La guerre des paysans

Avec La guerre des paysans, Gérard Mordillat (scénario) et Éric Liberge (dessins) nous plongent dans les événements qui ont au XVIe siècle changé la face de l’Église catholique. La Réforme est le fruit d’une bataille menée par des hommes qui n’avaient plus foi en cette façon de vivre leur religion. Un album sombre et très instructif sur ce schisme qui a vu apparaître cette nouvelle branche du christianisme. Une publication Futuropolis.

Couverture La guerre des paysans

Un chantier à grande échelle

Rome, au début du XVIe siècle. C’est l’effervescence sur le chantier de la basilique Saint Pierre, dont les travaux sont dirigés par Michel-Ange et Raphaël. Mais cet ouvrage pharaonique coûte cher à la papauté. En effet, le pape Jules II (1443-1513) a décidé de faire démolir l’ancien bâtiment pour en construire un nouveau.

Plan superposé du cirque Vaticanus, de l'antique basilique et de la basilique Saint-Pierre

Le prélat décide de faire appel à un investisseur. Il s’agit d’Albert de Brandebourg (1490-1545), un puissant cardinal du Saint-Empire. En échange, des 24 000 ducats qu’il a versés, celui-ci pourra se rembourser en vendant des indulgences.

Image illustrative de l’article Jules II

Portrait du pape Jules II peint par Raphaël en 1511

Un système financier pour obtenir le pardon

Une indulgence, c’est la possibilité d’être pardonné par Dieu de ses péchés, moyennant une somme d’argent. Cette rémission est proposée par l’Église pour les croyants vivants, mais également pour ceux qui sont déjà morts.

Description de cette image, également commentée ci-après

Martin Luther en 1528 par Lucas Cranach l’Ancien.

En Allemagne, Martin Luther  (1483- 1546), un moine également professeur d’université s’oppose à cette pratique de l’Église catholique. Il est rejoint en cela par Thomas Münzer (1490-1525), un moine qui a pris fait et cause pour les paysans, déjà fortement acculés par le paiement des impôts aux seigneurs.

Thomas Muentzer.jpg

Gravure de Müntzer de C. Van Sichem

Une menace pour la papauté

Le pape demande alors à Frère Martin de se rétracter. Ce que ce dernier refuse, préférant obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes. Alors que la révolte des paysans commence à gronder contre leurs conditions de vie miséreuses, Thomas Müntzer décide de soutenir ce mouvement. Il réclame une réforme du clergé et l’abrogation des droits ecclésiastiques.

De son côté, Martin Luther a commencé à traduire la Bible en allemand, pour que la population puisse comprendre les écritures saintes. La messe dite en une autre langue que le latin, serait à la portée de tous et surtout des plus pauvres. C’est pour cela qu’il sera excommunié par le pape. 

Image illustrative de l’article Bible de Luther

Bible en allemand de Luther

Si Martin Luther veut s’opposer à Rome avec sa plume, en revanche Thomas Müntzer veut aller plus loin et utiliser la force pour saisir les biens de l’Église et les redistribuer aux plus pauvres.

Un très récit fort

Avec cet album La guerre des paysans, Gérard Mordillat et Éric Liberge reviennent sur cette fronde qui a bousculé l’Église. Ils nous expliquent le fonctionnement de l’Église et surtout ses dérives de la part de la papauté et des hauts membres du clergé. Ceci bien-sûr en jouant sur les peurs et au détriment de la population et des clercs, qui en étaient proches.

Le récit est très fort, il nécessite une attention soutenue, ces événements n’étant pas évidents à appréhender. Mais cet album permet  d’expliquer les causes et les conséquences de la Réforme. Ce mouvement qui va amener à la création de l’Église protestante.

Un dessin sombre

Pour illustrer des faits aussi durs et violents, le dessin ne pouvait qu’être sombre. Et pour cela, quel meilleur choix, que celui d’Éric Liberge, d’opter pour le noir et blanc. Le trait est très réaliste, représentant parfaitement la pauvreté subie par la population mais également les richesses dont jouissaient certains membres du clergé.

Les scènes, montrant le peuple d’abord en colère puis enfin déterminé à se battre, sont violentes et absolument pas aseptisées. Les lisser aurait été une erreur et n’aurait pas été proche de ce que fut cette réalité historique. Cet album se devait d’être représentatif des conditions de vie et de la volonté de s’opposer à cette Église qui vivait dans le luxe et la luxure.

 

Cette réforme, partie du Saint-Empire, va s’étendre dans le nord-ouest de l’Europe. Le retour en arrière n’étant pas possible, une séparation entre le catholicisme et le protestantisme devient inévitable. Ce qui donnera lieu au XVIe et XVIIe siècle à des Guerres de Religion (1524-1697).

En France, le roi Henri IV (1553-1610) décide d’instaurer avec l’Édit de Nantes promulgué en 1598, la pays dans le Royaume de France. « Il ne faut pas faire de distinction de catholique et de huguenot » pour ainsi rétablir la paix religieuse.

Description de cette image, également commentée ci-après

1525 La guerre des paysans, un album à découvrir et à lire absolument.

Article posté le dimanche 08 janvier 2023 par Claire Karius

La guerre des paysans de Gérard Mordillat et Éric Liberge chez Futuropolis
  • La guerre des paysans
  • Scénariste : Gérard Mordillat
  • Dessinateur : Éric Liberge
  • Éditeur : Futuropolis
  • Prix : 22,00 €
  • Parution : 14 septembre 2022
  • ISBN : 9782203226012

Résumé de l’éditeur : Début du XVIe siècle, en Allemagne. Un moine du nom de Martin Luther prépare la Réforme protestante. Il publie ses « 95 thèses » contre les indulgences dont l’Église catholique fait commerce pour financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome. C’est une véritable déclaration de guerre contre le pape Léon X. Bientôt, dans les campagnes, la révolte gronde. Entre 1524 et 1526, des paysans prennent les armes par milliers. Ils clament leur foi dans la Réforme et affirment leur volonté de bouleverser l’ordre politique, économique et social. Luther les désavoue et fait alliance avec les Princes. Mais un autre moine, Thomas Mu¨ntzer, les rejoint et prend leur tête. Son mot d’ordre est révolutionnaire : « Omnia sunt communia », « Tout est à tous ». C’est dans ce contexte que le jeune Luca est envoyé par Léon X à Wittemberg pour être ses yeux et ses oreilles. Bref, pour être son espion… Un récit historique de haute volée signé par Gérard Mordillat (Ulysse Nobody, Le Suaire) et sublimé par le dessin généreux d’Éric Liberge (Le Suaire). Un récit d’une guerre contre les inégalités sociales et économiques qui résonne encore aujourd’hui.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, Claire affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique, mais pas seulement. Elle aime également les lectures qui savent l'émouvoir et lui donnent espoir en l'Homme et en la vie. Elle partage sa passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur sa page Instagram @fillefan2bd.

En savoir