Gaijin Salamander

Gaijin Salamander, de Massimo Rosi, Ludovica Ceregatti et Renato Stevanato, paru chez Delcourt, nous propose de découvrir une magnifique fable dans laquelle des animaux anthropomorphes vont mettre en opposition soif de pouvoir et honneur.

DES GRENOUILLES, DES LÉZARDS ET UNE SALAMANDRE.

Fasciné par les samouraïs, le capitaine lézard Courte-Queue, fils du général Muscule-Saurus décide un jour de se rendre chez Gonfle-joues, le sage shogun grenouille, ennemi de son père, pour apprendre les coutumes ancestrales des guerriers légendaires. Bien vite, une amitié naît, fondée sur un profond respect mutuel.

Mais un matin, Courte-Queue et Gonfle-Joues tombent dans une embuscade tendue par de perfides bandits crabes. Alors que les amis sont pris au piège, le reptile s’accroche au dos de l’amphibien et ils n’ont d’autre choix que de se précipiter dans le lac. Sous l’eau, ils restent de longues minutes ; de bien trop longues minutes pour les poumons du lézard.

Lorsqu’ils en ressortent, son cœur a cessé de battre…

Il n’en fallait pas tant pour convaincre le belliqueux Muscule-Saurus de déclarer la guerre au shogun Gonfle-joues. Et le rapport de force n’est pas des plus équilibrés, car le général lézard s’est octroyé les services du perfide colonel Noir-Venin et de ses terribles armes explosives.

Une fin funeste semble inévitable pour le sage shogun Gonfle-joues ; mais un jour, surgit une salamandre, un gaijin désabusé, ultime détenteur de l’art martial du sensei Poing-Sashimi.

Et si c’était de lui que venait le salut ?

Gaijin Salamander : UN JAPON FÉODAL BATRACIEN, UNE ÉPOPÉE POÉTIQUE.

Gaijin Salamander est une bande dessinée surprenante à plus d’un titre.

En effet, initialement publiée aux USA par Action Lab Entertainement, elle est l’œuvre d’auteurs italiens peu connus en France, mais se présentant indéniablement comme des auteurs à suivre : Massimo Rosi et Ludovica Ceregatti.

Dès les premières pages de Gaijin Salamander, on pense bien entendu à la référence du genre : la formidable série Usagi Yojimbo de Stan Sakai, mais ici, en lieu et place d’un lapin samouraï, des reptiles et des batraciens. Ainsi, en créant une aventure originale qui mêle plusieurs sources d’inspiration, les auteurs s’ouvrent un univers particulièrement riche et subtil.

Que ce soit par le Japon médiéval ou le choix de personnages animaux anthropomorphes, chaque détail est réfléchi, cohérent et trouve une finalité dans un ensemble très agréable à découvrir.

Les dessins sont magnifiques et prennent parfaitement en compte les spécificités de chaque espèce animale représentée, tout en prenant soin de leur attribuer des caractéristiques humaines.

Les décors ne sont pas en reste et le Japon médiéval est représenté dans toute sa beauté. Certaines planches s’inspirent d’ailleurs du style des estampes japonaises pour illustrer des scènes anciennes, ce qui est du plus bel effet.

Soulignons par ailleurs le très beau travail de colorisation réalisé par Renato Stevanato. Les ambiances créées sont subtiles et servent parfaitement l’histoire et ses registres nuancés.

Bien vite, on s’attache ou déteste des personnages parfaitement définis.

L’histoire devient vite passionnante, rythmée par un tempo qui tient tout autant de l’épopée que de la fable.

Sans être inutilement complexe, l’œuvre mêle romance, honneur, combat et trahison.

Mais ce n’est pas tout.

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Comme indiqué de manière très discrète en quatrième de couverture, Gaijin Salamander est inspiré de la Batrachomyomachia, Le combat des rats et des grenouilles, une œuvre probablement écrite par Homère, le poète grec, auteur des légendaires Iliade et Odyssée.

A la lecture de cette courte œuvre antique, on perçoit avec plaisir et admiration tout le travail réalisé par les auteurs. On retrouve ainsi certaines situations, certains types de personnages, tout en constant que les ajouts et la part d’originalité relèvent d’une belle inventivité et d’une grande maîtrise narrative.

Entre hommage et originalité, Gaijin Salamander est une œuvre remarquable qui possède ses qualités propres et se nourrit de celles d’une antique épopée grecque.

Article posté le samedi 29 août 2020 par Victor Benelbaz

Gaijin Salamander, de Massimo Rosi, Ludovica Ceregatti et Renato Stevanato (Delcourt)
  • Gaijin Salamander
  • Scénariste : Massimo Rosi
  • Dessinatrice : Ludovica Cergatti
  • Coloriste : Renato Stevanato
  • Editeur : Delcourt
  • Parution : 29 janvier 2020
  • Prix : 16.50 €
  • ISBN : 9782413020097

Résumé de l’éditeur : « Nous sommes les derniers guerriers, les derniers pacifistes de cette école, et je vous la laisse en héritage à vous, un Gaijin ». Gaijin Salamander parle de la futilité de la guerre et du désir de paix d’un Gaijin (un étranger), représenté sous les traits d’une salamandre, qui vit dans un Japon féodal peuplé de grenouilles, et qui doit faire face à des hordes d’envahisseurs, incarnés par des lézards.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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