À l’occasion de cette 42e édition du festival Quai des Bulles à Saint Malo, la rédaction de Comixtrip a rencontré l’équipe artistique d’Oxymore, dont les collections Métamorphose et Noctambule sont dirigées par Barbara Canepa et Clotilde Vu.
La parfaite occasion pour découvrir en direct le catalogue et redécouvrir les auteurs de cette nouvelle maison d’édition. Cette première interview nous a permis d’aller à la rencontre de Bastien Quignon, le dessinateur de la série Sacha et Tomcrouz scénarisée par Anaïs Halard, pour la sortie du tome 5 : Chez les Mayas.
Bastien, peux-tu nous parler de ce 5e tome de ta série Sacha et Tomcrouz ?
Sacha est accompagné de son pire ennemi Taran chez les Mayas. Il a une bonne piste pour retrouver son père et ils vont essayer d’échapper aux sacrifices humains. Tomcrouz est d’ailleurs adulé par les Mayas.
Comment est née cette série dont Anaïs Halard est la scénariste ?
Elle est née par pur hasard. Une rencontre sur réseau social. Je cherchais le numéro de téléphone d’une coloriste qu’Anaïs avait. Par la même occasion, elle m’a demandé si j’étais disponible pour travailler avec elle. Comme je n’avais rien à ce moment, je lui ai dit qu’on pouvait bosser ensemble.
Quand elle m’a demandé ce que j’aimerais dessiner, je lui ai répondu un chien moche, Tomcrouz qui ne s’appelait pas ainsi à la base. Elle m’a dit qu’elle allait inventer une histoire avec un chien. Je lui ai dit que j’aimerais aussi du voyage et du fun. Elle est revenue avec ce concept d’un chien qui voyage dans le temps.
« On peut tout se dire, que ce soit sur le dessin ou sur l’histoire »
Et humainement comment s’est faite votre rencontre ?
Ça a collé très vite, Anaïs m’a invité à Paris pour commencer à écrire à deux. Autour d’un apéro, c’est forcément très joyeux. Et elle est devenue une amie. Il n’y a pas d’égo entre nous quand on travaille. On peut tout se dire, que ce soit sur le dessin ou sur l’histoire. Ça ne m’embête pas de recommencer si besoin. L’écriture est un ping-pong. Anaïs m’envoie une suite dialoguée avec peu de descriptifs visuels et moi je viens pirater tout cela. Je dynamite son histoire, j’ajoute des éléments, des gags, des personnages. C’est comme cela que ça se construit à chaque fois.
Qu’est-ce que cela vous apporte de travailler ainsi ?
On a envie de se surprendre l’un l’autre à chaque fois. Je vais dans la surenchère de son idée avec mon dessin. Et elle me corrige avec de la ponctuation et du rythme dans le séquentiel. C’est un vrai jeu de rôles pour faire avancer l’histoire à deux.
Et c’est ainsi que vous avancez tous les deux sur Sacha et Tomcrouz.
Sur le tome 2, À la cour du roi, Anaïs m’a dit que j’étais trop sur mes acquis et elle a voulu me faire faire des décors. Elle m’a donc mis en scène Versailles.
Pour le tome 6 qui se situera dans le futur en Bretagne, ce sera plus compliqué. Il faudra reconnaître la Bretagne, donc que je me l’approprie pour en faire quelque chose de loufoque avec des robots bigoudens.
Votre collaboration est donc basée sur une certaine liberté.
Anaïs n’écrit pas son histoire d’une traite. Elle me l’envoie par chapitres et comme j’ajoute des éléments, elle est obligée de raccorder tous ces wagons au train de l’histoire. Mais je pense que pas mal de duos fonctionnent ainsi. Quand on commence à bien se connaître, il y a une connivence.
« J’ai peut-être une progression dans mon dessin, qui s’explique par le retour des éditrices »
Est-ce que tu as senti l’évolution graphique dans ton dessin entre le tome 1 et le tome 5 ?
J’ai peut-être une progression dans mon dessin, qui s’explique par le retour des éditrices. Surtout Barbara Canepa qui est assez méticuleuse sur le dessin et toujours de bon conseil. Donc pour gagner en lisibilité, j’ai suivi ses conseils. Avec un travail sept jours sur sept, le dessin évolue.
Dans tes albums précédents, ton univers graphique était différent.
C’est parce que je me cherchais. Le fait d’asseoir un graphisme avec Sacha m’a permis de creuser mon dessin jeunesse. Et pour notre prochain album avec Anaïs, on va même aborder un sujet adulte, une histoire vraiment très sérieuse. Il va donc falloir retravailler un graphisme, sans pour autant trahir mon univers. Il faudra casser la douceur et la rondeur du trait.
L’histoire prime avant tout, il faut donc adapter le dessin à l’histoire. Il ne faut pas transférer le graphisme d’une histoire à une autre.
Comment s’approprie-t-on une série ?
On finit par connaître les personnages par cœur, les mimiques, la façon de se déplacer. À chaque nouvel album, le défi c’est l’ambiance puisqu’il s’agit d’époques et de pays différents.
En fait, je travaille plus longtemps sur la colorisation, que sur le dessin en lui-même. Afin de trouver les tons qui s’adaptent à l’époque et à ses codes.
Donc on peut imaginer que ces changements nécessitent beaucoup de recherches ?
