Dominos

On est toujours le con d’un autre ! Cela se vérifie dans ce quartier dépeint par Théa Rojzman et Abdel de Bruxelles. Avec malice et humour, ils imaginent Dominos un très joli album choral où le vivre-ensemble n’est jamais simple.

Carnet de cons

Mounia et Léo sont interrompus dans leur jeu par le grand Bill, un ado pas très sympathique. Agacés par cette intrusion, ils décident de poursuivre le carnets de cons où ils consignent les agissements des membres de leurs familles, de leurs amis ou des gens du quartier. Il faut dire qu’il y a de quoi noter.

En redescendant par l’ascenseur, Bill – un garçon influençable et proche des idées complotistes – n’hésite pas à se moquer du fauteuil roulant de Jacques, un homme handicapé de l’immeuble. Le chien de ce dernier n’hésite pas à se soulager sur la robe d’une jeune femme faisant son marché. Elle même ne sait pas parler à son fils depuis son divorce avec son conjoint…

Effet dominos

A l’image de Tu sais ce qu’on raconte de Gilles Rochier et Daniel Casenave, Vive la marée de Prudhomme et Rabaté ou Mercredi de Juan Berrio, Théa Rojzman imagine un récit choral où les anonymes sont les héros du quotidien. L’un rencontre l’autre, l’autre croise quelqu’un et ainsi de suite, comme un effet dominos.

La scénariste de Emilie voit quelqu’un (avec Anne Rouquette) brosse des portraits express de personnes typiques d’un quartier. Bobo, ado, névrosé, solitaire, tête de mule, femme croqueuse d’hommes, tout est là, simplement mais efficacement.

Si l’on n’a pas le temps de s’attacher aux protagonistes puisqu’ils changent souvent, le lecteur est entrainé par cette vivacité et ce rythme enlevé.

« Le temps ne fait rien à l’affaire,

Quand on est con, on est con.

Qu’on ait vingt ans, qu’on soit grand-père,

Quand on est con, on est con. »

Voilà le postulat de départ de Théa Rojzman, telle la chanson de Georges Brassens de 1961, elle met en lumière la connerie des uns et celle des autres. Toujours avec humour et sans une once méchanceté, elle dépeint les idées souvent bêtes, aberrantes et ridicules de toute cette faune bigarrée d’habitants de ce quartier. Toujours à la limite, ils peuvent presque en venir aux mains après une réplique déplacée. Tout le monde se connaît, connaît les défauts des autres et c’est ce qui peut facilement mettre le feu aux poudres. La face cachée de l’être humain qui fait que souvent, il est difficile de bien vivre avec les autres. Le vivre-ensemble, ce n’est jamais facile.

Dominos de couleurs

Nous avions été charmé par le trait de Abdel de Bruxelles pour l’album Le conflit israélo-palestinien (avec Vladimir Grigorieff) et cela est encore le cas pour Dominos.

Le dessin rond et coloré du Co-fondateur de Cultures Maison (festival des BD contemporaines dans la capitale belge) est idéal pour apporter son lot d’humour au récit.

Dominos de personnages, de folie, de cons, de part d’ombre et de couleurs, pour un album original, malicieux et drôle !

Article posté le dimanche 09 juin 2019 par Damien Canteau

  • Dominos
  • Scénariste : Théa Rojzman
  • Dessinateur : Abdel de Bruxelles
  • Éditeur : Fluide Glacial
  • Prix : 10.95€
  • Parution : 05 juin 2019
  • ISBN : 9782378782160

Résumé de l’éditeur : En suivant les aventures de deux enfants, les auteurs décrivent les rapports humains entre les habitants d’un quartier de banlieue aux personnalités peu réjouissantes, dont le quotidien est rythmé par les névroses parentales, les relations avec la police, les fake news ou encore les amitiés de complotistes.

À propos de l'auteur de cet article

Damien Canteau

Damien Canteau est passionné par la bande dessinée depuis une vingtaine d’années. Après avoir organisé des festivals, fondé des fanzines, écrit de nombreux articles, il est toujours à la recherche de petites merveilles qu’il prend plaisir à vous faire découvrir. Il est aussi membre de l'ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée). Il est le rédacteur en chef du site Comixtrip.

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