Le peintre hors-la-loi

1793, Lazare Bruandet quitte Paris pour s’installer en forêt de Fontainebleau. Il ne fuit pas seulement le régime de La Terreur mais ses démêlés avec la justice. Frantz Duchazeau retrace cet épisode de la vie de ce peintre adepte de l’art de peindre en plein air dans son nouvel album intitulé « Le peintre hors-la-loi ».

Une terrible période historique.

Avec cet album sorti en mars 2021 chez Casterman, Frantz Duchazeau, l’auteur de « Mozart à Paris », nous plonge dans les affres de la Révolution française. En effet, à partir de 1793, le gouvernement révolutionnaire instaure La Terreur. Et ce sont sur les mots « Mort au roi » que nous assistons à la décapitation de Louis XVI, en ce 21 janvier 1793.

Lazare Bruandet, contrairement à de nombreux parisiens n’est pas allé assister à l’exécution. Il préfère passer du bon temps en galante compagnie. Mais en rentrant chez lui aviné, après un détour dans une auberge avec son ami Bertaux, le peintre va défenestrer sa femme, la pensant infidèle.

Un exil forcé en forêt de Fontainebleau.

Obligé de fuir la capitale, c’est en forêt de Fontainebleau qu’il va trouver refuge et s’adonner à ses deux passions le maniement de l’épée et celui du pinceau. C’est à l’abri de la violence ambiante qu’il va peindre l’art du paysage en plein air et trouver refuge chez des moines.

Mais même à l’abri de la violence de Paris, la quiétude est difficile à retrouver pour cet homme marqué par de douloureux souvenirs d’enfance.

Un peintre méconnu comme modèle pour Frantz Duchazeau.

Quel choix étonnant que celui de Lazare Bruandet, qui ne figure pas parmi les peintres français les plus connus ! Même si ses tableaux se trouvent dans de nombreux musées des Beaux-Arts, cet artiste est pourtant à la pointe du mouvement paysagiste. En effet ce mouvement trouvera son apogée vers 1820 avec l’école de Barbizon rassemblant des peintres qui, comme Lazare Bruandet, voulaient travailler au plus proche de la nature.

Frantz Duchazeau en retraçant une partie de la vie de ce peintre, nous permet de le découvrir à travers ses différentes facettes, celle du peintre visionnaire, mais également celle de l’homme tourmenté et violent.

Un dessin à l’image du « Peintre hors-la-loi ».

L’auteur avec son graphisme acéré a parfaitement redonné vie à Lazare Bruandet. Son visage émacié laisse transparaître, sans aucun doute possible, les tourments qui l’habitaient. Un style qu’on peut retrouver chez le peintre Bernard Buffet (1901-1985), qui lui aussi savait si bien mettre en valeur des visages marqués par les émotions.

Bernard Buffet : «Je ne suis vraiment heureux que lorsque je peins»

Vraiment très intéressant également de constater que dans cet album, seule la nature apporte de la tranquillité alors que la période ne s’y prêtait guère. Elle est omniprésente dans cet ouvrage puisque c’est elle le véritable modèle et l’inspiration principale de ce peintre naturaliste.

La colorisation de Drac met l’accent sur le rouge, très présent avec les uniformes des soldats, qui laisse imaginer l’importance de répression à cette période et le sang versé au nom de valeurs antagonistes. L’autre couleur très présente est le vert, comme l’est la nature, ce symbole d’évasion au propre comme comme au figuré pour le peintre et l’homme Bruandet.

Le peintre hors-la-loi : Un étonnant album à découvrir.

Il est parfois besoin de devoir lire deux fois un ouvrage pour mieux l’appréhender et le comprendre. Ce fut le cas en ce qui me concerne pour « Le peintre hors-la-loi ». La deuxième lecture m’a permis de faire abstraction de la violence de l’homme dans son époque pour mieux me concentrer sur le travail du peintre dans la nature.

Une belle découverte qui s’est donc faite en deux temps mais surtout qui m’a donné l’impression de sortir du chemin que j’ai l’habitude d’emprunter dans la bande dessinée.

« Chaque chose dans la nature donne à l’homme le fruit qu’elle porte… » Victor Hugo

Article posté le vendredi 21 mai 2021 par Claire Karius

Le peintre hors-la-loi de Frantz Duchazeau (Casterman)
  • Le peintre hors-la-loi
  • Auteur : Frantz Duchazeau
  • Coloriste : Drac
  • Editeur : Casterman
  • Prix : 20 €
  • Parution : 03 mars 2021
  • ISBN : 9782203202771

Résumé de l’éditeur : 1793. Louis XVI est condamné à mort tandis que la France est frappée par la Terreur, une véritable guerre civile qui met le pays à feu et à sang. Fuyant la capitale pour trouver refuge à la campagne, un écorché vif au regard inquiétant louvoie dans la forêt. C’est un étrange peintre que voici, dont le nom résonne comme un couperet : Lazare Bruandet a des gestes un peu fous, le verbe haut et le coup d’épée tranchant. Tiraillé par des souvenirs d’enfance douloureux, hébergé par des moines qui lui demandent de l’aide, Lazare tombe sous le charme d’une jeune aubergiste. L’homme a bien du mal à se retirer de ce monde dont la violence et la bêtise l’agressent, et pour tenter de s’y soustraire, il peint la nature qui le fascine, sans souci d’académisme et de postérité vis-à-vis de son œuvre.

À propos de l'auteur de cet article

Claire Karius

Passionnée d'Histoire, Claire affectionne tout particulièrement les albums qui abordent cette thématique, mais pas seulement. Elle aime également les lectures qui savent l'émouvoir et lui donnent espoir en l'Homme et en la vie. Elle partage sa passion de la bande dessinée dans l'émission Bulles Zégomm sur Radio Tou'Caen et sur sa page Instagram @fillefan2bd.

En savoir