Lodger

Dante. La beauté du diable et le nom de l’enfer… David et Maria Lapham nous racontent son histoire, celle du locataire démoniaque dans Lodger, un fantastique thriller macabre.

Lodger : le locataire venu de l’enfer.

Ce jour-là fut sans aucun doute le jour le plus chaud jamais recensé à Elroy, en Arizona. Et pourtant, ce n’est pas parce que le thermomètre atteignit 59 ̊C que la jeune Ricky Toledo le gardera à jamais gravé dans sa mémoire. Non… Si cette journée hante sa mémoire, c’est parce que c’est à cette date précise que Dante frappa à sa porte pour louer une chambre à ses parents.

Et en réalité, elle le sait, si la petite ville d’Elroy s’est transformée en fournaise, c’est parce que l’Enfer a ouvert ses portes. Et c’est à ce moment précis qu’un monstre au visage d’ange en a profité pour s’échapper. Malheureusement pour elle et sa famille, c’est à sa porte qu’il frappa.

Dès lors, elle le suit à la trace. Car elle sait que tôt ou tard, elle le retrouvera. Et alors, elle pointera sur lui Golddigger, son Smith & Wesson 45 en or, et  appuiera sur la gâchette.

Le style Lapham.

Indéniablement, les cinq épisodes qui constituent Lodger portent la pâte du couple Lapham (Stray Bullets). Dès les premières pages, en effet, l’usage d’un noir et blanc, fait de contrastes et de clairs-obscurs, permet de nous plonger dans une ambiance pesante et moite. La construction des planches, parfaitement régulière, guide le lecteur à un rythme machiavéliquement lent. Car ne nous y trompons pas, dans Lodger, ce sont les époux Lapham qui tiennent les rênes. Et pour accéder aux subtilités de l’œuvre, le lecteur va devoir être attentif.

Lodger : L’art de jouer avec son lecteur.

Il faut bien l’avouer, la narration labyrinthique adoptée par David et Maria Lapham a de quoi perturber le lecteur, même averti. Analepses, prolepses, ellipses, voix hors champ… Les procédés d’écriture se multiplient, se mêlent et s’entre-mêlent dès les premières pages. Et manifestement, le duo de scénaristes prend un malin plaisir à dévoiler son intrigue de manière absconse. Mais indéniablement, c’est un des points forts de l’œuvre. Car bien vite, on trouve un réel intérêt à tenter de démêler ce qui a première vue semblait inextricable. Ainsi, on tourne les pages, désireux de connaître la suite, mais aussi dans la crainte de voir apparaître ce qu’on redoute. Ainsi, inlassablement, aux côtés de Ricky, l’anti-héroïne à la psychologie si torturée, nous parcourons l’Amérique, sur les traces de Dante, le bien-nommé. Car sur ce point aussi, nous ne sommes pas au bout de nos surprises.

Fantastique thriller ou thriller fantastique ?

En effet, il apparaît rapidement que Lodger est un thriller ayant pour moteur principal la vengeance. Néanmoins, au fur et à mesure que l’intrigue se développe, certains détails, certains symboles nous perturbent. Ainsi, dans la plus pure tradition du récit fantastique, le lecteur est amené à douter de ce qu’il voit, de ce qu’il comprend. Et à ce titre, Lodger fait partie des rares œuvres qui nous invitent à la relecture. En effet, une fois qu’on tourné la dernière page de cette œuvre magistrale , on ressent un besoin irrépressible de vérifier, de confirmer, de compléter. En un mot : de se rassurer face à l’horreur. Comme si c’était encore possible…

 

Lodger, dernier né de la collaboration des époux Lapham, est une œuvre forte. Aussi exigeante que passionnante, cette œuvre parue chez Delcourt, nous entraine dans un road trip infernal dont à coup sûr, personne ne sortira indemne, pas même le lecteur.

Article posté le lundi 27 novembre 2023 par Victor Benelbaz

Lodger de Maria Lapham et David Lapham (delcourt)
  • Lodger
  • Scénariste : Maria Lapham, David Lapham
  • Dessinateur : David Lapham
  • Traducteur : Hélène Remaud-Dauniol
  • Editeur : Delcourt
  • Prix : 15,95 €
  • Sortie : 13 septembre 2023
  • ISBN: 9782413080091

Résumé de l’éditeur : Ricky Toledo avait quinze ans lorsqu’elle est tombée amoureuse d’un beau et ténébreux vagabond qui louait une chambre dans sa maison familiale. Puis le bellâtre a tué sa mère et fait en sorte que son père soit envoyé en prison pour ce meurtre. Trois ans plus tard, Ricky ne recule devant rien pour se venger. Et la jeune femme brisée est accompagnée de son fidèle compagnon – un Smith et Wesson 45 en or nommé Golddigger…

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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