Voici l’histoire vraie d’un peintre. Nobuharu Hasegawa n’était personne avant ses 44 ans. Puis en 1582, Nobunaga Oda meurt. Nobuharu devient Tôhaku Hasegawa, l’un des plus grands peintres de l’ère Tenshô. Chie Shimomoto nous raconte, dans un magnifique ouvrage édité par Mangetsu, sa vie, son œuvre, sa passion. Bref, son Mandala de feu.
La naissance de Tôhaku Hasegawa
Tout commence à la mort de Nobunaga Oda, le premier des trois réunificateurs du Japon. Son vassal Mitsuhide Akechi lance un coup d’état qui amène le Daimyô à se donner la mort en 1582. A son tour vaincu, Akechi ne règnera pas. Cependant, ce conflit se répand à travers le pays et atteint Azuchi. La ville et son château incarnant le pouvoir de Nobunaga Oda.
C’est dans cette ville qu’à choisi de travailler Nobuharu Hasegawa. Il est habité par la frustration de ne pas être assez bon peintre malgré tout ses sacrifices. Il fait vivre tant bien que mal, son fils et son apprenti. Mais le jour où le château brûle, Hasegawa sent le monde tanguer autour de lui. Il n’aura jamais d’autre occasion de voir l’Œuvre. Le grand Œuvre du peintre de génie, Eitoku Kanô. Cet homme qu’il admire a peint le tableau qui allait allumer le brasier en lui.
Depuis toujours le désir de peindre le guide, mais ce n’est qu’après avoir vu le Grand Œuvre de son rival et idole que le désir s’embrase totalement. La peinture devient vitale, et son don dépasse les attentes les plus folles.
L’homme-brasier
Nobuharu Hasegawa prend le nom de Tôhaku Hasegawa plus tard, lorsqu’il réalise sa première fresque sur un haut lieu de la spiritualité bouddhiste : le temple Daitoku-Ji à Kyoto.
Chie Shimomoto nous dépeint un homme brutal dans ses émotions. Mais également honnête et frondeur. Une personnalité écharpée par la vie et qui, comme un vieil arbre ou le bois d’un instrument de musique, gagne en superbe à mesure que les années passent. La noblesse ordinaire, voilà des qualificatifs qui sied bien à Hasegawa. Cet homme bougon et maladroit déverse sans mesure le feu de sa passion sur les feuilles, les bois, ses supports diverses. Il emporte dans son sillage apprentis, femme et enfants, amis et maîtres.
Une passion au trait d’ouragan
La peinture à l’encre de chine est une peinture noire. Les façons de l’utiliser sont infinies. La peinture de Hasegawa et ses apprentis explore tous les possibles. Le travail de peintre questionne davantage l’appropriation de l’espace que la maîtrise de la matière. Tôhaku fait cela. Il s’empare des éléments qui l’entourent pour y déverser son paysage intérieur. Le monde est son terrain d’expression. Malhabile avec les mots, Hasegawa use de son pinceau pour transmettre la moindre parcelle de ses émotions.
Les peintures dévoilée par Chie Shimomoto, rapportées de tableaux bien réelles, prennent corps dans les pages. Chie Shimomoto les rend vivantes, puissantes. Elles prennent du volume et l’autrice nous transmet ainsi leur pouvoir évocateur. Une curiosité nous prend alors : A quoi peuvent-elles ressembler dans la réalité, ces peintures de Tôhaku Hasegawa ? Quels émotions nous submergeront- elles en les voyant de nos yeux ?
Ces peintures sont aujourd’hui conservées dans les temples qui les ont vu naître ou au musée national de Tokyo.
Une vie fait de ravins et de montages
Le mandala de feu est une histoire émouvante. Faite d’incendie. Un récit qui embrase les passions, les émotions. La beauté de la peinture explose au visage comme autant d’ouragans qui balaient tout sur leurs passages.
Chie Shimomoto réussie avec brio à nous raconter l’histoire d’une vie. Ellipse après ellipse elle nous donne l’impression de parcourir un chemin inconnu marqué ça et là par des balises et des clefs de voûte. Des instants que Tôhaku Hasegawa franchi comme des montagnes à chaque carrefour de sa vie.
L’art de peindre est une violence addictive infliger à soi-même. Et cela pour tenter d’atteindre le monde. Ponctué de drames humains, la vie du peintre ne saurait plus nous éblouir et nous toucher qu’à travers les traits de Chie Shimomoto.
- Le Mandala de Feu
- Auteur : Chie Shimomoto
- Editeur : Mangetsu – éditions Bragelonne
- Prix : 12,90 €
- Parution : 2 juin 2021
- ISBN : 9782382811160
Résumé de l’éditeur : D’abord moine bouddhiste dans la péninsule de Noto, Tohaku se rend à Kyoto pour tenter de devenir le disciple d’Eitoku Kano, peintre légendaire du Kansai. En vain. Mais il en faut plus pour le décourager, et la découverte que le jeune artiste va faire dans un château d’Azuchi en proie aux flammes pourrait bien changer le cours de sa vie.
À propos de l'auteur de cet article
Marie Lonni
"C'est fou ce qu'on peut raconter avec un dessin". Voilà comment les arts graphiques ont englouti Marie. Depuis, elle revient de temps en temps nous parler de ses lectures, surtout quand ils viennent du pays du soleil levant. En espérant vous faire découvrir des petites pépites à savourer ou à dévorer tout cru !
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