Entretien avec Véro Cazot

Comixtrip continue sa série d’entretiens avec des autrices et après Lou Lubie, c’est au tour de Véro Cazot de répondre aux questions de Yoann @livressedesbulles dans le cadre de son live diffusé le 10 février 2021.

Qui es-tu Véro Cazot ?

Les présentations ça commence toujours au début, alors que ce serait plus cool que ce soit à la fin ! 

Je suis scénariste de bande dessinée après avoir été scénariste de fictions pour la télé et le cinéma.

Mais c’est très difficile d’arriver au bout d’un projet, les résultats sont très incertains. C’est un domaine très aléatoire, c’est pour cela que je suis venue à la bande dessinée.

Quel est ton parcours ?

Le système scolaire ne me correspondait pas et j’ai voulu très tôt être indépendante. J’ai été coiffeuse, évidemment ça n’a rien à voir avec la bande dessinée. Très vite, ça ne m’a pas plu mais cela m’a permis de vivre pendant 10 ans. Mais, je n’étais pas épanouie.

À 25 ans, j’ai commencé à m’intéresser à la culture, j’ai passé mon bac en candidate libre, puis j’ai été acceptée pour une formation de scénariste à 30 ans.

Quelle est ta première bande dessinée?

Un diptyque en 2011 chez Fluide Glacial “On l’appellera Simone” et “Celle qui ne voulait pas d’enfant”

C’était simple, j’étais novice. J’ai trouvé une dessinatrice, Madeleine Martin et un éditeur assez rapidement parce que c’était un sujet de société.

 Acheter Et toi, quand est-ce que tu t'y mets ? Véro Cazot et Madeleine Martin (Fluide Glacial)  Acheter Et toi, quand est-ce que tu t'y mets ? Véro Cazot et Madeleine Martin (Fluide Glacial)

Quelles sont tes influences ?

Je suis passionnée par les séries. À mes débuts j’étais fan de Michel Gondry. J’aime tout ce qui parle d’univers parallèles. J’ai commencé à aimer la bande dessinée avec Manu Larcenet “Le combat ordinaire”,  “Magasin général” de Régis Loisel et Jean-Louis Tripp pour son côté très humain, Camille Jourdy avec “Rosalie Blum” ou encore Pascal Rabaté.

Actuellement, il y a plein d’autrices que je pourrais citer comme Carole Maurel ou Chloé Wary. J’adore la bande dessinée, j’en lis beaucoup. Alfred également.

Comment travailles-tu lors d’une journée type ?

Je me réveille assez tôt et je travaille toute la matinée dans mon lit, dans ma chambre. C’est l’endroit où je suis le mieux le matin. Depuis le confinement, je travaille encore plus, mais je rame parfois, alors je me force à aller marcher après le déjeuner pour ne pas me ramollir.

Vers 16h, je me remets à travailler.

Depuis sept mois, je suis sur le découpage de scènes pour une adaptation libre de roman. Ça me prend un temps fou et je n’arrive pas à réfléchir à d’autres projets.

En parallèle je reçois des storyboards de Lucy Mazel sur le tome 3 d’Olive et on se concerte sur Skype. 

Comment fais-tu aujourd’hui pour proposer un nouveau projet à un éditeur?

J’envoie toujours un projet assez complet, un gros synopsis. Je suis incapable d’envoyer un projet en deux pages.

J’avance donc toute seule dans mon coin, parce que je déteste avoir une deadline trop serrée. 

Tout ce que je vais faire avec les dessinateurs va me prendre du temps, mais j’ai une base solide. Je dis plus facilement les choses à l’écrit, j’apprends à pitcher.

Est-ce un choix de ne travailler qu’avec des dessinatrices et pas des dessinateurs ?

Et c’est même un hasard qu’elles viennent toutes du Canada sauf actuellement Lucy (Mazel).

Je les ai choisies pour leur travail, pas parce qu’elles étaient des femmes. À talent égal, je préfère travailler avec des femmes. Mais ce n’est pas une volonté absolue de ma part.

C’est tellement compliqué de trouver un.e dessinateur.rice que je ne vais pas me mettre des bâtons dans les roues, en ne voulant travailler qu’avec des femmes. 

Avec l’éditeur, on contacte les dessinateur.rices mais on a vite des refus car ils.elles sont très occupé.e.s. En général, c’est moi qui fait les recherches et c’est une galère absolue quand on n’est que scénariste pour trouver des dessinateur.rices. En plus, je suis super exigeante sur la qualité du dessin. Je ne veux pas faire de la bande dessinée à tout prix et je suis vite coincée parce qu’il n’y en a pas tant que ça.

Je mets parfois un an ou deux pour trouver quelqu’un. Au-delà, les projets tombent à l’eau.    

