Commando Barbare

En l’An 83 de l’ère du Bien, le royaume de Litvakie a éradiqué le Mal. Tous vivent en paix et en harmonie. Depuis près d’un siècle, aucun crime n’a été commis. Aucun ? Non ! Car un vol odieux a bel et bien été perpétré ! Sur le banc des accusés : Burrato, le nain ritalien. Tout l’accuse. Mais le guerrier entend bien prouver son innocence, laver son honneur et distribuer quelques baffes au passage ! Dans Commando Barbare, paru chez Glénat, Joann Sfar et Nicolas Keramidas nous invitent à suivre Burrato le Vertueux dans une aventure épiquement drôle.

COMMANDO BARBARE : NE RÉVEILLEZ PAS UN NAIN RITALIEN QUI DORT.

Quand on est loyal et bon, c’est pour la vie. Ainsi, Burrato n’a pas vu le mal quand son cousin l’a questionné sur son travail. Et rétrospectivement, il se dit que ça aurait pu valoir le coup…

Il faut bien reconnaître qu’il faut avoir l’esprit mal tourné pour vouloir voler une semaine de recettes de la compagnie des remonte-pentes.

Mais désormais, c’est trop tard : les quelques pièces d’argent et la dizaine de gemmes ont disparu et qui plus est, Rammanite, son collègue cavernicole, est mort.

Alors il a beau clamer son innocence dans le palais de justice de la Grande Principauté de Gerçure d’Orteil, personne ne l’écoute. Pas même son avocat qui semble aussi embêté que lui.

Et on peut le comprendre, car en Litvakie, aucun crime n’a été commis depuis bien longtemps. Depuis 86 ans pour être précis, et l’avènement de l’ère du Bien.

Il arrive ainsi que certaines situations soient bien mal engagées. C’est pourquoi, parfois, quand tout semble perdu, il faut savoir prendre son destin en main. Après tout, ce serait trop bête de jouer sa vie sur un lancer de dés, comme on dit.

Alors ni une, ni deux, Burrato saute par la fenêtre du palais de justice. Son but ? Survivre à la chute… Et si ça marche, dans un second temps : prouver son innocence.

COMMANDO BARBARE : L’HUMOUR TOUJOURS.

Portés par le style narratif inimitable de Joann Sfar, on suit avec plaisir les aventures de Burrato le Vertueux. L’univers parodique d’heroic fantasy rappelle parfois Donjon un autre titre de l’auteur, réalisé en collaboration avec Lewis Trondheim (Chihuahua). Et la comparaison ne s’arrête d’ailleurs pas là car l’humour est aussi un élément essentiel de Commando Barbare. En jouant sur les archétypes du genre, le scénariste s’en donne à cœur joie. Ainsi, le burlesque côtoie la parodie et la satire dans un cocktail détonnant.

L’AVENTURE, C’EST L’AVENTURE.

Par ailleurs, à la lecture du premier tome de la saga Commando Barbare, on remarque immédiatement le rythme de l’œuvre. Pas une planche, pas une case même, sans péripétie.

Il faut dire que dans sa quête, le héros n’aura pas une seconde de répit. Sur son chemin, il va en effet croiser des gobelins, une ogresse et ses petits, des gnomes, des elfes fondamentaux, un nain du Chaos et même une démonique du nom de Monique. Sans compter les monstres non identifiés arborant mandibules et autres pattes de langoustes en plus gros et poilues.

BURRATO LE BARBARE.

Et bien entendu, pour avancer dans sa quête, Burrato va devoir trucider tous ces ennemis. Qu’il soit rouge ou vert, le sang gicle, les têtes roulent et les bébés ogres meurent les uns après les autres.

« J’ai la gueule pleine de sang vert. Je crache les yeux de cette petite saloperie dans la bassine comme si c’était des noyaux d’abricot. »

Et pourtant, la violence du récit reste parfaitement regardable. Contrebalancée par l’humour et le style graphique, la brutalité extrême se fond dans la narration, tant et si bien qu’on finit par à peine remarquer qu’un elfe s’est fait découper de bas en haut à coup de couteau d’ogresse. À ce titre, les dessins de Nicolas Keramidas jouent un rôle fondamental.

LE STYLE KERAMIDAS.

Après avoir dessiné Mickey, Alice, et l’émouvant À cœur ouvert, le talentueux artiste réalise le grand écart. Mais en conservant l’esprit décalé et le style cartoon qui le caractérise, il donne vie à l’univers et aux personnages de manière magistrale. La minutieuse construction des plans  donne vie au royaume de Litvakie et à ses habitants. L’artiste joue sa partition avec entrain, au diapason avec le ton du scénario. Il s’amuse réellement et ça se ressent. Parfaitement aidé par la colorisation remarquable de Walter, il nous permet de plonger la tête la première dans la fougue des aventures dont on aimerait presque être le héros.

COMMANDO BARBARE : FAITES CHAUFFER LES DÉS DE 20.