Je trouve plus intéressant de faire à chaque fois des recherches pour mon personnage, plutôt que de l’habiller toujours de la même manière. Je me lasserais si je le dessinais en permanence avec sa chemise et son jean.
Cette fois, il porte une cape et une couronne de Mayas.
Quelle est l’importance du travail de la directrice de collection sur cette série ?
J’ai eu un professeur pendant quatre ans aux Beaux-Arts. Maintenant, c’est Barbara Canepa qui est à nouveau mon professeur. Elle me donne des astuces pour mon dessin et ma couleur. Je remets peu en question sa parole et au-delà de la directrice de collection, c’est avant tout une collègue.
D’ailleurs, on travaille ensemble sur un autre projet. Pour Au chant des grenouilles, elle est une autrice qui scénarise l’histoire que je vais dessiner. En sachant qu’elle est aussi dessinatrice. Donc pour moi, on est au même niveau.
« Je ne connaissais pas la collection Métamorphose avant d’y travailler. J’ai donc appris à la connaître par la suite »
Est-ce qu’il y a une certaine exigence à travailler pour une collection telle que Métamorphose ?
Pour être honnête, quand j’ai été approché par Barbara, je ne savais pas que c’était Barbara Canepa. C’est Anaïs qui m’a rappelé à l’ordre en me disant que c’était Barbara Canepa et qu’il fallait que je lui envoie un dossier. Je ne réalisais pas, mais je connaissais son travail. J’avais ses bandes dessinées quand j’étais adolescent.
Je ne connaissais pas la collection Métamorphose avant d’y travailler. J’ai donc appris à la connaître par la suite.
Qu’est-ce que cela change pour toi que la collection soit passée chez un nouvel éditeur, Oxymore ?
Pour moi, ça ne change rien du tout. Ce sont les mêmes éditrices, c’est le même accompagnement. Je ne vois pas de différences. Nos liens directs sont Barbara et Clotilde (Vu). Je leur ai fait totalement confiance quand elles ont décidé de quitter Delcourt. J’ai toujours travaillé avec elles et je ne voulais pas travailler avec quelqu’un d’autre pour la fin de la série.
Donc vous n’avez pas vu de changement également sur l’objet livre.
Les albums sont restés fidèles à la série, on n’a pas vu de différences dans le façonnage des livres. Les couvertures sont toujours aussi exigeantes, c’est d’ailleurs ce qui me prend le plus de temps. En terme de quantité de travail, par rapport à une planche, la couverture peut nécessiter deux semaines. Je peux faire dix versions de la couverture avec le même dessin mais avec différents calibrages de couleurs ou de motifs.
« Ça me fait un peu mal au cœur d’arrêter de le dessiner parce que je m’amuse bien avec lui »
La fin de Sacha et Tomcrouz est donc définitivement actée avec ce tome 6 ?
Oui j’ai envie de travailler sur autre chose. Anaïs et moi, on a des envies communes ou séparées. J’ai une envie de série avec un copain dans un univers totalement différent. J’ai été approché par d’autres éditeurs, mais rien n’est amorcé.
Et si Anaïs a de la suite dans les idées, peut-être que Sacha reviendra. Ça me fait un peu mal au cœur d’arrêter de le dessiner parce que je m’amuse bien avec lui. Et j’ai la crainte de ne pas m’amuser en passant sur de nouveaux projets.
C’est comme quand on se sépare de quelqu’un, on cherche une nouvelle âme sœur, mais on n’est pas sûr que cela fonctionne. C’est pareil avec un ou une scénariste. Mais c’est important de varier les collaborations pour travailler différemment et développer d’autres registres.
Est-ce que tu as déjà la date de sortie pour le tome 6 de Sacha et Tomcrouz ?
Il me semble que ce sera pour octobre 2024. En ce qui concerne l’avancée, j’ai commencé le storyboard. Comme on écrit au fur et à mesure, Anaïs est censée rebondir sur mon premier chapitre.
Merci Bastien Quignon de nous avoir accordé cette interview pour nous parler de la sortie du tome 5 de la série Sacha et Tomcrouz, Chez les Mayas.
Interview réalisée le vendredi 27 octobre 2023 au festival Quai des Bulles par Fabrice Bauchet et Claire Karius
Retranscription et mise en page par Claire Karius
- Sacha et Tomcrouz, tome 5 : Chez les Mayas
- Scénariste : Anaïs Halard
- Dessinateur : Bastien Quignon
- Editeur : Oxymore, collection Métamorphose
- Prix : 18,95€
- Parution : 11 octobre 2023
- IBAN : 9782385610036
Résumé de l’éditeur : Sacha Bazarec vit avec sa mère, antiquaire. Pour ses dix ans, il rêvait d’un rat, mais à la place, sa mère lui a offert un chihuahua, baptisé Tomcrouz. Depuis qu’il a léché une mystérieuse gelée, un phénomène étrange se produit : lorsque Tomcrouz éternue sur un objet ancien, s’amorce un voyage à travers le temps… C’est le jour J, Sacha et sa classe visitent leur futur collège. Mais son objectif, c’est la fête de fin d’année où il rêve d’inviter Jade.
Encore lui faut-il écarter son rival, Taran, que sa mère a osé inviter à dîner. Mais le pire reste à venir : Tomcrouz éternue sur les plumes de la chemise du père de Sacha, les transportant, avec Taran, chez les Mayas ! Eviteront-ils un sacrifice ? De nouveaux indices mettront-ils Sacha sur la trace de son père mystérieusement disparu ? …