Peux-tu nous parler de Betty Boob qui a reçu le Prix BD FNAC et qui a été nominé aux Eisner Awards ?

Sans Julie Rocheleau, je ne pense pas que la bande dessinée aurait existé. Elle seule était capable de créer un univers aussi burlesque avec un dessin aussi expressif puisqu’il n’y a pas de dialogues. Elle a une imagination sans limite. 

Au départ, je n’avais pas décidé de le faire en muet. Je voulais aborder ce sujet mais prendre de la distance grâce à l’humour, que ce soit quelque chose de très positif et très énergique. Mais le muet était l’écriture idéale pour cet album.

Mon idée principale n’était pas de parler de maladie mais de la perte d’une normalité, ici un sein. Sortir des normes de la beauté qu’on nous impose. C’est vrai que la maladie apporte une force à l’histoire.

Betty Boob de Véro Cazot et Julie Rocheleau (Casterman) décrypté par Comixtrip le site BD de référence  Betty Boob de Véro Cazot et Julie Rocheleau (Casterman) décrypté par Comixtrip le site BD de référence

Et de cet autre album Les petites distances écrit avec Camille Benyamina  ?

J’ai un rapport particulier avec cette histoire que j’aime beaucoup, je l’ai énormément travaillée, peut-être trop. J’ai écrit la première version il y a 15 ans, j’aurais aimé en faire un film. 

Je voulais raconter une comédie romantique, une histoire légère sur l’invisibilité, pas quelque chose de glauque. Rien à voir avec l’invisibilité au cinéma.

Il devait sortir avant Betty Boob mais il est finalement sorti après et je pense que Betty Boob l’a bien aidé pour les ventes.

Les petites distances de Véro Cazot et Camille Benyamina (Casterman) Les petites distances de Véro Cazot et Camille Benyamina (Casterman)

Ton actualité c’est Olive tome 2  « Allo la terre », peux tu nous en parler ?

Le tome 1 est sorti en mars 2020 juste avant la fermeture des librairies pour cause de coronavirus, mais on va le relancer en février avec la sortie du tome 2.

C’est difficile, sans l’appui des libraires, de faire connaître une nouvelle bande dessinée. Le tome 2 devait lui sortir en septembre 2020 et a été reporté à février 2021.

C’est l’histoire d’une fille pas très sociable, fermée aux autres mais qui a un refuge intérieur, un monde imaginaire dans lequel elle a grandi, elle a évolué. 

La phrase clé de cette histoire est la suivante “Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas les choses, qu’elles n’existent pas”.

Elle a un peu des troubles autistiques mais a une vie intérieure très riche où elle contrôle tout. Quand débarque dans son monde un astronaute, dont la capsule s’est perdue, parce qu’elle n’a pas atterri au bon endroit, tout est bouleversé. Mais comment un homme peut-il arriver dans sa tête ? Et la seule personne qui peut, peut-être, retrouver cet homme, c’est Olive.

Olive de Véro Cazot et Lucy Mazel (Dupuis) Olive de Véro Cazot et Lucy Mazel (Dupuis)

Pourquoi ce choix d’une série en 4 tomes ?

C’est vrai qu’on aurait pu faire un gros bouquin d’environ 220 pages mais économiquement c’est très compliqué, avec des dessins de la qualité de ceux de Lucy (Mazel), on aurait travaillé 4 ans sans rien sortir, ce n’est pas vivable. De plus, cette histoire se découpait bien en quatre parties, quatre albums différents dans le rythme, dans le style du récit. Le premier est sur le monde du personnage, c’est le plus intimiste.

Le deuxième  permet de mieux découvrir Olive, sa relation avec les autres et cet astronaute. Dans le troisième tome, Olive est obligée de s’ouvrir au monde. Et le quatrième, je l’ai imaginé comme de la pure aventure. 

Quand vont sortir les prochains tomes ?

Le tome 3 est presque fini, il sort en septembre 2021. La sortie du tome 4 est prévue pour septembre 2022.

Est-ce qu’Olive ne ressemblerait-elle pas à la jeune Véro Cazot ?

Je peux être bavarde et extravertie, mais la plupart du temps je suis comme Olive, j’ai du mal à m’exprimer en public.

Parfois je suis dans ma tête et j’ai du mal à décrocher quand on me parle. Le fait d’écrire fait qu’on est souvent fermé.e.s dans nos têtes à imaginer des trucs. Je suis plus sociable, ne serait-ce qu’en raison de mon précédent métier (coiffeuse). Mais ça va, je me débrouille à peu près.

Le fait qu’Olive mette ses vêtements à l’envers, c’est un truc systématique chez moi.

Pourquoi avoir changé d’éditeur ?

