Erectus

Une bonne adaptation de roman en BD, c’est aussi la façon dont l’intention du dessin vibre en résonance avec le récit. Pour mettre en image le roman Erectus de Xavier Müller, Erik Juszezak développe chez Philéas un dessin classique belge dont le réalisme convient à merveille à un livre dont le propos est de confronter les humains que nous sommes, à ceux que nous avons été.

Franco-belgistes, levez-vous pour la BD Erectus !

Afrique du sud. Des animaux sauvages développent d’étranges symptômes. Tout laisse à penser que leurs gênes régressent. Ce sont des animaux préhistoriques qui se dévoilent peu à peu. L’OMS parvient à limiter la sortie de l’information. Mais quand ce sont des humains qui se mettent à leur tour, à muter, la vérité éclate à la face du monde. Une poignée de scientifiques tente de comprendre la source du problème, autant que d’aider les humains à affronter un monde dans lequel leurs proches peuvent devenir leurs ancêtres.

Erectus questionne nos clichés racialistes

Erectus est un thriller. Un de ces récits de propagation de virus mettant l’humanité en danger. De ce côté-là, le roman de Xavier Müller affiche un certain classicisme. L’adaptation qu’en propose Erik Juszezak fonctionne très bien, en parvenant à retranscrire à la fois l’urgence des situations individuelles des personnages et les enjeux globaux à travers le monde.

Mais le livre originel s’avère bien plus complexe, et cette BD tout autant.
C’est bien entendu une réflexion sur le racisme, qui est portée par ce récit. Ici, il y a bien deux races humaines différentes sur Terre, en même temps. Ce qui ne s’était plus vu depuis Néandertal et Sapiens, il y a de cela 50 000 ans. La question qui se pose s’avère donc de savoir si l’existence de deux races différentes légitime pour autant les discriminations centrées sur ce clivage. Erectus et Sapiens, dans cet album, sont profondément éloignés. Cela renforce la différenciation entre les deux espèces.

Le romancier comme le bédéaste poussent donc évidemment ce qui fait point commun entre les deux espèces pour dénoncer la hiérarchisation qui est théorisée par certains personnages. Et par là même, créer un parallèle pertinent pour symboliser les racismes qui s’expriment encore et toujours aujourd’hui dans notre monde.

Les codes du roman thriller sont là

Histoire d’amour, enjeux familiaux, Xavier Müller sait écrire un page-turner. Le bédéaste parvient à reprendre ces différents éléments en conservant sans doute l’essence de ces différentes relations. Les personnages sont crédibles, attachants. Dans leur diversité, on a envie de les suivre. Les lecteurs de romans qui viendraient à la bande dessinée par Érectus, ne seront pas dépaysés. Voilà qui est intelligemment pensé dans le travail d’adaptation.

Juszezak ou l’épanouissement graphique

Jusqu’à quand peut-on progresser ?
Erik Juszezak, c’est quasi 40 ans de dessin et de bande dessinée. Alors qu’a-t-on à prouver en sortant un nouvel album ? A-t-on encore des choses à prouver ?

Il suffit de jeter un coup d’œil dans le rétroviseur, aux sorties précédentes de l’artiste. Un passage sur la collection Un pape dans l’Histoire, un titre plus promotionnel pour un sanctuaire, depuis la fin de sa série Dantès, il y avait comme une forme de routine qui pouvait s’exprimer.

La dédicace d’Erectus en fin d’album laisse entendre que le processus créatif ne fût pas simple. Et pourtant cela ne se voit pas. Au contraire même. Le dessin se fait plus réaliste qu’auparavant, démontrant encore plus de travail, encore plus de rigueur et de maîtrise.  Là où son trait proposait souvent plus de rondeur, il montre ici plus de tension, plus de raideur. Et donc plus de réalisme, qui aide les lecteurs à se projeter dans un futur potentiel que nous avons vécu en partie avec la pandémie de COVID-19. Un encrage léger mais sombre, rajoute indéniablement à l’ambiance pesante, sans que les couleurs de Degreff n’assombrissent de trop l’ensemble.

La BD Erectus : la BD franco-belge, ça fait aussi plaisir

Si vous avez aimé Largo Winch et toute la bande dessinée belge d’aventure, Erectus devrait tout à fait vous plaire. Avec un ouvrage profond et dense à adapter, il offre une lecture longue dans laquelle on se plonge comme dans un thriller de roman.

Article posté le lundi 18 mars 2024 par Yaneck Chareyre

Erectus par Erik Juszezak, chez Philéas d'après Xavier Müller
  • Erectus
  • Auteur : Erik Juszezak, d’après le roman de Xavier Müller
  • Éditeur : Philéas
  • Date de publication : 14 mars 2024
  • Nombre de pages : 104
  • Prix : 19.90€

Résumé de l’éditeur : Une scientifique française, Anna Meunier, se lance dans une course contre la montre pour comprendre et freiner une épidémie entraînant une régression de l’humanité : à New York, Paris, Genève, des Homo erectus apparaissent en meutes, déboussolés, imprévisibles, semant la panique dans la population. Et soudain l’humanité se mit à régresser. À Richards Bay, en Afrique du Sud, c’est le choc. Un homme s’est métamorphosé. Il arbore des mâchoires proéminentes, est couvert de poils, ne parle plus. Bientôt, à New York, Paris, Genève, des Homo erectus apparaissent en meutes, déboussolés, imprévisibles, semant la panique dans la population. De quel virus s’agit-il ? Que se cache-t-il derrière cette terrifiante épidémie ? Une scientifique française, Anna Meunier, se lance dans une course contre la montre pour comprendre et freiner cette régression de l’humanité. Partout, la question se pose, vertigineuse : les erectus sont-ils encore des hommes ? Faut-il les considérer comme des ancêtres à protéger ou des bêtes sauvages à éliminer ? Un cauchemar planétaire.

À propos de l'auteur de cet article

Yaneck Chareyre

Journaliste , critique et essayiste BD depuis 2006.

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