« Je suis niveau 5, donc ça devient sérieux. »

« Je suis un nain d’alignement bon et loyal. »

À la lecture de ce genre de répliques, bon nombre de lecteurs auront le sourire aux lèvres.

En effet, Commando Barbare, s’inscrit dans un projet qui consiste à développer un univers de jeu de rôle. Ainsi, en plus de la bande dessinée Burrato le Vertueux, il sera possible très prochainement d’apprécier un roman illustré ayant pour titre Mozzarello le Chaotique, et bien sûr, un jeu de rôle.

Bien plus qu’une série de clins d’œil, ces références nourrissent l’intrigue et bien entendu l’humour. Les auteurs donnent en effet à voir des situations aussi cornéliennes que loufoques, que seule une partie de jeu de rôle peut permettre d’envisager.

« Présentement, je porte sur mes épaules les rejetons d’une créature chaotique. J’ignore si sauver leur vie constitue une bonne action ou pas. »

De l’heroic fantasy, un humour ravageur, de l’action, des retournements de situation à n’en plus compter, des références aux jeux de rôle… Cette mosaïque bigarrée avait déjà de quoi satisfaire de nombreux lecteurs. Pourtant, certains détails et l’ambiance ubuesque de l’œuvre laissent percevoir un niveau de lecture surprenant à plus d’un titre.

LA SCÈNE EST EN LITVAKIE, C’EST-À-DIRE NULLE PART.

On a beau suivre les aventures d’un barbare nain au nom rappelant un fromage crémeux, il n’est pas interdit de faire marcher ses méninges. Joann Sfar et Nicolas Keramidas en ont pleinement conscience et parsèment leur histoire de réflexions bien plus profondes qu’il n’y paraît.

Ainsi, même si le nom du royaume dans lequel évoluent les personnages, la Litvakie, semble être une invention truculente, il désigne en réalité le territoire de l’ancien grand-duché de Lituanie où vivait la communauté juive des Litvaks. Loin d’être un simple détail, cet élément trouvera un écho à la toute fin de la bande dessinée.

Dans un ordre d’idées différent, la présence du ver de farine Affikoman, personnage récurrent dans l’œuvre de Sfar, permet de développer une réflexion sur la narratologie, rebaptisée « chosologie » pour l’occasion.

Enfin, la rencontre avec des gnomes étudiants donne une dimension sociale aussi inattendue qu’appréciable.

« Travail, c’est un bien grand mot, on n’est pas payés. On nous fait juste miroiter une hypothétique validation de notre thèse. Et peut-être que, trois ans avant la retraite, on pourra avoir un poste de chargé de cours ».

Bref, Joann Sfar et Nicolas Keramidas le prouvent : on peut être un nain barbare de niveau 5 et réussi son jet d’intelligence !

Soulignons enfin que les éditions Glénat nous gratifient d’une édition soignée, dotée de bonus très appréciables qui permettent de prolonger l’aventure en attendant la suite.

 

Sous ses allures de défouloir pour rôliste, Commando Barbare s’avère être une œuvre aux facettes multiples. Grâce à l’alliance d’un humour décapant, d’un concept original et d’une subtilité inattendue, le duo Sfar/Keramidas touche au but.

Article posté le vendredi 15 octobre 2021 par Victor Benelbaz

Commando Barbare de Joann Sfar et Nicolas Keramidas (Glénat)
  • Commando Barbare
  • Scénariste : Joann Sfar
  • Dessinateur : Nicolas Keramidas
  • Coloriste : Walter
  • Éditeur : Glénat
  • Prix : 19.95
  • Parution : 15 septembre 2021
  • ISBN : 9782344041277

Résumé de l’éditeur : 

Nous sommes en l’An 83 de l’ère du Bien et la paix règne en maître dans le paisible royaume de Litvakie. Malheureusement, alors que la sérénité semblait s’y être définitivement installée, un crime a été commis, de l’or a été volé… Burrato, nain Ritalien de son état, a été accusé du larcin. Horrifié de voir son honneur ainsi souillé, il s’échappe de son procès pour retrouver Mozzarello, son cousin et véritable coupable. Pour cela, il s’aventure au cœur de territoires oubliés et fait la rencontre de ses futurs coéquipiers, bras-cassés, la plupart déclassés du système, tous paumés… Ensemble, ils réaliseront qu’un événement – plus terrible encore que les problématiques juridiques de Burrato – est en train de se préparer… L’Empire du Chaos se refait une santé.

Commando Barbare est le projet de deux auteurs chevronnés dans un univers d’heroic fantasy drôle et attachant. C’est aussi un récit complexe qui, à la manière d’un jeu de rôle, se place au cœur d’une cosmologie cohérente. En fin d’ouvrage, retrouvez d’ailleurs un dossier complet consacré au folklore (chansons, cartes…) de l’univers Commando Barbare. Et, en parallèle de sa sortie, prolongez l’immersion avec le jeu de rôle et le roman illustré.

À propos de l'auteur de cet article

Victor Benelbaz

Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.

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