volume, on découvre avec surprise et admiration les couvertures alternatives insérées avec justesse à chaque début de chapitre. Elles sont réalisées par des grands noms des comics traitant de l’occultisme.

Le premier et non des moindres n’est autre que Mike Mignola, le père du légendaire Hellboy. Suivent Bill Sienkiewicz, Skottie Young, David Mack ; la liste n’est pas exhaustive, mais elle est éloquente…

David F. Walker et de Chuck Brown s’en trouvent immédiatement adoubés par les maîtres du genre et sont ainsi plongés dans la lignée des séries d’exception.

UNE IDENTITÉ GRAPHIQUE

Aux pinceaux, on trouve Sanford Greene. Le talentueux dessinateur réalise un travail remarquable, rugueux à souhait.

Les personnages sont parfaitement caractérisés et évoluent dans un univers maîtrisé qui permet de faire coexister le Harlem des années 20 et des démons cornus et griffus.

Chaque planche diffère de la précédente, dans l’emploi d’une palette de couleurs savamment exploitée. Les ambiances s’enchaînent et se complètent ; tantôt violacées, tantôt ocres, tantôt verdâtres mais toujours sombres, elles créent l’identité visuelle de l’univers dans lequel évoluent les Sangerye.

La composition des pages est, elle aussi, parfaitement réfléchie et permet de guider l’œil dans un rythme soutenu et cinématographique.

Bitter Root apparaît donc comme une série excellente qui mêle qualités graphiques et scénaristiques, comme en atteste sa nomination aux prestigieux Eisner Awards 2019 pour le titre de « Meilleure Nouvelle Série ».

Mais elle ne s’arrête pas là.

UNE FABLE ENGAGÉE

Dans Bitter Root, la violence brute se trouve personnifiée par les Jinoos et autres créatures démoniaques, pourtant, ils n’en ont pas les seules dépositaires.

De fait, Les Sangerye, famille noire de Harlem est aussi confrontée quotidiennement à la violence crasse des hommes.

A une époque où le racisme ambiant noircit les âmes, bon nombre de Jinoos ont fait leurs armes aux côtés du Ku Klux Klan, ou de policiers un peu trop zélés à passer à tabac des personnes de couleur.

Pourtant, face à cette violence abjecte, les Sangerye adoptent une réaction profondément humaine en cherchant à guérir plutôt qu’à éradiquer.

Il convient alors de saluer l’effort éditorial réalisé par Hi Comics pour reproduire en fin de volume de nombreux entretiens d’écrivains et chercheurs spécialisés dans ce qu’on appelle pudiquement la culture noire américaine ; preuve s’il en est que ladite culture peine à être totalement intégrée de nos jours.

Ces écrits passionnants viennent parfaire un ouvrage qui ne manquait pas de qualités intrinsèques. Avec finesse, nuance et sincérité, ils présentent ces amères racines…

Bitter Root, de David F. Walker, Chuck Brown et Sanford Greene, apparaît comme une série d’exception. Elle mêle avec une justesse rare action et réflexion. Dans une édition extrêmement soignée réalisée par Hi Comics, elle porte en elle les racines d’une grande œuvre.

Article posté le lundi 17 février 2020 par Victor Benelbaz

Bitter root 1 de Sanford Green, David F. Walker et Chuck Brown (Hi Comics)
  • Bitter root, volume 1 : Affaire familiale
  • Scénaristes : David F. Walker et Chuck Brown
  • Dessinateur : Sanford Green
  • Éditeur : HiComics
  • Prix : 17.90 €
  • Parution : 22 janvier 2020
  • ISBN : 9782369816843

Résumé de l’éditeur : Nommé aux Eisner Awards 2019 « Meilleure Nouvelle Série »Les Sangerye étaient autrefois réputés pour être la plus grande famille de chasseurs de monstres de tous les temps. Leur spécialité ? Purifier les âmes infectées par la haine, qui transforme les êtres humains en démons hideux. Ce temps est révolu. Une terrible tragédie a décimé la famille, et les survivants sont désormais divisés par les blessures du passé et par leurs méthodes : sauver ou tuer ces créatures. Mais face à un nouveau type de monstre qui sévit dans les rues de Harlem, les Sangerye vont devoir s’unir et combattre, ou regarder l’humanité s’effondrer dans un mal plus profond encore… « Bitter Root regorge d’action, de tensions, d’humour et de dessins à couper le souffle. Mais cette histoire est avant tout un appel à combattre l’amère racine du racisme et de la haine. » Chuck Brown et David F. Walker »J’ai adoré plonger dans le monde de Bitter Root : horreur, conjuration, et une dynastie de chasseurs de démon dans le Harlem des années 1920, tout y est ! » Peter Ramsey »Bitter Root est un comics indispensable, créé avec un amour authentique par certains des meilleurs auteurs de la planète. » Brian Michael Bendis »Dans la même veine que Get Out et Black Panther, Bitter Root est un récit qui sort incroyablement du lot. » AIPT! »Bitter Root est le genre de comics qui me rend heureux à chaque nouveau numéro. Le mélange entre ville et campagne, surnaturel et science-fiction, ancien et contemporain est parfaitement équilibré. » Reginald Hudlin

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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