Pour une bande dessinée ado/adulte comme Olive, je ne pouvais pas rêver mieux que Dupuis. Je leur ai présenté l’album en premier. Pour la communication, ils sont vraiment extraordinaires, c’est une super maison d’édition. Le métier d’éditeur est très difficile et il doit t’accompagner, pas uniquement lors de la signature du contrat mais réfléchir avec une équipe derrière, à qui va trouver les meilleures solutions pour chaque projet et pour le mettre en avant.

Je suis exigeante pour les dessinateurs mais également pour les éditeurs. Je ne cherche pas à placer un album n’importe où, à tout prix.

Qu’est-ce que ça apporte une prépublication dans Spirou magazine ?

C’est une belle vitrine, je ne sais pas ce que cela apporte en termes de vente. On espérait cette prépublication dans le magazine.

A priori 120 000 lecteurs, c’est énorme, c’est un vrai coup de pouce quand tu n’es pas très connu.

Veux-tu ajouter quelque chose de plus sur Olive ?

Qu’ajouter de plus, Olive c’est super, il faut vraiment la lire jusqu’au bout. Je l’ai imaginée il y a longtemps, j’ai besoin de beaucoup mûrir les histoires. C’est une histoire à laquelle je tiens beaucoup. 

Quels sont tes projets ?

Depuis sept mois, je travaille avec une jeune dessinatrice italienne sur l’adaptation, chez Albin Michel, d’un roman assez récent intitulé “Le bal des folles” de Victoria Mas. Je ne peux pas en dire plus, mais ce sera un album de 120 pages qui sortira à la fin de cette année puisqu’il est presque fini.

En parallèle, je travaille sur un gros album pour Dupuis Aire Libre, avec une autre dessinatrice, un projet qui s’appelle “Le champ des possibles” c’est une histoire d’amour, de mondes parallèles, une histoire qui me tient à cœur. J’ai hâte, mais ça va être long. Je pense qu’on va mettre trois ans à la faire. Il faudra être patient mais il y aura d’autres choses qui sortiront avant comme le tome 3 : “Sur les traces du Nerpa” et le tome 4 d’Olive “Retour sur Terre”.

Pour conclure, peux-tu nous dire quelle est ta dernière lecture ?

“Après la psy, le beau temps” d’Anne Rouquette et Théa Rojzman sorti en février chez Fluide Glacial.

 

Cet entretien et sa retranscription ont été réalisés en collaboration avec Claire @fillefan2bd dans le cadre du live qui s’est tenu le mercredi 03  février sur la page Instagram de Yoann @livressedesbulles .
Vous voulez en savoir plus, n’hésitez pas à regarder la vidéo ci-contre.
Article posté le dimanche 07 mars 2021 par Claire & Yoann

Olive de Véro Cazot et Lucy Mazel (Dupuis)
  • Olive – Une lune bleue dans la tête (1/4)
  • Autrice & Scénariste : Véro Cazot
  • Dessinatrice : Lucy Mazel
  • Éditeur : Dupuis
  • Prix : 12,50 €
  • Parution : 06 Mars 2020
  • ISBN :  9782800174983

Résumé de l’éditeur : Olive, c’est l’histoire d’une fille de 17 ans, très timide et renfermée mais à l’imagination débordante. Un jour dans le monde onirique qu’elle s’est créée au fil des années débarque Lenny, un spationaute blessé et malade. Que fait donc cet homme dans son espace réservé où personne n’est jamais invité ?

De jeune fille introvertie à aventurière inconsciente, une quête initiatique palpitante et sensible.

Olive de Véro Cazot et Lucy Mazel (Dupuis)
  • Olive – Allo la terre ? (2/4)
  • Autrice & Scénariste : Véro Cazot
  • Dessinatrice : Lucy Mazel
  • Éditeur : Dupuis
  • Prix : 12,50 €
  • Parution : 012 Février 2021
  • ISBN :  9791034739462

Résumé de l’éditeur : Un jour dans le monde onirique qu’Olive s’est créé au fil des années débarque Lenny, un spationaute blessé et malade. Que fait donc cet homme dans son espace réservé où personne n’est jamais invité ? Olive est encore plus perturbée quand elle se rend compte que Lenny existe vraiment dans la vie réelle et que la capsule qui le ramenait d’une mission spatiale s’est écrasée quelque part sur terre. Mais personne ne sait où précisément. Avec l’aide de Charlie, sa nouvelle compagne d’internat très extravertie, Olive va devoir se faire violence pour sortir de sa zone de confort et partir à l’aventure pour tenter de sauver la vie de Lenny…

À propos de l'auteur de cet article

Claire & Yoann

Claire Karius @fillefan2bd & Yoann Debiais @livressedesbulles , instagrameurs passionnés par le travail des auteurs et autrices de bandes dessinées, ont associé leurs forces et leurs compétences, pour vous livrer des entretiens où bonne humeur et sérieux seront les maîtres-mots.

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