Les 72 démons des Enfers ont été libérés, mais heureusement, Ellie Hawthorne sait manier les sorts mystiques, le verbe acerbe et le marteau rouillé ! Avec Damn Them All, paru chez Delcourt, Simon Spurrier et Charlie Adlard nous emmènent dans un thriller occulte, violent et iconoclaste.
Damn Them All avant qu’il ne soit trop tard.
L’occultisme est un art dangereux. Alfred Hawthorne le savait bien, lui qui avait consacré sa vie à la démonologie. Alors c’est vrai, ses pratiques n’étaient pas toujours conventionnelles. Mais après tout, y’a-t-il vraiment des conventions lorsqu’on parle de démons ? Quoi qu’il en soit, depuis que le vieux sorcier est mort, rien ne va plus dans les environs de Londres. Désormais, n’importe qui peut invoquer un démon pour qu’il assouvisse le moindre de ses désirs. Difficile de ne voir qu’une simple coïncidence entre ces deux événements. Mais une chose est sûre : si quelqu’un a voulu faire taire Alfie, il ne sera pas déçu, car sa nièce Ellie reprend le flambeau. Et elle compte bien mettre en pratique sa vision de l’occultisme :
« Peu importe qui est le meilleur magicien. C’est toujours le plus gros salopard qui l’emporte. »
L’art de manier tous les genres.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Simon Spurrier a plus d’une corde à son arc. Heroic-fantasy postapocalyptique, fable fantastique sans parole, science-fiction sociologique… Le prolifique scénariste s’attaque à tous les genres, avec un point commun : le talent. Dans le cas présent, Damn Them All explore une autre voie : celle du polar occulte. Il s’agit là d’un univers que Spurrier connaît bien. En effet, il a déjà magistralement scénarisé les aventures de John Constantine. Et le fait est que Damn Them All possède quelques points communs avec Hellblazer. Mais loin de la pâle copie, le scénariste montre qu’il connaît son sujet. Et c’est avec une fluidité indéniable qu’Ars Goetia, Andromalius ou encore Haoma sont évoqués pour renforcer l’immersion. Mais pas d’inquiétude à avoir : aucune connaissance en démonologie n’est nécessaire. En effet, à chaque allusion absconse, le malicieux scénariste place une page des archives d’Alfred Hawthorne en guise de notice explicative.
Damn Them All : Clauicula Spurrieri.
Parfaitement accompagné, on peut alors découvrir un polar occulte dans lequel une anti-héroïne au caractère bien trempé va affronter humains et démons. Et comme bien souvent dans ce genre d’aventures, ce ne sont pas les êtres cornus qui sont les plus démoniaques. En effet, Spurrier a l’intelligence de travailler ses personnages pour leur donner une profondeur psychologique particulièrement intéressante. Dans le même temps, l’histoire trouve sa place dans un univers réaliste britannique post-brexit, ce qui ajoute une coloration sociale particulièrement appréciable. Bien vite, on est entrainé dans l’histoire. Et curieux de connaître la suite, on tourne les pages avec avidité. Car on l’aura compris, les qualités du scénario témoignent d’une réelle maîtrise, et côté dessins, nous ne sommes pas en reste.
Adlard en couleurs.
En effet, c’est bel et bien Charlie Adlard, le légendaire dessinateur de Walking Dead qui tient les crayons. Et indéniablement, l’artiste n’a rien perdu de son talent. Les expressions, les visages et même parfois leur absence sont autant d’éléments qui donnent vie à l’aventure. Et dans le même temps, le sens du cadrage du dessinateur touche au but. En effet, les planches sont construites minutieusement pour attirer l’œil avec un dynamisme saisissant. Par ailleurs, à l’image d’Altamont, Adlard délaisse le noir et blanc et présente une aventure en couleurs ; ternes et sombres comme il se doit. Et dans le cas présent, c’est Sofie Dodgson, assistée de Shayne Hanna Cui qui se charge de la colorisation. Habituée des démons (c’est elle, entre autres, qui avait mis en couleur l’excellente série Bitter Root), elle retranscrit à merveille l’ambiance glauque attendue dans ce genre d’aventures. Et en même temps, elle sait faire de chaque apparition démoniaque un spectacle coloré aussi marquant que captivant.
Conçue en 12 épisodes, Damn Them All est une très bonne mini-série. Influencée par la série Hellblazer, elle propose une aventure rythmée, portée par une anti-héroïne au caractère bien trempé. Et la fin ne se fera pas attendre, car elle se conclura avec le deuxième tome qui paraîtra aux éditions Delcourt.
- Damn Them All 01
- Scénariste : Simon Spurrier
- Dessinateur : Charlie Adlard
- Coloriste : Sofie Dodgson et Shayne Hanna Cui
- Traducteur : Laurent Queyssi
- Editeur : Delcourt
- Collection : Contrebande
- Prix : 17,50 €
- Parution : 14 février 2024
- ISBN : 9782413082668
Résumé de l’éditeur : Ellie « Bloody El » Hawthorne est une anti-héroïne, occultiste, dont les services sont à louer. À la suite de la mort de son oncle, un détective de l’occulte, les 72 démons de l’Ars Goetia sont mystérieusement libérés de leur royaume infernal. Ellie va devoir pourchasser chacun de ces démons et les renvoyer en enfer par tous les moyens nécessaires, que ce soit de l’Eau bénite ou… son bon vieux marteau rouillé !
À propos de l'auteur de cet article
Victor Benelbaz
Tombé dans la marmite de la bande dessinée depuis tout petit, Victor est un vrai amateur éclairé. Comics ou récits jeunesse sont les deux genres préférés de ce professeur de français.
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