L’Ancien Testament est décliné en roman graphique de manière originale avec des animaux anthropomorphes dans Le Livre signé Nicolas Arispe aux éditions Le Tripode.
LA CREATION DE LA TERRE
Dans son antre, Dieu crée le Monde. Tel un ingénieur dans sa centrale nucléaire, il imagine tout d’abord la lumière, puis le ciel et les eaux. Viennent ensuite la terre, la végétation et les animaux. Le jour est séparé de la nuit. Puis il modèle les Hommes à son image. Mais fatigué par tout ce travail harassant, il se repose le 7e jour.
D’ABRAHAM A JONAS
Nicolas Arispe décline alors 6 courts récits bibliques très connus. Il met en scène le jour où Dieu voulu éprouver Abraham, celui où affamé il eu l’idée de tuer son propre fils. Puis viennent les moments avec l’Archange Michel, Job, Les lamentations, Ezéchiel et Jonas.
7 RÉCITS SYMBOLIQUES
Auteur né en 1978 à Buenos Aires, Nicolas Arispe s’est inspiré de son éducation dans une école religieuse pour proposer Le Livre. Ce sont les éditions Le Tripode qui l’ont convaincues le premier de réaliser cet ouvrage. A mi-chemin entre le livre d’art et la bande dessinée, cet album ravira les initiés ou non. En effet, il ne faut pas spécialement avoir fait son catéchisme pour comprendre : la beauté des illustrations et la symbolique des 7 histoires se suffisent à elles même. Ainsi tout le monde peut y trouver des symboles et des images selon sa religion ou son athéisme.
LE LIVRE : UN TRÈS BEAU DÉCALAGE
L’auteur argentin qui a beaucoup travaillé dans le secteur Jeunesse et la presse joue à fond la carte du décalage pour ses 7 récits (le chiffre 7 n’est pas anodin dans la religion catholique : le Monde créé en 6 jours, le 7e est le moment du repos, notamment).
Dès les premières pages, Nicolas Arispe met en scène Dieu dans une version d’une grande originalité et intelligente. Tel un forgeron, il se met au travail pour créer le Monde. Avec de l’acier, des traverses et des machines agricoles, il dévoile de très belles planches rugueuses.
Pour les 6 récits suivants, il met en scène les héros bibliques sous le forme d’animaux anthropomorphes. Ainsi Abraham est représenté sous la forme d’un ours blanc sur une banquise, l’Archange en crocodile, Job en iguane, Ezéchiel en minotaure ou Jonas en renard.
Aucun phylactère n’est visible dans Le Livre, uniquement des récitatifs sous les grandes illustrations, ce qui renforce le côté solennel et épique de l’album.
UNE MAGNIFIQUE PARTIE GRAPHIQUE
Comme il l’explique dans sa postface, Nicolas Arispe s’est inspiré d’une petite Bible qu’il consultait fréquemment lorsqu’il était enfant. Tous les textes de l’Ancien Testament n’y figuraient pas, juste ceux les plus importants. Cette version synthétique ne l’attirait pas spécialement, ou plutôt que les dessins. Pour le dessin, il marche aussi dans les pas de Matthias Grünewald (peintre du 16e siècle), Francisco Salamone (architecte du 19-20e siècle) ou encore Jérôme Bosch dans les représentations des créatures monstrueuses.
Sa partie graphique est merveilleuse, rappelant les gravures anciennes. Les grands espaces enneigés de l’histoire d’Abraham sont magnifiques (l’ours se rapprochant de Yorek dessiné par Clément Oubrerie dans Les royaumes du Nord) ou l’oiseau dans Les lamentations qui semble petit dans cette nature immense pourtant il occupe l’espace avec majesté.
L’auteur réussit aussi à imprimer de l’angoisse dans certaines de ses vignettes : les Hommes sous leurs masques dans La création, les créatures-poissons monstrueuses avec leurs grandes bouches ou encore les ossements des squelettes de l’armée d’Ezéchiel.
- Le Livre
- Auteur : Nicolas Arispe
- Éditeur : Le Tripode
- Prix : 16€
- Parution : 11 mai 2017
Résumé de l’éditeur : Le Livre réinterprète sept épisodes de l’Ancien Testament : la création du monde par Dieu, le sacrifice d’Abraham, la venue de l’Ange vengeur, les doutes de Job, les lamentations de Jérémie, la prophétie d’Ezéchiel et la punition de Jonas. Ces récits bibliques sont ici désaxés (spatialement et temporellement) et figurés par des animaux. Dans la Création, Dieu est représenté en ingénieur d’une centrale nucléaire. Ezéchiel se réincarne dans un être au croisement d’un minotaure et d’un cadre d’affaires. Le sacrifice d’Abraham se rejoue au sein d’une communauté d’ours blancs au pôle Nord, près de l’épave d’un chalutier pris dans les glaces. Jonas s’est métamorphosé en un loup à bord d’un navire de la Renaissance, etc.
Le mélange des symboles ou leur inversion, les références à notre monde contemporain, l’usage des figures mi-homme mi-bête… l’originalité des codes utilisés par Arispe, alliée à un dessin virtuose, réussit à remettre en lumière ce que nous pensions connaître, à nous refaire découvrir de façon sensible, au-delà des croyances, les dimensions poétiques et universelles de l’Ancien Testament.
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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