Au cimetière du Père-Lachaise trône le mausolée d’Adolphe Thiers. Comme le Sacré-Coeur, c’est un affront aux Communards fusillés ! Jacques Tardi, en 25 images, rend hommage à ces femmes et ces hommes ayant voulu imaginer un nouveau monde en rupture avec l’ancien temps dans 20 ans en mai 1871. Fabuleux !
Thiers et la Commune
D’Adolphe Thiers, on retient qu’il fut le premier président de la IIIe République. Né en 1797, cet historien-journaliste-avocat fut également celui qui réprima dans le sang la Commune. Le politicien fit tirer sur ces hommes et ces femmes insurgé.es. 15 000 d’entre eux périrent par les armes.
Le 27 mai 1871, soit l’avant-dernier jour de la révolte, les Communards encerclés par l’armée tentent de résister au cimetière du Père-Lachaise. Les Versaillais – loyalistes à Thiers – font fusiller 147 d’entre eux. Ce mur d’enceinte des martyrs de l’Insurrection communarde – le mur des Fédérés – devient alors un lieu de recueillement de la gauche et des anarchistes.
De la mémoire de la Commune
Sept ans après les massacres, Adolphe Thiers décède. Il laisse derrière lui cette trace indélébile. Il fut alors construit un mausolée à sa gloire au Père-Lachaise. Comme un ultime affront aux insurgés tombés au combat.
Pourtant, cet imposant monument est marqué à vie par trois mots gravés dans le marbre : « Vive la Commune. » S’ils semblent aujourd’hui quasi effacés, ils ne peuvent pas effacer de la mémoire des Français.es et des Historien.nes ce combat pour un État plus juste. Louise Michel, Jules Vallès, Gustave Courbet ou André Léo témoignent encore de ces plus de deux mois de révolte.
Avoir 20 ans en mai 1871
Un vieil homme monte dans un train, puis prend le métro et pénètre dans le cimetière du Père-Lachaise. Lui qui eut 20 ans en mai 1871 sait très bien où il se rend. Sa mémoire est intacte malgré le poids des ans et une mort qui rôde.
Mais où va-t-il ? Pourquoi son pas chancelant est pourtant si déterminé ?
20 ans en mai 1871 : une performance en 25 images
Jacques Tardi a accepté le défi de raconter une histoire sans texte en 25 images. Comme le nom de la collection – 25 Images des éditions Martin de Halleux – d’autres avant lui s’y sont essayés : Thomas Ott, Joe Pinelli, Lucas Harari et Nina Bunjevac.
Pour entrer dans ce très joli label, l’auteur des superbes adaptations de Nestor Burma a décidé de rendre hommage à la Commune, lui l’anarchiste de gauche. Parce que les vrai.es hommes et femmes de gauche vouent un culte à ces deux mois où le bouillonnement intellectuel, culturel et ouvrier fut porté à son paroxysme.
A l’image de Frans Masereel (Idée), graveur sur bois né en Belgique en 1889 et décédé à Avignon en 1972, Jacques Tardi dessine avec tout son talent une histoire d’un vieil homme revanchard. S’il n’utilise pas la gravure sur bois, il fait glisser avec maestria ses pinceaux et sa plume sur ses magnifiques pages.
Avoir 20 ans en mai 1871 éternellement
Avec 20 ans en mai 1871, Jacques Tardi nous fait entrer dans le cimetière du Père-Lachaise, un lieu devenu touristique pour les nombreuses tombes de personnalités. Les écrivains se mêlent aux chanteuses, aux poètes et aux politiques.
L’auteur né en 1946 à Valence connaît bien ce lieu de repos éternel puisqu’il s’y promène souvent en tant que voisin. Le cimetière figure aussi fréquemment dans Les aventures d’Adèle Blanc-Sec.
Avec cet album, le grand Prix d’Angoulême 1985 veut faire perdurer la mémoire des Insurgé.es. Ces communard.es qui auront alors 20 ans en mai 1871 éternellement.
Se rire de la mort
Avec 20 ans en mai 1871 est également à rapprocher de sa merveilleuse série Le cri du peuple d’après Jean Vautrin. Cette fresque historique est une magistrale chronique sur la Commune.
Si son personnage principal n’a pas de nom, il n’en est pas moins déterminé. Malhabile avec ses jambes qui ne le portent plus, aidé d’une canne, il traverse le cimetière avec une grande résolution. Pourtant Jacques Tardi ne pouvait pas rendre hommage à la Commune sans une once de malice et d’humour. Cette vengeance du vieillard fait sourire et pour cela 20 ans en mai 1871 réussit son objectif.
Sans compter sur la beauté de ces 25 grandes images et leur force graphique en noir et blanc.
- 20 ans en mai 1871
- Auteur : Jacques Tardi
- Éditeur : Martin de Halleux
- Collection : 25 Images
- Prix : 19,90 €
- Parution : 15 septembre 2023
- Pagination : 32 pages
- ISBN : 9782490393299
Résumé de l’éditeur : Sur l’avenue de la Chapelle du cimetière du Père-Lachaise, s’élève l’imposant mausolée d’Adolphe Thiers. Premier président de la IIIe République, il restera comme celui qui, en mai 1871, organisa la sanglante répression des communards, s’attirant pour toujours la haine du peuple de Paris. Aujourd’hui, sur la grille du l’immense tombeau on peut toujours y lire le discret graffiti « Vive la Commune ».
À propos de l'auteur de cet article
Damien Canteau
Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.
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