Sarami, Princesse de l’Enfer : Bulldozer Kawaii

« She’s alive, alive ! » hurlait transi l’acteur Colin Clive dans le film La Fiancée de Frankenstein. C’est aussi ce qu’on pourrait affirmer face à l’énergie de Sarami, personnage haut en couleurs et héroïne d’une série d’histoires folles récemment publiées aux éditions Misma.

Sous titré « Princesse de l’enfer », le recueil des aventures de Sarami raconte tout sauf l’itinéraire torturé d’une jeune femme condamné à errer au royaume d’Hadès. Alors que sa vie de princesse la prédestine à reprendre le trône de son père, Sarami décide de quitter l’ennui des profondeurs pour rejoindre notre monde et s’en nourrir. 

Avec elle, un bagage d’envies aussi diverses que variées : mannequin professionnelle, actrice, dessinatrice. Sarami pense même ouvrir une boite de production et créer son contenu multimédia. Elle veut surtout vivre son adolescence à même le dos d’une fusée et traverser les opportunités qui s’offrent à elle avec le plus large sourire.

BEAUTIFUL LOSERS

A son arrivée, elle rencontre Pyonko, mignonne petite lapine qui vient tout juste d’ouvrir son restaurant, Steak Juu Juu, établissement loin d’être spécialisé dans la carotte. Nos deux amies se lient d’amitié et Sarami est aussitôt embauchée en tant que serveuse. 

Accompagnée des deux serpents qui lui serve de coiffure, elle va alors vivre une série d’aventures loufoques entre séances de casting improbables, leçons d’apprentissage pour devenir la mort, soutien d’une vieille dame pour retrouver son chat ou encore ses attentions pour Billy, le livreur de viande de boeuf du restaurant dont elle est éperdument tombée amoureuse. 

Autour d’elle va graviter une galerie de personnages tout aussi barrée : Plum, la voisine sympa qui ressemble à un raisin sec passé à la machine à laver, Billy, le beau livreur déjà cité, l’égocentrique roi des enfers mais aussi Dolon, le détective privé, sorte de décalque du Rorschach de Watchmen ou encore Buff, son boeuf à tête de mort violent qu’elle seule à réussi à domestiquer. Cette bande de looser magnifiques rappelle aux travaux du grand Shigeru Mizuki, son héros Kitaro et ses Yokai zinzin. On y retrouve l’esprit d’équipe, la fraternité qui lie les personnages tant dans les questionnements, que dans l’amour qu’ils se portent. 

TORNADE MIGNONNE

L’atout charme de ces histoires est évidemment notre héroïne au « mauvais caractère, égoïste et qui ne veut pas vivre si elle doit s’arrêter » , selon les mots de son auteur. S’arrêter n’est en effet pas son maitre mot car Sarami est un bulldozer, un bulldozer kawaii mais un bulldozer quand même détruisant à peu près tout ce qui se trouve sur son passage dès lors qu’elle a déterminé l’objectif à atteindre dans sa journée. Mais la fraicheur de ces histoires ne tient pas uniquement au fait que notre personnage principal soit un tracteur à chenilles à mi chemin entre Paris Hilton et Buffy Summers.

Adoubés par cette énergie, les récits menés tambour battant font preuve d’un efficace sens du rythme et du découpage. Le trait de Sekaiichi Asakura suit la logique mouvante de Sarami et aime s’étaler dans de grandes cases qui défrisent autant que de dans de minuscules apartés. Son style sait insuffler avec trois coups de crayons un esprit qui correspond tout à fait a notre héroïne, aussi naïf qu’absurde, aussi sincère que brut. Seul bémol, le manque d’arc narratif global qui aurait permis une plus forte adhésion aux différents personnages. En l’état, l’enchainement de saynètes, bien qu’il n’exclue ni la réflexion, ni l’émotion, notamment lorsque Sarami se met en quête de sa mère humaine sur fond de suicides ratés, fini parfois par lasser.

DIABLE POP

Peu représenté chez nous, sinon via cette sortie, Asakura reste considéré comme l’un auteur phare du manga contemporain. Initialement diffusées entre 2000 et 2001 dans différents types de magazines, avant que cette intégrale ne voit finalement le jour, les aventures de Sarami parle de sujets aussi immatures qu’adultes. Difficile donc de lui donner un public cible et au diable les étiquettes. Asakura trouve avec ce nouveau travail éditorial de Misma un écrin à la mesure des démesures de son héroïne, objet à la couverture tout en couleurs pop assumées, dans laquelle les flammes de l’enfer se dessinent dans un rose du plus bel effet. 

Article posté le mercredi 19 octobre 2022 par Rat Devil

Sarami princesse de l'enfer de Sekaiichi Asakura (Misma)
  • Sarami, Princesse de l’Enfer
  • Auteur : Sekaiichi Asakura
  • Editeur : Misma
  • Prix : 18€
  • Parution : 09 septembre 2022
  • ISBN : 978-2-916254-88-3

Résumé de l’éditeur : Sarami est une princesse. Mais pas n’importe quelle princesse ! Son père, c’est le Roi des Enfers et elle a un look d’enfer : deux serpents sur la tête en guise de couettes, des collants toile d’araignée, des santiags en peau de croco, des tops à motifs chauves-souris et toute une collection de ceinturons tête de mort. Mais Sarami s’ennuie ferme au royaume des morts et rêve d’aller voir ce qu’il se passe de l’autre côté dans le monde des vivants. La succession au trône, très peu pour elle, ce qu’elle veut c’est devenir mannequin professionnelle, ou actrice, et pourquoi pas dessinatrice… Elle décide de faire le mur et débarque sur Terre…

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