Le marchand de tapis de Constantinople

Ayse et Zeynel s’aiment d’un amour fou. Ensemble, ils vendent des tapis. Mais la rencontre d’un vagabond va bouleverser leur vie. Le marchand de tapis de Constantinople, c’est une magnifique romance. Un magnifique album fantastique de Reimena Yee entre spiritualité, malédiction, immortalité et deuil.

Ayse et Zeynel, amour et complicité

Empire ottoman au XVIIe siècle. Ayse est née en Anatolie (partie asiatique de l’actuelle Turquie). Elle fait partie d’une famille réputée de tisserands de tapis. Même si elle semble douée pour fabriquer de magnifiques objets, elle souhaiterait plutôt les vendre.

Zeynel est un homme né dans une famille d’intellectuels. Il connait le Coran par cœur et souhaiterait devenir imam.

Le père d’Ayse les verrait bien se marier. Mais pour l’instant, la jeune femme le trouve beaucoup trop ennuyeux.

Des tapis pour la vie

La famille de Zeynel reste plusieurs jours dans celle d’Ayse. Petit à petit, les deux jeunes se rapprochent et commencent à s’apprécier. Ils décident alors de se fiancer puis de se marier.

Lui laisse de côté son rêve de devenir imam. La foi ne l’a pas abandonnée. Elle réussit les premières ventes sans son père. Elle est douée.

Ensemble, ils quittent le village d’Ayse pour s’installer à Constantinople, l’actuelle Istanbul. Elle ouvre sa boutique, qui devient rapidement la plus belle de la ville. Lui, part sur les routes afin d’acheter des tapis pour les rapporter à sa femme. Quant à Safiye, elle tisse des tapis. Elle qui a des mains en or.

Amour à mort

Alors que la vie est belle et l’amour immense entre Ayse et Zeynel, ils n’arrivent pas à avoir d’enfant. Peu importe, ils s’aiment comme aux premiers jours.

Zeynel se rend en Roumélie (péninsule balkanique) pour y acheter des tapis. Il ne connaît pas cette région, c’est une première pour lui. Mais en chemin, il doit se détourner de sa route. Il croise alors un vagabond. Avec toute sa gentillesse, Zeynel le réconforte et le nourrit. Mais, cet homme n’est pas celui que l’on croit…

Le marchand de tapis de Constantinople, un grand album, une belle romance

Nous avions découvert Reimena Yee par son précédent album Seance Tea Party. Les éditions Kinaye poursuivent leur travail autour de son œuvre avec Le marchand de tapis de Constantinople. Loin de l’univers de sa précédente publication à destination des plus jeunes, l’autrice malaisienne aujourd’hui installée à Melbourne s’engouffre dans une superbe romance fantastique.

Une belle histoire d’amour pure et belle entre Ayse et Zeynel. Deux êtres chaleureux, positifs et bienveillants. On aimerait prendre le thé avec eux tellement ils inspirent respect et confiance. Malgré les obstacles, ils s’aiment toujours autant, avec ferveur et espièglerie. Ils entretiennent cette liaison comme un amour adolescent.

Rien ne pourra les séparer

On apprécie cette vision optimiste de l’amour. Ils sont complices, se font toujours confiance et rien ne semble pouvoir les séparer. Pas même une malédiction qui s’abat sur Zeynel. Je n’en dirais pas plus pour le pas gâcher le plaisir de lecture.

C’est à partir de ce moment que l’intrigue bascule du côté du fantastique. Cet aspect est amené dans le récit  pour bousculer un amour puissant. Pourtant, Ayse ne change pas, elle aime son mari même s’il se transforme. Rien ne les séparera. Ils vieillissent sous les yeux de lecteurs. Et ils vieillissent bien. Ils sont beaux !

Le marchand de tapis de Constantinople : un très beau conte oriental

Reimena Yee imagine Le marchand de tapis de Constantinople comme un conte oriental. Elle le situe donc à Constantinople au XVIIe siècle. Elle le déroule donc comme une fable fantastique. Ce roman graphique de 344 pages nous transporte à cette période grâce à cette atmosphère orientalisante.

Il y a les savoirs, la technique de tissage et les magnifiques tapis. On est subjugué par le grand soin graphique apporté à ces merveilles artisanales. Elles ont beaucoup de couleurs et de détails sous les pinceaux de Reimena Yee. On aime aussi les décors, faits d’entrelacs, moucharabiehs et autres volutes. Pour cela, l’autrice et scénariste de la série The Maker Club s’inspire des enluminures de l’empire ottoman.

La foi comme guide

Même si les lecteurs ne sont pas croyants, ils aimeront le côté spirituel de l’album. Le marchand de tapis de Constantinople repose sur la croyance en l’Islam mais aussi aux divinités, comme une sorte de syncrétisme bien amené.

On est bercé par les sourates déclamées par Zeynel. Cette foi présente dans le récit n’est pas oppressante, elle accompagne le héros dans ses choix, ses doutes et son amour. Cette croyance lui permet aussi de se libérer et s’émanciper des carcans de sa famille. On est dans un islam éclairé et de tolérance.

Pour bien se familiariser avec la terminologie utilisée dans Le marchand de tapis de Constantinople, la préface de l’album propose un lexique très accessible. A noter, que cette saga en deux volumes a été nommé aux Eisner Awards en 2018 dans la catégorie Best Digital Comics.

Article posté le dimanche 18 juin 2023 par Damien Canteau

Le marchand de tapis de Constantinople 1 de Reimena Yee (Kinaye)
  • Le marchand de tapis de Constantinople. Un fragment d’un conte turc, tome 1/2
  • Autrice : Reimena Yee
  • Traducteur : Romain Galand
  • Editeur : Kinaye
  • Prix : 25,90 €
  • Parution : 12 mai 2023
  • ISBN : 9782357991378

Résumé de l’éditeur : Le Marchand de Tapis de Constantinople est une magnifique histoire sur l’amour, la famille, la foi et le deuil. Elle raconte la vie de Zeynel, un homme ordinaire qui va rencontrer l’extraordinaire au cours de sa vie et de sa mort, et les conséquences de sa transformation en vampire. Né dans une famille renommée d’intellectuels, le jeune Zeynel rencontre Ayse, une anatolienne d’un petit village qui a de grands rêves. Alors qu’il est hésitant et pressé de suivre les exigences des autres, elle, au contraire, est sûre d’elle et sait précisément comment attendre son but. Leur rencontre est peut-être plus que de la chance… Vingt-cinq ans plus tard, Ayse est une femme d’affaire prospère, et Zeynel, son mari heureux. Mais lors d’un voyage, il joue au bon samaritain et aide un mystérieux voyageur, qui va causer sa perte… Entrainé de force dans des conséquences fâcheuses, il va devoir apprendre à se réconcilier avec sa malédiction et faire des sacrifices afin de protéger les gens qu’il aime, même si ça implique de sacrifier les choses auxquels il tient le plus.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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